J'en avais entendu parler de la célèbre exécutrice mais sans jamais en avoir vu un épisode, même comme ça en zappant. Et comme j'en discutais avec une fan de Joss Wheadon (créateur de la série) qui me recommandait fortement de m'y pencher, j'ai lancé la première saison pour voir ce que ça donnait, et me voici à en rédiger la critique après en avoir vu les 7 saisons. Vous vous doutez donc déjà que j’ai a minima aimé pour y consacrer plus de 100 heures mais je vais tout de même détailler ce que j’en ai pensé parce qu’il y avait vraiment beaucoup de choses à dire. Comme la critique est longue, je vous la très belle chanson It doesn’t matter qu’on peut entendre dans la série.
Dès la première scène du premier épisode, les intentions sont données de livrer une version moderne du récit des vampires en faisant de la demoiselle en détresse le véritable monstre, soit une inversion de certains codes. Cet état d’esprit se retrouve partout, à commencer bien entendu par le personnage principal, où le vieux professeur Van Helsing jouant le rôle d’expert dans la chasse aux vampires devient la jeune et jolie lycéenne Buffy. Franchement, je trouve ça très sympa dans l’idée. Le mythe des vampires a connu bien des variations, je ne vois pas pourquoi celle-là serait moins pertinente qu’une autre.
Par contre, il y a peut-être un excès de féminisation sur certains éléments de background, par exemple pourquoi l’exécutrice devrait être nécessairement une femme, sur certains dialogues, par exemple Buffy qui en plein combat dit regretter de devoir se battre comme une fille en mordant à pleine dents le bras de son adversaire... Il n’y a pas besoin d’appuyer tant que ça le propos, on comprend bien que Buffy est une héroïne badass et que c’est cool parce que ça va à contre-courant de la norme sans avoir à le dire ou à le montrer constamment. C’est sans aucun doute un protagoniste féminin très cool et ça n’arrive pas si souvent chez les vampires, c’est un peu dommage d’en faire des caisses là-dessus mais ça c’est pas bien grave.
Toujours dans la relecture du mythe des vampires, je suis un peu plus réticent sur les vampires en eux-mêmes justement qui sont ici plus des êtres monstrueux qui attaquent leur proie très directement et brutalement pour au final être surtout de la chair à canon pour Buffy qui ne manquera jamais une occasion de se moquer d’eux. Heureusement, il y a à côté de ça des vampires plus traditionnels dans leur intelligence, leur mysticisme, leur damnation... allant jusqu’à carrément mettre en scène Dracula lui-même et de bien belle manière par ailleurs mais il faut attendre pas mal de temps pour que ça vienne, ce qui pour une série si longue n’est pas géniale.
Cette progression qualitative avec le temps se retrouve surtout avec les thématiques abordées. On se coltine dans un premier temps des thématiques excessivement teenages dans les saisons 1 et 2 : la pression des parents pour réussir selon leurs attentes à eux, les moqueries envers les élèves rejetés qui n’amènent rien de bon, le nouveau beau-père qu’on a du mal à accepter, l’angoisse des examens et le peu de sens qu’on y attache... C’est très superficiel, sans aucune subtilité et en décalage complet avec ce que moi j’attends à titre personnel de par mon âge et de ce qui m’intéresse à l’heure où je regarde la série.
Ensuite, les thématiques sont très axées sur le passage à l’âge adulte dans les saisons 3 et 4, notamment l’envie de se rebeller et de tracer sa propre route face aux dures conséquences que cela peut entraîner. Puis, les thématiques sont beaucoup plus ambitieuses à partir de la saison 5, sur l’amour, la famille, le deuil, la drogue... bien que ça stagne un peu dans la saison 7. Si Firefly est une série qui s’est arrêté trop tôt, Buffy s’est peut-être arrêté trop tard, après ne plus avoir trop de bonnes idées et ne sachant plus comment terminer ses différentes intrigues mais les saisons 5 et 6 sont franchement beaucoup plus intelligentes que ce à quoi je m’attendais, amenées avec une efficacité imparable par moment, j’apprécie beaucoup.
On a un peu trop la même structure qui se répète au début, une menace surnaturelle arrive, un figurant en meurt, l’équipe de Buffy le découvre et résout la situation avec une mise en danger qui ne trompera personne. Mais du coup, quand la série s’autorise un peu plus d’audace ça marche très bien et surtout ça aussi ça s’améliorera au fil des saisons avec un vrai fil rouge, de vrais rebondissements, une évolution des personnages, des prises de risque quant à leur disparition, de la complexité avec schizophrénie, réalité alternée, autres dimensions...
Cette évolution on la ressent aussi du côté des love interest de Buffy : Angel, l’archétype du ténébreux en apparence alors qu’il ne l’est pas une seconde n’est vraiment pas terrible au début, ça s’arrange un peu par la suite mais c’est surtout avec Spike que j’ai personnellement bien aimé l’évolution réellement progressive du personnage tout en partant d’un personnage réellement ténébreux, pas uniquement parce qu’il porte du cuir. Parce que oui dans Buffy dès qu’un personnage devient un peu dark il porte du cuir, il se trouve que ça s’accorde bien avec mes goûts vestimentaires pour l’anecdote mais c’est assez marrant comme constat.
Par contre, Angel la série TV parallèle qui se met en place à partir de la saison 4 c’était vraiment pas une bonne idée, trop liée à la série Buffy pour ne pas générer de la frustration en donnant l’impression d’avoir loupé des épisodes par moment, pas assez liée pour en rendre le visionnage incontournable. Ajouter à cela les droits de diffusion qui ont provoqué des conflits par moment et les quelques intrigues qui commencent dans une série, se poursuivent dans l’autre et viennent s’achever dans la première, et Angel fait bien du tort à Buffy.
