Cette série pour adolescents se révèle plus attachante qu'il ne paraît au premier abord. Elle s'amuse avec les clichés du genre pour mieux les détourner en dérision tout en restant somme toute assez « sérieuse ». On n'est pas dans un sitcom avec des rires enregistrés où les vannes fusent toutes les deux secondes, mais on se marre plus d'une fois grâce aux dialogues travaillés et aux personnages très rafraîchissants. Là aussi, la galerie de personnages cumule les clichés pour mieux les détourner. La série est centrée sur la vie de deux sœurs, Bianca la benjamine et Kat l'aînée, toutes deux lycéennes mais aux caractères diamétralement opposés. Bianca est l'adolescente naïve par excellence, son rêve est de devenir la fille la plus populaire du lycée en intégrant les pom-pom girls (mais son cahier de rêves en liste une pelleté d'autres comme avoir un petit ami sexy et organiser une soirée chic). Kat, quant à elle, est très déterminée et engagée, s'insurgeant contre les injustices qu'elle constate chaque jour et ironisant à tour de bras sur les esprits étroits qui hantent son lycée. Les deux sœurs vivent avec leur père, un gynécologue sur-protecteur depuis le décès de leur mère. Les fréquentations de Bianca et Kat au lycée sont toutes aussi différentes que leurs caractères. Bianca essaie de se rapprocher tant bien que mal de la leader des pom-pom girls, Chastity, une fille égocentrique, superficielle et méchante qui en gros peut écraser qui elle veut. Chastity a un petit ami, Joey, l'archétype du beau gosse blond un peu niais aux allures de surfer, sur lequel Bianca va craquer. Parmi les amis de Bianca on trouve Cameron, un grand dadais maladroit qui en pince secrètement pour Bianca mais qui ne trouve jamais le bon moment pour le lui dire, mal conseillé qu'il est par son pote Michael. Kat, quant à elle, fréquente plutôt les personnes marginales du lycée, à l'image de Mandella, une fille gothique enrobée, et craque sur la soi-disant terreur de l'établissement : l'énigmatique Patrick Verona.

Décrite ainsi, la série semble stéréotypée et conforme aux canons du genre destinés aux adolescents fleur bleu aux penchants rebelles (ou l'inverse). Mais il n'en est rien (ou si peu). Car tous les personnages sont traités avec un recul très réjouissant, au point d'en devenir attachants. Même Bianca, aussi superficielle soit-elle en apparence, est touchante et rafraîchissante par son obstination et la sincérité de ses sentiments. Quant à Joey, le genre de gars qui a tout pour être horripilant, c'est un personnage presque hilarant, car il est souvent à côté de la plaque et se prend faussement au sérieux. Il fait naturellement partie de l'équipe de football mais il rêve d'être mannequin et fait tout pour y arriver, en faisant attention à sa ligne et à sa démarche de manière exagérée. C'est absurde et irrésistible. Dans le même temps, Joey est très soucieux des autres et adorable, il n'a même pas conscience quand il dit une connerie. Cela résume à peu près l'approche de la série, elle marche dans les traces de la série pour ados typiques mais s'en moque gentiment. Elle en assume les codes tout en ironisant dessus. Du coup, les personnages sont carrément farfelus et amusants mais sont crédibles car ils ne donnent pas l'impression d'être dans un teen movie. Ils ont tous suffisamment conscience de leurs attitudes pour ne pas tomber dans le cliché. A titre d'exemple, on a droit aux inévitables fêtes de lycéens, mais la série anticipe la réaction que peut avoir le téléspectateur en faisant dire à Kat un truc du style « j'espère au moins que ce n'est pas une fête avec des gars de l'équipe de football qui se ramènent avec une pastèque piquée à l'alcool comme l'on voit dans tous ces films crétins pour ados », juste avant que des gars de l'équipe de football apparaissent avec une pastèque piquée à l'alcool en faisant du vacarme. C'est con, mais c'est bon, et ça marche, car le ton et les dialogues sont toujours justes, avec des références assez funs, la plupart bien ancrées dans leur époque (facebook et autre), voire des trucs de geeks (j'ai bien aimé les références à Lost dans un épisode).

Cela n'empêche pas la série de parler de choses sérieuses, et si cela tourne quand même essentiellement autour du thème des amours adolescentes (Kat et Bianca permettent de voir deux facettes différentes à partir de ce thème), on trouve aussi des passages à propos du deuil et de la reconstruction (notamment avec le père de Kat et Bianca), des droits, de l'homosexualité... La série possède pleins d'idées intéressantes et chaque épisode vaut vraiment le coup, les relations entre les personnages évoluant de manière très intéressante. On peut ainsi citer le moment où Kat essaie de fabriquer sa voiture bio pour combattre les préjugés macho, l'épisode où Bianca et son amie Dawn montent un site version télé-réalité pour récolter de l'argent destiné à leur shopping, le passage où Bianca et Joey se rapprochent pour la première fois, ce dernier lui avouant son projet de mannequinât... Je retiendrais plus particulièrement l'épisode où un feu oblige tout le monde à squatter le lycée durant la nuit, celui où Bianca organise une fête chez elle en l'absence de son père qui va être difficile à contrôler, et enfin l'épisode où le lycée organise un concours de talent lors duquel Cameron monte un numéro de magie avec Kat. Cameron (James de son nom) est sans doute le personnage que je préfère. Au début, on dirait un simple protagoniste destiné à évoluer dans l'ombre, sans profondeur, puis petit à petit il se révèle comme un des personnages les plus riches, attachants et sincères. Il passe par toute une gamme de situation au fil des épisodes, et ne cesse d'évoluer en tenant un rôle important dans la plupart des intrigues. C'est d'ailleurs le seul personnage qui fait vraiment le lien entre l'univers de Bianca et celui de Kat. J'aime beaucoup la relation entre Cameron et Kat, quand ils causent ensemble, montent leur numéro de magie ou espionnent Patrick. La série fait vraiment l'effort de traiter ses personnages de manière très respectueuse et cohérente. Seuls deux personnages passent un peu à la trappe au fil des épisodes, Mandella (ce que je regrette car j'aime beaucoup ce personnage) et Michael, mais même eux, la série ne les oublie pas complètement en les faisant intervenir dans un ou deux épisodes vers la fin, expliquant au passage leur relative absence.

