Le chef d'oeuvre de Joy Division

Une boucle rythmique étrange pendant les premières secondes qui donne une impression distordue tout droit sortie de l'imagination de Martin Hannett. Puis vient le rythme implacable de la batterie de Stephen Morris et la basse mélodique et sombre de Hooky. Enfin vient la guitare de Sumner, au son un peu distordue, la mélodie se fait très obscure mais en même temps très énergique. Le riff de guitare est sublime, désespéré, s'inspirant du hard rock notamment Black Sabbath. La guitare veut s'extraire de quelque chose mais n'y arrive pas.

Le riff s'arrête et ce n'est qu'après 1min20 que Curtis commence à chanter. Sa voix est posée et fait le constat d'une relation qui s'étiole, qui change. Le texte devient de plus en plus tragique et sombre : Curtis assume toutes les erreurs passées et s'en rend responsable. Il évoque même le suicide dans cette phrase qui restera célèbre : "A loaded gun won't see you free. So you say.". Il est dans une impasse, on sent une grande tristesse, une grande désillusion dans cette voix tout comme le titre l'indiquait : New Dawn Fades , c'est la disparition d'une nouvelle aube, qui représentait l'espoir mais qui s'éteint progressivement. La chanson parle évidemment de la relation de Curtis avec sa femme. (Pour l'anecdote, sa femme lui avait demandé si la chanson parlait de leur couple et s'il pensait vraiment ce qu'il a écrit, ce à quoi il répondait non. Malheureusement, c'est bien de lui qu'il parlait.)

La voix de Curtis s'arrête, la mélodie continue puis soudain on assiste à une montée en puissance avec le retour de la voix de Curtis qui commence à crier de colère, c'est un cri de détresse, une angoisse profonde, un désespoir énorme. Il crie sa déception, il ne ressent plus rien, il a trop subi et évoque des souvenirs douloureux. L'intensité monte de plus en plus, et il se met à hurler pour finir sur ce constat d'une grande noirceur et en même temps très beau :

It was me, waiting for me
Hoping for something more
Me, seeing me this time
Hoping for something else

Il projetait sa propre personne sur l'être aimé plutôt que de l'aimer vraiment. Il s'attendait lui même. Il espérait quelque chose de plus, maintenant il espère quelque chose d'autre. Je trouve ça sublime, même si c'est d'une tristesse incroyable.
La chanson s'achève sur le riff de départ qui avait gagné en intensité avec le chant de Ian, et se termine, toujours dans cette ambiance désespérée, cette colère.

Jamais un groupe n'aura atteint une telle intensité, un désespoir aussi criant, on a juste envie de partager cette colère et de pleurer. Et là, on ne peut pas dire que Ian Curtis est un mauvais chanteur. J'en ai toujours des frissons. Cette voix ... ce riff ... ce texte ... il n'y a pas de mots pour décrire l'effet que ça me fait.