Peut-être que si sa femme ne l’avait pas quitté à l’aube des 80’s, la carrière de Phil Collins n’aurait jamais eu le visage qu’on lui connaît aujourd’hui. Revenons aux sources du mythique In the Air Tonight, le premier single du batteur de Genesis. Alors membre depuis dix ans et chanteur officiel du groupe après le départ de Peter Gabriel en 1975, Phil Collins est harassé. Le groupe peine à retrouver la popularité critique des albums Selling England By the Pounds (1973) ou de The Lamb Lies Down on Broadway (1974), deux albums emblématiques du rock progressif, alors à son apogée dans les 70’s avec des groupes comme Pink Floyd ou Yes.


Bref, tout ça pour dire qu’en 1980, le progressif et ses morceaux de plus de quinze minutes n’a plus vraiment sa place sur la sphère rock, remplacé par le punk rock ou la disco. Phil Collins envisage alors de quitter Genesis quand le coup de grâce s’abat sur lui, le divorce. Collins en a marre, il est en colère, possédé par une envie de dévorer le monde et de donner un bon gros coup de pied dans la fourmilière du rock. Avec In the Air Tonight, il va pouvoir se venger de tout le monde : de son ex, des fans de Genesis mécontents du départ de Gabriel, des producteurs de disque. Pour cela, il a une arme secrète qui aurait pu signer son arrêt de mort en tant que batteur : la boîte à rythme.


La boîte à rythme, c’est cet instrument fort pratique dont se délectera Michael Jackson dans son album Thriller en 1982. Plus besoin de batteur, plus besoin de micro ou d’instrument, la boîte à rythme prédéfinit un rythme (comme c’est astucieux) qui ne souffre pas des imperfections d’un véritable musicien. On pourrait donc penser que cet instrument serait une hérésie pour le batteur qu’est Phil Collins. Qu’à cela ne tienne se dit-il, non seulement, la boîte à rythme sera présente dans son morceau, mais elle sera l’instrument central, celui sur lequel toute la tension va se concentrer.


Ainsi, le premier titre du premier album de Phil Collins commencera par…une boîte à rythme. Un joli pied de nez à ses détracteurs. Mais là où Michael Jackson donnera à l’instrument une sonorité funky et dansante, Collins va lui donner une note sombre, glauque, pesante. À cela, il va ajouter un synthétiseur et une guitare électrique discrets mais qui vont amplifier cette sensation d’inconfort qui assaille l’auditeur. Enfin, la voix de Collins apparaît, mais là encore, pas pour nous rassurer. Non seulement, il va intégrer du vocodeur, une sorte d’auto-tune à l’ancienne qui va donner davantage de présence et surtout de densité à sa voix. Mais surtout, les textes n’ont rien de rassurant.


« Well, if you told me you were drowning
I would not lend a hand »


« Si tu te noies, je ne te tendrai pas la main ». Voilà qui est bien joyeux Phil, tellement joyeux que certains ont cru à un aveu d’homicide de la part du chanteur. Évidemment, ces vers totalement improvisés sont destinés à son ex pour qui il n’a plus aucune retenue.


Ainsi, les paroles sombres et les sonorités denses vont donner une ambiance unique qui va insidieusement envahir l’esprit de l’auditeur encore pas sûr de savoir s’il apprécie ce qu’il entend.


C’est finalement au bout de trois minutes et de quarante secondes que tout éclate. Tout ce suspens, cette tension n’était là que pour nous préparer à un solo de batterie aussi court qu’intense. Passage devenu si culte qu’Ozzy Osbourne, le Prince des Ténèbres pour les intimes, hurlera à qui veut l’entendre que c’est le plus beau son qu’une batterie ait pu sortir. Évidemment, Collins ne s’est pas contenté de bourriner ses caisses claires comme tout bon batteur qui se respecte. Il ajoute à l’arrangement, une reverbe et une compression du son qui donne ce cachet si particulier à ce solo de batterie.


La suite et fin du morceau poursuivra cet élan de libération et d’émancipation du chanteur. Avant le solo, il parlait posément, après, il hurle, il donne tout ce qu’il a, montant dans les aiguës comme il sait si bien le faire et martelant à chaque temps fort ses caisses claires. Chaque coup de batterie sonnera comme un uppercut, chaque cri de Collins donnera envie de l’accompagner dans ses envolées lyriques au risque de bousiller ses propres cordes vocales. Bref, cette dernière minute d’In the Air Tonight est culte et influencera une grande partie de la production musicale des 80’s.


Ce succès donnera non seulement un élan à la carrière solo de Phil Collins, mais relancera celle de Genesis qui entre alors dans une période plus pop. En un morceau, Collins aura sauvé son groupe et deviendra l’une des icônes musicales des 80’s, marquant les esprits au Live Aid de 1985 et continuant encore aujourd’hui à faire monter le volume à fond lorsqu’il passe à la radio. Un classique.


Critique écrite dans le cadre d'un entretien d'embauche

Créée

le 4 mai 2021

Critique lue 139 fois

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James-Betaman

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