A l'origine, je connais cette chanson par la reprise de Tristan-Edern Vaquette qui a littéralement bercé mon adolescence. C'était sur son album "Un siècle (et demi) de chanson française hard-core" où il juxtaposait ce texte avec un texte de Ferré intitulé "l'école de la poésie". Je le dis car c'est introuvable sur le net à moins de commander cet album qui vaut vraiment le détour.
En effet, ce texte m'a toujours remué et suscité en moi une vérité. Il faudrait la passer en boucle dans les oreilles de certains politiciens ou personnes mal lunées, tourmentées quant à leur identité pseudo-collective, quant aux "envahissements d'immigrés", quant au "grand remplacement". La vérité qui me remue provient de cette rage continue du manque d'esprit et d'apprentissage de l'esprit critique pendant toute la période éducative et dans toutes nos socialisations, peu importe nos âges ou notre statut dans la société. Je ne parle pas d'une société philosophique où tout se nuance-par-des-vérités-issues-de-la-dialectique-kantienne. Mais d'une société où chacun a appris à se remettre en cause, dont notamment sur ce que peut être une identité.
Sur cette notion de "casser sa race", on atteint la solution à toutes les fissures anales qui percent l'antiracisme aujourd'hui. Cette solution est dans la destruction de toute culture, de toute couleur, dans la remise en cause des préceptes les plus ancrés qui sont autant de haines et d'obstacles dans la communication avec les autres, même celles et ceux issus de la même culture et couleur (les gens que nous voyons depuis notre premier jour en fait et qui modifient par leur présence physique, leur morphologie notre propre plastique). Je parle de destruction, pas de déconstruction hein, mais de broyer, de vriller en arrachant toutes les races, à commencer par la sienne. Par le mot "race", tout le monde sait ce qu'on veut dire mais personne ne veut en assumer le sens. Ce n'est pourtant pas une hypocrisie car tout le système linguistique est le résultat de décision parfois arbitraire, fruit de consensus sociaux. En vérité, le mot "race" ne poserait aucun problème si la société qui le prononçait n'était pas aussi inégalitaire. Elle se situe dans les inégalités la censure, pas dans la liberté de penser ou de dire.
Alors, dans cette chanson, le mot "race" est employé dans un milieu plutôt pauvre et inculte. Nul riche. Il s'agit donc de casser sa race car, dans chaque race, il y a la lie de l'humanité la plus méprisable, sans oeuvre, sans trace ; il y a le laisser faire de choses encore plus supérieures et dégueulasses que nous, et certains - dans chacune des races - composent, s'adaptent et même se conjuguent avec ces choses dégueulasses et supérieures.
Puis, deuxième étape, c'est de casser sa race verticalement après l'avoir cassé horizontalement : tuer, mais plus que tuer, tuer sa mère ET son père ET son frère ET sa soeur ET toute sa famille attablée pour le repas médiocre de Noël où suspend dans l'air l'odeur du petit jésus en argile, au sourire grotesque, les tuer tous pour pouvoir leur chier dessus.
Non.
Les tuer, leur chier dessus pour pouvoir simplement le dire, l'écrire, le transmettre aux générations futures. Artaud, en son temps, était écoeuré d'apprendre que les Etats-Unis prélevaient la semence des jeunes garçons pour construire la prochaine génération de soldats : nous y sommes complètement avec "Casse ta race", avec donc ce morceau de bravoure solitaire.
(Merci VilainChien d'avoir accoucher cette critique au détour d'un commentaire).