Bref, j'ai été conquis par cette série, la fraîcheur de ses personnages, par ses dialogues et la qualité de l'écriture. Le choix des acteurs est également très pertinent car ils sont tous très bons et parfaits dans leur rôle. Le gars qui incarne Patrick Verona (Ethan Peck) a vraiment la gueule et la voix qui tuent. Les acteurs qui interprètent Joey (Chris Zylka) et Cameron (Nicholas Braun) sont vraiment géniaux. Quant aux actrices jouant les deux sœurs (Bianca/Meaghan Jette Martin, Kat/Lindsey Shaw), elles sont juste craquantes (surtout Lindsey Shaw), et semblent être nées pour jouer ces rôles (d'un côté une starlette blonde immaculée, de l'autre une jolie brune aux allures de tigresse énervée). Preuve ultime que le casting est parfait, l'acteur qui joue le père de Kat et Bianca (Larry Miller) est le même que celui qui incarnait déjà ce personnage dans le film. Et oui, car cette série est plus ou moins adaptée du film du même nom, 10 Things I Hate About You, sorti en 1999 avec pleins de jeunes ados futures stars à l'époque (Julia Stiles dans le rôle de Kat, Joseph Gordon-Levitt dans celui de Cameron, et feu Heath Ledger dans celui de Patrick Verona). Je n'ai pas vu le film mais j'aimerais bien le faire après avoir maté la série. Dernier détail top : tous les titres des épisodes sont des titres de chansons. Le coup est peut-être classique, That's 70's Show l'ayant déjà fait, mais je trouve que c'est toujours plaisant de voir (et de saisir) de telles références surtout quand elles évoquent les Rolling Stones, David Bowie, les Doors, les Beatles ou les Who. Mais on retrouve aussi des titres de groupes de rap, des Smiths et même d'Abba (et d'autres encore mais je n'ai pas cherché l'origine de tous les titres).

Franchement, c'est dommage que la série ait été annulée au bout de seulement vingt épisodes et d'une unique saison, faute d'audience. C'est un véritable gâchis car cette série avait un sacré potentiel et méritait de continuer, surtout quand on voit la qualité de sa conception qui traduit l'amour du travail bien fait. En plus le dernier épisode s'achève de manière brutale sur un tas de questions cruciales en suspend (enfin, au moins deux essentielles qui concluent l'épisode sur un énorme goût d'inachevé). En fait, ce n'est même pas le fait que ça se termine en queue de poisson que je trouve dommage (même si ça l'est), ce qui me désole c'est de perdre tous ces personnages si attachants : Cameron, Joey, Kat, Bianca, Patrick, le papa courage... Enfin, au moins la série n'aura pas eu le temps de tourner en rond et chacun de ses vingt épisodes sont essentiels.
benton
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 27 mars 2011

Critique lue 1K fois

1 j'aime

benton

Écrit par

Critique lue 1K fois

1

D'autres avis sur 10 Things I Hate About You

10 Things I Hate About You
benton
8

Critique de 10 Things I Hate About You par benton

Cette série pour adolescents se révèle plus attachante qu'il ne paraît au premier abord. Elle s'amuse avec les clichés du genre pour mieux les détourner en dérision tout en restant somme toute assez...

le 27 mars 2011

1 j'aime

10 Things I Hate About You
Kevin_Stachowsk
7

Derrière cette série se cache un ensemble prenant et inattendu.

Adaptation du Teen Movie de même titre, 10 Things I Hate About You réside dans son duo d'actrice remarquable et attachante. Librement inspiré du film éponyme la série reprend les même ingrédients...

le 17 avr. 2013

Du même critique

Beach House
benton
9

Critique de Beach House par benton

Je ne sais par quel miracle la musique de Beach House arrive à créer une nostalgie de rêveries insondables. Les mots ne sont pas assez forts pour évoquer le pouvoir étrange des chansons de ce groupe...

le 8 juin 2012

23 j'aime

5

Goodbye and Hello
benton
8

Critique de Goodbye and Hello par benton

Tim Buckley est presque aussi connu, si ce n’est plus, pour être le père de Jeff Buckley que pour sa musique, et c’est finalement un bien triste constat. Car il suffit d’écouter les albums de Tim...

le 1 juin 2013

17 j'aime

1

The Thin Red Line (OST)
benton
10

Critique de The Thin Red Line (OST) par benton

Thin Red Line, alias La Ligne Rouge, sans doute un des plus « beau » film de guerre qui existe, un des plus émouvant et poétique. La scène qui m’a le plus marqué, outre les sublimes plans au milieu...

le 1 juin 2013

17 j'aime