Hier, on a appris la mort de David Bowie.
Mes réactions furent pour le moins étranges. D’abord une grande tristesse. Peut-on être triste à ce point pour le décès de quelqu’un que nous n’avons pas connu, qui était un étranger pour nous ? Pourquoi j’accorde plus d’importance à cet homme que je ne connaissais pas, qu’à des personnes proches qui disparaissent ?
Serait-ce là un des effets de l’art ? Est-ce que l’un des rôles de l’expression artistique consisterait à rapprocher un artiste de son public ? À créer une communauté, une intimité entre lui et nous ? Cela expliquerait qu’il y ait des artistes que l’on apprécie tant et d’autres qui nous sont si lointains.
Est-ce que l’artiste, en s’offrant dans ses œuvres, en offrant son talent mais aussi et surtout sa sensibilité, sa vision du monde et ses émotions, atteint alors, non pas forcément à l’universel, mais en tout cas à un degré où une partie de son public va se reconnaître et sympathiser, au sens le plus fort du terme ?
Et puis, l’artiste peut aussi nous permettre d’avoir accès à des choses que nous ignorions de nous-mêmes. Proust, par exemple, dans lequel je suis plongé pour le moment, à cette faculté de nous montrer tout le mécanisme des pensées et des émotions, avec une telle précision que ça en devient abyssal, et que ça plonge jusqu’aux tréfonds de nos consciences.
Ainsi, perdant un tel artiste, on perdrait du coup comme une partie de nous-même, ou plus précisément on perdrait la faculté d’avoir conscience et d’exprimer cette partie de nous-même.
C’est sûrement cela qui fait le grand artiste, cela qui fait la différence entre David Bowie et le vulgaire petit mec qui pousse la chansonnette pour pouvoir passer à la télé.