Voyous
6.5
Voyous

Morceau de Fauve et Georgio ()

Voyous est une chanson initialement inédite, qui sera par la suite intégrée dans l'album "Vieux Frères, Partie I".
Le thème de ce morceau est le manque d'estime de soi qui reflète une mauvaise image vis-à-vis des autres, entrainement un jugement difficilement effaçable de la part de son entourage ("On efface pas les ardoises"). Le morceau s'ouvre sur un jeune déboussolé, visiblement en difficulté financière, arrivant dans un restaurant et harcellant les clients en se montant à la tête tout seul. Il est dans l'agression et les gens autour sont dans la réaction. Le jeune manque tellement d'estime de lui même qu'il s'imagine que les autres le détestent, sauf que cette agression entraînera le mépris des clients qui, initialement, n'avaient pas d'avis sur lui. Notons aussi que le jeune passe son temps à se dévaloriser lui même ("Je ne suis pas quelqu'un de bien, je ne suis pas une belle personne, juste une sale bête") et insiste sur la fatalité le poussant à ne pas chercher à s'améliorer ("Tu nais comme ça, tu vis comme ça, tu cane comme ça"). Il est intéressant de noter que l'auditeur du morceau ne connait pas non plus le jeune, donc aura tendance à le prendre pour un voyous, uniquement par le biais de ce que le jeune raconte.
Lorsque le refrain arrive, on apprends finalement que le jeune n'a rien fait d'illégal ("j'ai braqué personne, planté personne, buté personne"). Il n'est donc pas un voyous mais s'imagine l'être. Il donne d'ailleurs lui même "un million de bonnes raisons pour qu'on m'attrape, qu'on me casse les genoux et qu'on me cloue au piloris", alors qu'il souhaite se repentir, mais de quoi exactement?


Le deuxième couplet installe la jalousie de ce jeune vis-à-vis des clients, l'amenant à se dévaloriser de lui même. Le morceau introduit une satyre sociale déguisée lors de ce passage. ("Mais dis-toi que t'as de la chance toi, t'es né bien comme il faut, t'es solide, t'es cohérent, tu mets personne mal à l'aise dans les restaurants"). Ce ne sont plus les actes mais les apparences qui amènent le jugement. Puis le jeune indique aux clients qu'eux même pourraient descendre de leur piédestal à tout moment ("Ouvre pas trop la porte de ton placard alors, tu pourrais être surpris, ça va te faire tout drôle, le soir où les choses que tu pensais avoir enfouies te font savoir qu'en fait elles étaient là, juste là, planquées sous le tapis "). Il insiste ensuite sur son malaise en restant dans la dévalorisation de soi ("Tu ne sais pas ce que c'est d'être un crevard, une crasse, un pantin").


Dans le troisième couplet, plus court, le jeune s’adresse à sa copine en lui demandant comment elle parvient à l'aimer tel qu'il s'imagine être. On notera qu'il s'agit de la première fois dans le morceau qu'il reconnait qu'il se déteste lui même et semble surpris que d'autres puissent voir de la bonté en lui. Surpris par l'attention qu'il a toujours recherché "comme un puceau qui ment", il réagit en cherchant à s'isoler pour finalement exprimer ce qu'il ressent à l'intérieur ("De hurler ma peur panique des autres, ma mesquinerie sournoise, mes regrets, mes erreurs, mes névroses, mes obsessions, mes méta obsessions, ma phobie de la douleur, de la perte, du suicide, de la dépression").


Puis arrive la partie de Georgio, lors de laquelle le jeune finit par se rendre compte de son état ("j'ai l'impression d'être en HP, je me fait cogner par mes regrets"). Il reconnais qu'il n'est pas à proprement parler un voyous, qu'il est simplement dépressif et exprime le souhaite de "sortir de ma bulle". Finalement, il fait le choix de s'estimer enfin ("je ferai mes armes tout seul, je veux qu'on me parle bien et qu'on m'estime pour ce que je suis, éviter à tout prix ce modèle de défaite qu'on m'a prescrit") avant de revenir sur le refrain ou il rappelle qu'il n'a rien fait de mal et souhaite se repentir.


Malgré ses apparences populaires à la limite du grossier, "Voyous" de Fauve est un morceau très bien construit, nous mettant dans la peau d'un personnage pas si anodin, dressant le tableau d'une jeunesse en manque d'estime de soi, rappelant aux jeunes qu'ils sont leur propre prison. Ce morceau est construit de manière progressive, ce qui se retranscrit dans l'intonation de la voix du chanteur puis dans le rap virulent de Georgio.
L'habileté de ce texte consiste à nous mettre dans la tête du jeune et à nous amener à le voir tel qu'il se voit lui même, comme un voyou, alors que ce jeune est loin d'en être réellement un.
Finalement, ce qui compte, ce n'est pas la manière dont on nous voit, ni la manière dont les autres nous voient mais ce que l'on souhaite être. Le jeune de cette chanson n'est définitivement pas un voyous.


Fauve a eu tout au long de sa carrière le talent de rendre viscéral l'auto-violence que l'on s'inflige lorsqu'on se sent mal, ce qui arrive à tout le monde, afin de nous dresser le tableau que l'on se fait de nous même, de nous prouver son absurdité et de nous proposer une porte de sortie. Fauve fait un peu l'effet d'un psy qui écoute, confie et propose des solution. Cette chanson est finalement lumineuse car elle n'entretient pas le cliché du jeune voyous. Elle le présente dans toute son absurdité et amène les jeunes à ne plus se considérer eux mêmes comme tels et aux adultes à ne plus les juger trop vite.

Orpheelepoete
9
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Créée

le 28 mai 2016

Critique lue 143 fois

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