On ne peut apprécier pleinement cet ouvrage sans le poser dans sa perspective historique. Car le monde décrit ici, dont les personnages principaux et leurs préoccupations appartiennent tous à l'intelligentsia de l'époque, a ceci de particulier : il est voué à une disparition prochaine. Une dizaine d'années à peine après la parution de ce livre, il ne restera plus rien de l'empire austro-hongrois.
Il ne s'agit donc pas ici d'une analyse "a posteriori", mais bien de ce moment étrange, comme suspendu au-dessus du gouffre où un ordre des choses périmé mais qui veut l'ignorer fait, si l'on peut dire, des projets d'avenir.
On ne peut pourtant reprocher aux "héros" de ce roman d'être démunis d'une certaine profondeur et même d'une certaine acuité du regard qu'ils posent sur leur époque; toute l'ironie réside en ce qu'ils ne regardent visiblement pas au bon endroit, trop préoccupés par la "gestion" de leurs pathos individuels. Il est possible de reconnaitre ici une certaine constante caractérisant un monde qui se défait et ce, plus précisément encore, dans cette catégorie particulière qu'est l'intelligentsia : elle ne peut littéralement pas envisager que ses structures idéologiques n'aient plus cours et que son mode de pensée soit finalement périmé.