- High ? - Ouais...

Tu as peut-être 20 ans. Ou peut-être 40. Peut-être que tu connais Sublime, ou peut-être pas. Peut-être aussi que tu as déjà entendu cette chanson : http://youtu.be/AEYN5w4T_aM et vu son clip posthume en forme d'hommage westernesque. Tu as peut-être kiffé ce reggae ensoleillé, cette ambiance posée, ces paroles rigolotes, ce petit solo de guitare qui n'a pas à rougir devant les plus grands. Ce que tu ne sais peut-être pas, en revanche, c'est qu'avant de devenir le plus gros succès de Sublime, Santeria existait déjà sur l'album précédent Robbin' The Hood (note le calembour), en version instrumentale sous le titre de Lincoln Highway Dub (mais qui n'a rien d'un dub au sens kingtubbyesque du terme).

Si tu ne connais pas cette version, tu pourras l'écouter ici : http://youtu.be/l9OyzTt25NM. Et si ça te plait, tu pourras même écouter l'album en entier, tant que tu y es.

Pour comprendre pourquoi je critique cette version (ma préférée), et pas Santeria, il suffit de savoir que c'est tout simplement celle que j'ai entendue en premier. Imaginez ma surprise la première fois que j'ai entendu Santeria, sur l'album suivant ! Mais c'est pas le sujet, revenons à nos moutons.

Lincoln Highway Dub frappe d'abord par sa structure. C'est un morceau d'une simplicité affligeante : basse, guitare, batterie. Point barre. Ici la batterie est cette espèce de batterie électronisante qu'on retrouve sur tout l'album (et seulement celui-là). La guitare est claire, et la basse est lourde mais chaleureuse, presque envoûtante, comme souvent chez Sublime. Quelques obscurs samples vocaux au début pour marquer le coup mais c'est tout, le morceau ne s'encombre d'aucune fioriture.

Ces deux minutes de pur orgasme auditif sont constituées d'une danse entre la basse et la guitare. La basse donne la mélodie, très simple, très belle et très accrocheuse, et la guitare donne sa version. Jamais ça ne se répète, jamais ça ne lasse. J'ai rarement entendu un morceau où les deux instruments à cordes étaient sur un tel pied d'égalité. Chacun répond à l'autre, chacun complète l'autre, d'une manière incroyablement fluide. On pourrait aussi interpréter ça comme une course entre deux champions : chacun essaie de dépasser l'autre, tout en se faisant rattraper en permanence. Dès qu'un des deux instruments laisse un blanc, l'autre se rue dedans, ne serait-ce que pour une fraction de seconde, tout en laissant le premier revenir dans la course.
Les deux instruments se répondent dans cette espèce de ballet incessant, cette course effrénée vers l'infini, dont le but est paradoxalement la course elle-même.

Et puis l'air de rien, au niveau technique, c'est vraiment pas dégueulasse. Tu sens que les mecs assurent derrière leur manche de guitare. Il est évident qu'une très grande partie de ce morceau est de l'impro, et je serais pas du tout surpris d'apprendre qu'il a été enregistré en une seule prise.

Loin de moi l'idée de dénigrer Santeria avec cette critique, bien au contraire. Je trouve finalement que les deux morceaux sont tout à fait complémentaires, chacun étant, à sa manière, très représentatif de l'album où on le trouve.