1. Comme "A whiter shade of pale", "Ode to Billy Joe" fut un n°1 de fait qui n'avait rien pour l'être.


Il s'agit d'une véritable petite nouvelle narrée sans effets vocaux par une obscure chanteuse de folk sur une musique monotone et funèbre, centrée sur une famille rurale qui au cours d'un repas évoque très prosaïquement, parmi les nouvelles locales, le suicide d'un certain Billy Joe. Ce qui ne coupe l'appétit à personne (Well, Billie Joe never had a lick o' sense, pass the biscuits, please), sauf à la narratrice, qui a été vue avec Billy Joe jeter quelque chose du haut d'un pont. Puis la chanson poursuit sur la chronique d'une vie familiale qui se dégrade avec le temps (There was a virus goin' round, papa caught it and he died last spring / And now Mama doesn't seem to want to do too much of anything). Mais la narratrice continue à se rendre au pont, d'où elle jette des fleurs.


Interrogée sur les zones d'ombre laissées dans le texte, Bobbie Gentry s'est refusée à éclaircir quoi que ce soit, se bornant à déclarer qu'il s'agissait d'une chanson sur l'indifférence.


Avec raison. Les questions restées sans réponse (pourquoi Billy Joe s'est-il suicidé ? Qu'a-t-il jeté à l'eau avec la narratrice ?) font tout le charme mystérieux de cet OVNI mélancolique, mais elles ont tellement travaillé le public américain que quelqu'un s'est cru obligé d'y répondre quelque 10 ans plus tard dans un film qui n'a pas marqué les annales. C'est ainsi que les USA savent quelquefois produire des fleurs malingres et vénéneuses d'une sobre subtilité... et leur antidote.


En France, Joe Dassin a fait de cette chanson une adaptation extrêmement fidèle ("Marie-Jeanne"), qui en respecte à la lettre l'atmosphère et les paroles, transposant seulement l'action en Aquitaine sans que cela choque. C'est si réussi que c'en est presque une cover, et de telles réussites sont suffisamment rares pour qu'on les note.


"Ode to Billy Joe" ne peut être considéré comme un one hit wonder, dans la mesure où l'album éponyme a quand même détrôné "Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band" à l'époque, et où sa créatrice poursuivit une carrière de country-folk jusqu'à la fin des 70's. Mais, malgré des albums de qualité (surtout "Fancy" en 1970), elle ne connut plus aucun succès comparable, sans doute pour s'être laissé enfermer dans un genre populaire mais étroit.


Lien avec les paroles :


https://youtu.be/OjDFbJ7D_2E

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le 28 oct. 2016

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