Un portrait complet et captivant de la politique chinoise
Peut-on apprécier une série chinoise financée par le gouvernement dans un but clair de propagande ? C'est une question délicate, et je ne m'attendais pas le moins du monde à y répondre positivement avant de me lancer dans cette série.
Dès le premier épisode, le décor est posé. Passées les premières secondes de propagande (soldats en rang, cité interdite, timelapse d'une ville ultra-développée), on découvre Hou Liangping, chef d'une brigade anticorruption, parti à la chasse d'un fonctionnaire de haut rang d'apparence humble, mais soupçonné de corruption. S'en suit un intense jeu de rhétorique et de sous-entendus, entre humour, tension et mauvaise foi, dont le ton caractérisera la série jusqu'au dernier épisode.
Bien que la série donne un rôle central à Hou Liangping, elle dresse également un portrait complet et complexe de différents protagonistes, principalement des politiciens, entrepreneurs ou d'autres agents de différents service de police. L'une des grandes qualité de cette série est le fait qu'elle réussit à ne pas trop polariser les personnages. En ce sens, elle ne diabolise pas ou peu les personnages les plus corrompus, mais questionne plutôt l'origine de leur corruption. Les acteurs et actrices sont généralement à la hauteur de la complexité des personnages. Malgré un jeu parfois un peu trop léger et basé uniquement sur l'aspect humoristique et héroïque (Hou Liangping), j'ai beaucoup apprécié le jeu des rôles plus dramatiques, notamment les politiciens Li Dakang et Gao Yuliang, le chef de police Qi Tongwei ou encore la directrice anticorruption Lu Yike.
La réalisation de la série et de grande qualité, proche des séries occidentales majeures de ces dernières années, malgré quelques passages, dont le générique de début d'épisode, qui font sourire de par leur aspect surfait. Surfait, comme la propagande, inévitable étant donné le sujet et le financement de cette série. Cette propagande est généralement trop évidente pour être crédible : revue des principes communistes sur fond de violon, bienveillance de l'Etat sur fond de musique épique, ou images des forces de l'ordre au ralenti sur fond de tambours de guerre. Malgré tout, elle reste relativement discrète dans l'ensemble de la série et ne nuit en rien ni au récit, ni à l'expérience.
Au-delà des qualités intrinsèques à la série, j'ai apprécié la mise en lumière qu'elle offre sur le système politique chinois. Au travers de la série, on découvre les différences entre l'administration du parti communiste et les administrations provinciales et municipales, qui bien qu'étant fortement liées, sont gérées par des gens différents ayant des intérêts souvent contradictoires. Cette division se fait non seulement au niveau politique, administratif, et également au niveau des polices. On y découvre la complexité d'un système qu'on résume en Occident un peu trop souvent au parti communiste, comme si ce n'était qu'une entité indivisible à direction unique.
La série permet également de mieux comprendre la communication à la chinoise, pleine de rhétorique et de non-dits, tantôt frontale, tantôt pleine de sous-entendus. Les dialogues sont particulièrement bien écrits et contribuent beaucoup au suspense ainsi qu'à l'aspect attachant des personnages.
Je recommande vivement cette série, que ce soit parce qu'il s'agit d'une excellente série politique, ou par ce qu'elle nous apprend sur la Chine.
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Créée
le 16 mai 2021
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