Puissance du style et force romanesque
Un homme dans un train entre Milan et Rome. Au fil des gares traversées il se souvient. De son passé et de celui de la Zone. La Zone c'est la zone de guerre très ancienne que constituent les rivages de la méditerranée et l'Europe. Il se souvient des victimes et des bourreaux (dont il fut), des victimes devenues bourreaux et des bourreaux devenus victimes. Au fil des années passées dans un service de renseignement il a monté un énorme dossier sur les innombrables bourreaux, anciens et modernes de la zone. C'est ce dossier qui lui revient en mémoire au fur et à mesure de son avancée vers Rome.
Un livre extrêmement fouillé et documenté sur les nombreux pogrom et guerres commis en Europe et sur ces bords depuis la guerre de Troie (de nombreuses références à l'Iliade dans le livre, notamment le nombre de chapitres, 24 comme le nombre de chants de l'Iliade) voila comment on pourrait définir Zone .
Ambitieux mais réussi notamment grâce au travail remarquable sur la forme. J'ai beaucoup apprécié l'écriture qui nous porte dans le tourbillon des guerres qui ont dévasté l'Europe et ses frontières sans nous laisser beaucoup souffler. Les passages dans le train sont très beaux et j'ai beaucoup aimé le procédé consistant à utiliser les gares traversées pour faire la liaison entre les différentes pièces du dossier. L'absence quasi totale de ponctuation participe grandement au charme de l'écriture, contribuant à hypnotiser le lecteur et à l'emporter dans la Zone. Le narrateur et personnage principal est très agréablement détestable. Un petit regret pour la fin quand même que j'ai trouvée un peu bâclée.
Cela fait bien longtemps que je n'avais pas lu de roman français possédant une telle puissance. Dommage que l'éditeur ait axé sa communication sur le discours « c'est un roman avec une seule phrase » car c'est techniquement faux et très réducteur. Zone vaut bien mieux que ça.