Promenade sur le versant sauvage
(ou le second volet de l'hommage à Lou Reed après la critique du premier album du Velvet Underground :
http://www.senscritique.com/album/The_Velvet_Underground_Nico/critique/21312813 )
A un moment, pas très longtemps, l'ami américain a tendu l'oreille et son visage a marqué une surprise certaine - "Oh! my God ..." Il avait dû entendre la chanson quelques dizaines de fois, chez lui, du côté de Saint-Louis Missouri, sans jamais vraiment prêter attention aux mots. Comme des millions d'Américains, et peut-être même leurs censeurs professionnels, habituellement si vertueux. Mais à cet instant, peut-être à cause de la présence d'étrangers, à la fois séduits et totalement ignorants du texte, il s'était un peu plus intéressé au texte et aux étonnants jeux de mots, très étonnants ...
Candy came from out on the Island
In the backroom she was everybody's darling
But she never lost her head
Even when she was given head ...
(Candy venait de Long Island / dans l'antichambre elle était à tout le monde / mais elle ne perdait jamais la tête / même quand elle ne savait plus où donner de la tête ...)
Et défilent les figures les plus pathétiques et les plus magnifiques de la Factory - telles qu'en elles-mêmes, telles que Lou Reed lui-même les avait déjà évoquées : "les choses les plus étonnantes, les plus drôles, les plus tristes ..." Dans le premier album du Velvet, une chanson, d'ailleurs assez peu connue, "Run, run, run", annonce très directement Walk on the wild side, avec son défilés de marginaux, en quête de doses, en quête de passes, "a hustle here, a hustle there", avec un presque copié/collé des mots à venir : ... take a walk down to Union Square.
A quoi peut donc tenir le caractère mythique d'une chanson, définitivement culte ?
... à UNE LIGNE DE BASSE ?
(obsédante, dès la toute première note, mais certes pas mécanique, non sans nuances)
http://www.youtube.com/watch?v=4wNknGIKkoA
(tout le long du morceau, en amont même du texte pendant les 20 premières secondes)
Et défilent les silhouettes les plus dérisoires et les plus magnifiques de la Factory.
Holly came from Miami FLA
Hitch-hiked her way across the USA
Plucked her eye-brows on the way
Shaved her legs and then he was a she ...
(Holly venait de Miami par le vol FLA / avait traversé les USA en auto-stop / se faisait les cils sur la route / se rasait les jambes et alors il devenait elle ...)
à UN CHOEUR FEMININ CULTISSIME,
celui des coloured girls Doo doodoo doodoodoo doo doodoo doodooddddddddddddddddoodoo doodoodoodoo doodoo doodoo
http://www.youtube.com/watch?v=4wNknGIKkoA
(entre 1'15 et 1'35, puis entre 3'10 et 3'38)
Et la silhouette connue, même par ici, de Joe Dalessandro, Trash, Flesh, puis chabrol, Louis Malle, un des seuls à avoir survécu au quart d'heure de gloire annoncé par Warhol, pas forcément sous son meilleur profil ...
Little Joe never once gave it away
Everybody had to pay and pay
A hustle here a hustle there ...
(Little Joe ne faisait jamais de cadeau / chacun devait payer et payer / une passe par ci, une passe par là ...)
La musique est d'une grande finesse, par l'agencement subtile d'éléments simples en apparence : la guitare de Lou Reed, une batterie minimaliste, sans percussions métalliques, quelques accords d'archet ...
Et le texte de Lou Reed, très trivial et très écrit, plus mystérieux que scandaleux - avec ses jeux de mots à la fois épais et subtiles - le jeu énorme sur le mot "head", sur les pronoms "he" et "she", le double sens de la "soul food", et autour du mot "speed" la comparaison filée entre le crash mécanique de James Dean et l'accélération mortelle du shoot ...
Jackie is just speeding away
Thougt she was James Dean for a day
Then I guess she had to crash
Valium would have helped that dash
(Jackie vient juste de passer à toute allure / s'est prise pour James Dean le temps d'une journée / j'imagine qu'elle a dû se crasher / le valium aidant ...)
... et enfin UN SOLO DE SAXOPHONE
Un lamento qui s'installe dans la nuit new yorkaise, puis décline lentement ...
http://www.youtube.com/watch?v=4wNknGIKkoA
(à partir de 3'38 et jusqu'à la fin)
Et il ne reste plus qu'à écouter la chanson.
En boucle.
http://www.youtube.com/watch?v=4wNknGIKkoA