"L'humanité mérite-t-elle de survivre ?"
07/06/2014
Il ne me reste plus que 7 épisodes à découvrir. Et c'est avec un mélange d'exaltation et de tristesse que j'aborde le final de cette série.
Tristesse parce que je n'ai absolument pas envie de quitter tous ces personnages. Bill Adama, le ventripotent (et moustachu par intermittence) amiral de la flotte en perdition, la Présidente Roslin qui n'est à ce poste que par un désastreux hasard alors qu'elle n'est qu'institutrice, Starbuck qui réussit le pari d'être aussi masculine que féminine avec ses coups de gueule, ses bourre-pifs, son envie d'action et sa maternité refoulée, le chef Tyroll, Apollo, Gaeta, Saul Tigh, Helo coincé sur Caprica, Numéro 6 et ses décolletés plongeants, et Boomer qui, pour des raisons évidentes, a attiré mon attention dès le pilote. Et ce brave connard christique de Baltar. Et Leoben. Et l'avocat taré. Et tant d'autres encore. Toute une famille finalement. Et comme un séjour en famille, j'ai du mal à me dire que, bientôt, je vais les quitter.
D'autant plus que ces personnages sont vraiment bien foutus. Tout au long de la série, les scénaristes nous ont évité les manichéismes de tout ordre. Chaque personnage se comporte tour à tour comme un héros ou comme un connard fini. Même Baltar, pourtant pas gâté par la Nature, parvient à avoir, parfois, un comportement réfléchi et digne.
Finir cette série donne un sentiment de vide. Battlestar Galactica tourne vite à l’obsession. Là aussi, les scénaristes ont fait un travail formidable, permettant à la série de se renouveler régulièrement pour pouvoir repartir sur de nouvelles bases avant d'avoir épuisé une situation. De nombreuses fois, je me suis demandé comment ils allaient s'en sortir. Du grand travail.
Tristesse donc, mais exaltation aussi.
Seul, je serais sûrement passé à côté de cette série sans y jeter le moindre coup d’œil. C'est grâce à mes éclaireurs et à leur critique qu'est née en moins l'envie de voir BSG. Gothic, guyness, LeMicka, drélium, autant de textes plus que convaincants.
Au début, cette histoire de conflit entre humains et Cylons (des robots fabriqués par l'homme et qui se sont rebellés) m'avait fait croire à une série où les survivants humains devraient se battre à chaque épisode contre des ennemis fourbes et supérieurs en nombre. Or, la série tourne vite en quelque chose de beaucoup plus génial : les humains sont plus dangereux pour leur propre survie que tous leurs ennemis réunis. problématique résumée dès l'épisode pilote par cette phrase d'Adama, l'amiral de la flotte : "l'humanité mérite-t-elle de survivre ?"
Grande question qui ne cessera de hanter la série face aux multiples horreurs qu'elle montrera : trahison, rébellion, dictature et coups d'état, élections truquées, assassinats, on assiste à des actes peu recommandables. Ce qui permet à la série d'aborder un nombre impressionnant de sujets de réflexions : la justice et la vengeance, la démocratie doit-elle admettre en son sein ceux qui veulent la détruire, le pardon est-il possible, le danger de l'alliance entre les mêmes mains du pouvoir politique et militaire, la religion comme guide de l'action politique, le racisme, l'alliance possible avec les anciens ennemis, etc. Chaque épisode propose un sujet traité avec intelligence, d'autant plus que la série ne s'érige jamais en donneuse de leçons et ne propose pas de solutions, mais juste engage le débat, ce qui est déjà très bien.
La série présente donc l'humanité sous son pire jour. Lors de la première saison, Numéro 6 annonce à un Baltar tout retourné d'avoir assassiné un homme, que la principale caractéristique de l'être humain est d'être capable d'abattre sans raison un autre être vivant. Les multiples références au 11-Septembre ou à Abou Ghraib renforcent encore cette image.
Ce qui est intéressant aussi, c'est l'évolution des Cylons tout au long de la série. D'abord présentés comme des ennemis d'autant plus cruels qu'ils sont dépourvus de sentiments, puisque machines, on va petit à petit les voir changer pour s'humaniser. Cette transformation est-elle souhaitable ? Pas forcément, puisqu'en acquérant la faculté de penser et un certain libre-arbitre, les Cylons deviennent eux aussi capables de trahisons, de mensonges, de meurtres et tout ce qui était jusqu'alors l'apanage des humains.
La série va montrer, de façon très intelligente et subtile, non pas une guerre entre les deux races, mais bel et bien un inévitable rapprochement, qui se fera pas à-coups, qui provoquera des crises de rejet de chaque côté, mais qui n'en sera pas moins inéluctable. Bien des épisodes, surtout dans les deux dernières saisons, montrent en parallèle une action similaire côté humain et côté Cylon, avec souvent des réactions identiques. Est-ce que ce rapprochement est un progrès pour les Cylons ? Difficile de trancher, mais les machines semblaient être au début bien supérieures aux humains.
A ce stade, il faudrait mentionner l'extraordinaire densité religieuse de la série. Entre les humains polythéistes et les Cylons monothéistes (des machines qui ont une religion ? Une religion inspirée du Christianisme, c'est-à-dire considérée comme plus avancée culturellement que l’idolâtrie païenne des humains... ça devrait déjà mettre la puce à l'oreille), les références religieuses foisonnent et le mysticisme est magnifiquement travaillé, jusque dans ses contradictions.
08/06/2014
Voilà. Il me reste maintenant 4 épisodes à voir. Le final.
C'est incroyable comme cette série est passée vite. 73 épisodes plus un pilote de 3 plombes, et le tout à une vitesse folle. Impossible de s'arrêter. Se limiter à deux ou trois épisodes par soirée fut un calvaire. Tout s'enchaîne et crée un réseau dense. On peut, dans les derniers épisodes, avoir des références aux premiers. Et puis, tout est tellement imprévisible ! A chaque instant, il est impossible d'imaginer ce qui arrivera 5 minutes plus tard (alors, je ne parle même pas de l'épisode suivant).
Je ne peux que confirmer : ça m'ennuiera vraiment de quitter cet univers. Difficile de trouver une autre série pour enchaîner après celle-là. Merci SC et mes éclaireurs de m’avoir fait découvrir ce qui constitue une des pièces maîtresses des séries télé récentes, tant il est rare de trouver autant de qualités réunies en une œuvre unique.
14/06/2014
ça y est, j'ai fini la série. Du coup, je passe à la seule note logique, la note maximale.
Cette fin, bordel ! Je crois que c'est la première fois que je chiale sur un épisode de série.
En plus, ce que j'apprécie particulièrement, c'est que cette fin ne répond pas à toutes les questions. Beaucoup de réponses restent à imaginer.
Je profite de ce petit paragraphe pour proclamer mon admiration pour Edward James Olmos, qui est juste génial d'un bout à l'autre de la série.
Je me rends compte aussi que j'ai oublié de mentionner la qualité des effets spéciaux, qui sont très impressionnants. Et surtout, ils sont très bien utilisés : les épisodes de BSG ne sont pas faits pour nous montrer un déluge de trucages, et les effets spéciaux sont bien là pour servir l'histoire, sachant donc se faire discrets quand ils deviennent inutiles ou très efficaces quand il le faut (comme dans cet épisode final).
En gros, une série incontournable.