Cette dernière est tout de même très bien interprétée par Sarah Michelle Gellar, moi qui la connaissait pour son rôle de Daphné dans les films Scooby-Doo (on part de loin), j’ai été impressionné par sa performance notamment lors de certaines scènes dramatiques et plus généralement de comment elle s’est appropriée le personnage de façon à ce qui lui rentre vraiment dans la peau. À côté, beaucoup d’acteurs récurrents se contentent de faire le job sans jamais vraiment se démarquer par leur jeu d’acteur il faut bien le reconnaître.
Il suffit de voir le reste de leur carrière pour voir à quel point ils se coltinent des rôles secondaires ou alors des principaux dans des films assez moyens dont Buffy peut faire référence par ailleurs à l’occasion pour la blague. D’une façon plus générale, la série est bourrée de références culturelles en tout genre, une bonne partie a été sacrifié en VF mais tu sens bien que les scénaristes sont très friands de ça tout en se disant que ça touchera bien le public visé donc il y en a autant que dans une série comme Big Bang Theory, ce qui n’est pas pour me déplaire très franchement.
La réalisation est quant à elle assez classique mais elle est efficace parce que les mecs derrière la caméra en ont bien conscience, il savent habilement en jouer pour prendre à contre-pied. Par exemple, un éclairage va rendre un personnage inquiétant, un hors-champ suppose qu’il va sortir à tel moment, une arme mise en évidence juste avant implique telle action... mais c’est assez souvent un petit piège et c’est à l’origine de pas mal d’effets comiques réussis. Inversement, on trouve de longs plan-séquence pour marquer des scènes pesantes ou dramatiques par exemple.
Ce qui dans une série TV grand public de la fin des années 1990 et du début des années 2000 est tout de même à souligner, la mise en scène n’était pas aussi inventive la plupart du temps j’ai l’impression. D’ailleurs, Joss Wheadon manifeste bien tout l’intérêt qu’il porte à sa mise en scène quand il évoque la remasterisation HD officielle qui s’est fait sans son avis et qu’il trouve foiré car dénaturant les plans par le 16/9 et la luminosité augmentée (et c’est vrai que la différence n’est pas négligeable).
Si le vampirisme s’accompagne en toute logique de séquences horrifiques, c’est de l’horreur souvent édulcorée pour le grand public qui parfois ne marche pas trop, c’est trop violent et sombre pour un ton décalé et en même temps ça n’exploite pas assez la brutalité que ça peut avoir. Dans un épisode de la saison 1, les cauchemars de chacun se matérialisent, on enchaîne alors l’agression d’une innocente par un monstre et un lycéen qui se retrouve en caleçon dans la classe, ça ne peut pas marcher ! Mais des fois ça fonctionne, Le Silence de Mort de la saison 4 réalisé, comme par hasard, par Joss Wheadon est une franche réussite et le prouve bien, au final c’est inégal.
Ce qui est déjà un peu plus constant c’est le design des monstres souvent ridicule et ce jusqu’à la fin de la série, de la même manière que les affrontements et leur résolution un peu trop cartoon par moment, ça ne marche pleinement que quand l’épisode ne se prend pas au sérieux ou à quelques rares exceptions près ou tu t’attends tellement pas à l’arrivée de l’élément comique qu’il marchera d’une certaine façon. Je me suis tapé un de mes plus gros fous rires devant la série à l’un des épisodes les plus dramatiques : quand Gilles éclate de rire quand Buffy lui fait un résumé de la saison 6 en pleine situation plus que critique.
On a parfois de gros raccourcis scénaristiques très maladroits, la fin de la saison 1 m’a tout simplement choqué ! Buffy affronte le maître des vampires, échoue une première fois puis réussit à sa seconde tentative. Schéma ultra classique entre le protagoniste et l’antagoniste mais admettons. Le prétexte qui justifie sa seconde tentative réussie ? Elle revient à la vie suite à un bouche à bouche, se sent plus forte et d’un coup réussit en l’affrontant de la même manière sans que personne ne s’interroge sur ce revirement de situation. WTF ?!
A contrario j’ai parfois trouvé l’écriture géniale, j’ai été plus que surpris avec une théorie que met en place la série elle-même à un moment :
La théorie de l’hôpital psychiatrique explique pourquoi tel élément surnaturel correspond comme de par hasard à une thématique liée à la vie de Buffy, fait passer toute incohérence invraisemblable pour une piste pour te faire comprendre que tout ne se passe que dans la tête de Buffy, te propose une intelligente mise en abîme avec Buffy acceptant les incohérences du récit parce qu’elle préfère ce monde-ci tout comme le spectateur accepte parce qu’il aime malgré tout la série et ne veut pas qu’elle s’arrête... Fallait oser laisser planer le doute sur cette théorie avec le plan final de l’épisode, audacieux et intelligent, pas autant que si la série s’était terminé là-dessus mais tout de même.
C’est une série vraiment inégale, parfois compilant les mauvais clichés que je craignais, parfois faisant des choix que je considère vraiment mauvais et parfois étant particulièrement drôle et divertissante ou beaucoup plus intense en émotion que je ne l’imaginais. De maladroit à subtil, d’immature à intelligent, de grotesque à hilarant, de niais à émouvant... Buffy peut être aussi génial que mauvais à mes yeux mais dans l’ensemble c’est une œuvre qui reste très intéressante à regarder en dépit de ses nombreux défauts et de sa portée grand public.