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Vie et mort de la jeune fille blonde.
Un type (auteur-narrateur) se rend à un dîner chez des amis. Pas vraiment des amis d'ailleurs, plutôt des gens avec qui on dîne de temps en temps, pour s'occuper, pour le repas et l'alcool, pour passer l'ennui. Une sorte de mascarade et de bulle en dehors du quotidien tout à la fois.
Des bobos réunis ça fait quoi ? ça arrive à la bourre, et déjà à moitié pintés au rendez-vous, ça fait des concours de claques, ça reste dans les cordes de la conversation, ça boit à en perdre des bras et des jambes.
Rien d'anormal.
Jusqu'à ce qu'un des invités, jamais arrivé, appelle pour prévenir qu'il ne viendra plus à cause de tout un enchaînement poisseux de circonstances.
Le monde extérieur crade et malveillant creuse une faille et pénètre dans l'atmosphère tranquille de cette soirée.
"L'atmosphère avait irréversiblement changé. Les joyeux invités paraissaient plus amers, plus fatigués - au fond, personne ne se faisait de souci pour Eudeline, il aurait tenu le coup jambes et bras coupés, mais le récité de l'incident, qui s'était glissé jusqu'à l'intérieur du cube par le téléphone, rappelait sans doute à certains que dehors tout était instable, et avait en tout cas diffusé dans la pièce d'imperceptibles particules de gravité, de rigidité, d'inquiètude."
Évidemment, à partir de ce moment, les conversations s'orientent vers l'expérience de la catastrophe quotidienne.
Jusqu'à ce que l'hôte parle soudain de sa fille (il a une fille ?) : la trentaine, nympho, toxico pute.
Et que le narrateur-auteur-invité se rappelle alors son expérience sexuelle lors de vacances d'été avec une adolescente correspondant terriblement à ce que raconte l'hôte.
Plongé dans le passé.
Lien entre ce qu'il était et ce qu'il est devenu.
Ce type morne, dans une routine qui creuse sa trentaine de rides et de cernes, a soudain conscience de ce qu'il était, adolescent. Le rayonnement de ce souvenir l'anime soudainement d'une nouvelle énergie d'une nouvelle force.
Et alors, le narrateur va partir dans une quête de la jeune fille. Quête du passé. Pour retrouver l'innocence, la candeur, la force, l'espoir, pour retrouver quelque chose de lui qu'il avait enfoui et oublié.
C'est un bon livre. Nul doute.
Bien écrit, on tourne les pages avec aisance, fluidité.
Je comprenais très bien cet éclat soudain du passé qui vient dépoussiérer le présent.
D'avance on se doute que la quête finira mal (le titre, le côté Miraculeux et Improbable du résultat), mais on s'accroche, on se demande jusqu'où arrivera ce type, et comment sa vie se transformera.
Histoire introspective sans être dans des réflexions intenses et poussées, Jaenada effleure les questionnements, comme de peur de trop se bousculer ou de trop bousculer son lecteur. Comme s'il plantait une graine (un souvenir ?) dans l'esprit du lecteur, et advienne que pourra. Du coup, c'est agréable à lire, plus le narrateur s'enfonce dans son passé, plus nos propres souvenirs de notre passé, de notre adolescence peuvent remonter. L'universalité des sentiments et des expériences. Plus le lecteur peut alors, lui aussi, sentir l'espoir fou de la jeunesse, l'avidité de la vie, et ressentir son écho.
Seulement, le présent ne s'oublie pas.
Jaenada verse dans la mélancolie, décrit des lieux et des relations humaines vides, déshumanisées, où l'on sent que la vie est toute émiettée, ensevelie. Il n'y a pas grand espoir. Mais il en reste un, c'est que l'on existe, malgré tout, quelque part. Dans un souvenir, dans un objet, dans un mot. Quelque part, quelqu'un pense à nous. D'une façon ou d'une autre. Et cette pensée nous permet d'exister plus profondément.
Livre sur la vanité de l'existence et des relations humaines.
Sur ce que l'on est, comment l'on vit par le regard des autres, et par le regard que l'on a soi-même sur son existence, par son passé.
Très intéressant sujet, fluidité d'écriture qui permet de ne pas sombrer dans le pompeux redondant.
Mais... malgré tout, je suis restée quelque peu en décalage. Ce type vit dans sa bulle, et il est difficile de trouver une accroche. On le comprend, on le suit, mais on reste à côté. De loin. Ce qui est dans la continuité logique du propos même du livre, mais laisse un goût d'éphémère mélancolique, inachevé, avec des aspérités.