Love on a Real Train par Poison Ivy
Toujours inclassable aujourd'hui, Tangerine Dream a proposé dès ses débuts dans les années 70s un son différent. Par facilité, certains affirment que leur usage intensif de synthétiseurs les place dans la mouvance électro, appellation fourre-tout par excellence dans laquelle on trouve tout et n'importe quoi, de la vulgaire techno commerciale qui fleurit bon sur nos radios FM aux délicatesses moins connues teintées de jazz d'un Ametsub franchement doué. Assurément, Tangerine Dream a su créer son propre style.
Ce groupe donc, est tout d'abord fortement influencé par nos aînés classiques. Bach et Ravel transmettent leurs couleurs dans leurs premiers albums. D'autres plus récents La Monte Young, Terry Riley puis Steve Reich ne manqueront pas non plus de donner un peu de leur patrimoine génétique concernant le minimalisme répétitif, une sorte de musique classique où l'on répète des notes simples pour former un motif rythmique qu'on se fera un plaisir de faire évoluer. Parmi les créations de cette mouvance se trouve Music for 18 Musicians de Steve Reich (1976), non seulement œuvre maîtresse du compositeur américain mais aussi référence incontournable de la musique contemporaine, voire œuvre majeure tout court au même titre que le Requiem de Mozart ou les Quatre Saisons de Vivaldi. C'est une composition tellement aboutie que je me dois de l'écouter une fois par mois pour n'en oublier aucune de ses notes, aucune de ses variations rythmiques et harmoniques, en d'autres termes je l'écoute pour avoir ma dose.
Vous aurez deviné qu'à parler aussi longuement du petit bijou du père Reich, il y a anguille et filiation sous roche. En 1984 Tangerine Dream dans Love on a Real Train s'attaque à l'époque à la référence absolue du minimalisme répétitif. Ils l'avaient déjà fait l'année précédente dans certains passages de Logos, la démarche force ici le respect en attaquant frontalement leur sujet. Elle provoque aussi une exigence certaine sur la qualité du produit fini. Or, il faut bien avouer que qualité il y a. Certes, nous passons de presque une heure à moins de 4 minutes mais le moindre brin d'ADN a été repris, adapté, transposé pour nous donner une œuvre dont les douces sonorités nous bercent telle la répétition des petits chocs causés par le passage des roues d'un wagon sur les joints entre les rails. Le message est clair : Tangerine Dream clame tout simplement son amour pour son aîné.
Ecoutes connexes :
- Music for 18 Musicians, Steve Reich
- New York Counterpoint, Steve Reich
- Electric Counterpoint, Steve Reich.