En adoptant une esthétique et un ton résolument plus enfantins, Pokémon Soleil & Lune a provoqué la colère des fans de longue date, qui reprochaient déjà à la série et à son héros de ne pas avoir gagné en maturité au fil des saisons. Personnellement j'ai décroché en cours de S11, lassé par une formule trop répétitive à mon goût, j'ai donc accueilli avec enthousiasme ces changements.
Le parti pris graphique s'avère vite payant, le style cartoonesque se mettant au service d'une animation plus flexible, aussi bien dans la comédie que dans l'action. La série est plus belle que jamais, les attaques Z sont particulièrement impressionnantes et les persos très expressifs, y compris les Pokémon.
Pokémon qui sont vraiment traités comme des personnages à part entière dans cette saison, ils ont chacun un caractère marqué et un temps d'apparition à l'écran important, puisque rarement dans leur Pokéball. Mon petit chouchou est l'Ossatueur de Kiawe, un compétiteur au sang chaud qui s'attire des ennuis à force d'agir sans réfléchir. Il y a une scène hilarante où le groupe fait face à un Onix et parvient à le calmer, avant qu'Ossatueur ne lui envoie son os dans la tronche en fanfaronnant comme un idiot.
Cette saison m'a fait réaliser combien la première team de Sacha était fade. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu Roucoups faire preuve d'une once de personnalité en 80 épisodes, tandis que Bulbizarre ou Carapuce n'exprimaient que rarement la leur. Et ne parlons même pas des Onix et Racaillou de Pierre ou des Stari et Staross d'Ondine, ils n'étaient guère plus que des armes animées.
Dans Soleil & Lune les Pokémon de Sacha ont un passé qui fait d'eux ce qu'ils sont, ils ont des habitudes, des amis, des mentors, des rivaux et des relations particulières avec les autres Pokémon de Sacha. Deux d'entre eux entretiennent une rivalité qui se manifeste parfois de manière subtile, lorsque l'un des deux refuse de partager sa nourriture avec l'autre, par exemple.
Cette subtilité est une qualité d'écriture qui s'applique aux personnages humains. Finis les Pierre et Ondine se résumant à une poignée de gags usés jusqu'à l'os, les nouveaux compagnons de Sacha sont bien plus nuancés. Néphie (<3), par exemple, est à mille lieues du cliché de garçon manqué que nous servent habituellement les animes, alors qu'elle en partage de nombreux traits. Elle est aventureuse, compétitive, blagueuse, elle trouve les muscles ou les ninjas cools... Mais ça ne revient pas sur le tapis à chaque épisode, et c'est contrebalancé par des éléments typiquement plus "féminins".
L'orientation slice of life de la série permet ainsi de suivre les persos dans leur quotidien, de les voir se dévoiler naturellement, par petites touches. Certains sont toutefois moins intéressants que d'autres. Chrys est le petit gros de service, le geek un peu nul mais doué en informatique, sauf que ses compétences sont mises à profit une fois tous les 30 épisodes, le reste du temps il est juste nul.
Barbara est quant à elle assez banale, elle est là sans être là, elle ne se démarque en rien. La cuisine est sa seule spécialité, sans doute la moins passionnante de la bande malgré quelques bons épisodes consacrées à la jeune fille.
Je pense que la série aurait très bien pu se passer d'eux, le surplus de personnages s'est d'ailleurs révélé problématique dans les 50 derniers épisodes.
Les scénaristes ont décidé que tous les persos participeraient à la Ligue, y compris ceux que l'on n'a pratiquement jamais vu combattre. Ça donne lieu à une dizaine d'épisodes prévisibles où chacun va récupérer son petit cristal Z et faire évoluer un Pokémon.
La compétition en elle-même est cousue de fil blanc. On sait très bien que cet entraînement n'a pas été vain et que les amis de Sacha vont tous passer au moins le 1er tour. Pire encore, les 16 participants restants sont des dresseurs déjà apparus dans la saison, dont on connaît le niveau et les Pokémon, à une ou deux exceptions près. Aucune surprise, aucun suspense, j'ai deviné sans mal le résultat de tous les combats et il n'était pas difficile de prédire les futurs adversaires de Sacha : Tili est apparu tardivement pour jouer son même rôle de rival que dans le jeu, Guzma était le grand méchant de l'arc et Sacha et Lougaroc avaient une revanche à prendre sur Gladio, qui les a battus deux fois.
Non contente d'être prévisible, cette Ligue est surtout d'une faiblesse abyssale. On parle d'un top 16 composé en grande partie de dresseurs débutants ou occasionnels, qui n'ont pas plus de 2-3 Pokémon et pour qui les combats sont tout sauf une priorité. Barbara et Lilie ont dû en faire 10 dans toute leur vie. Même les deux membres de la Team Rocket se sont qualifiés pour les huitièmes de finale. Et le tout s'est joué en 1V1 puis 2V2, avant une finale à 3V3... C'est ridicule ! J'ai attendu 20 ans pour voir Sacha gagner la Ligue Pokémon, pas un petit tournoi entre potes...
Par contre le match d'exhibition avec Kukui était incroyable, l'un des tout meilleurs si ce n'est le meilleur combat de la série depuis sa création. Le contexte, le face-à-face entre maître et élève, Matoufeu et Félinferno qui s'affrontent une dernière fois, l'évolution, le fait de ne pas savoir quel Pokémon Kukui va envoyer, Tokorico qui débarque pour un duel électrique avec Pikachu, le tout qui s'achève par deux attaques Z explosives... Ce combat aurait mérité d'être une finale.
Un petit mot sur la Team Rocket pour en finir avec les personnages. Elle est l'une des bonnes surprises de cette saison. Jusque là le trio me sortait par les yeux, il faisait partie de cette formule répétitive que je mentionnais en intro, leurs interventions venaient sans cesse interrompre l'intrigue sans rien apporter à l'épisode. Ici en revanche, il arrive qu'on ne les voie pas pendant 4 ou 5 épisodes de suite et lorsqu'on les voit, l'anime se concentre sur la préparation de leur plan davantage que sur son exécution.
L'éternel affrontement avec Sacha à la fin de chaque épisode a été remplacé par un gag récurrent dont je suis fan, à savoir l'apparition de Chelours, un Pokémon sauvage d'allure mignonne mais d'une puissance terrifiante, qui héberge la Team Rocket un peu contre son gré et l'empêche constamment de parvenir à ses fins. Il peut surgir n'importe où n'importe quand et le fait de façon épique. C'est toujours drôle, surprenant et ça ne traîne pas en longueur. Puis petit à petit la Team Rocket va inventer des combines pour tenir Chelours à l'écart et renouveler la blague.
J'ai été plutôt élogieux avec la série jusqu'à présent, venons-en maintenant aux défauts. Pour commencer, autant le style cartoonesque ne me pose aucun problème, autant le ton gentillet de l'anime me rappelle que je ne suis pas le public cible. Il y a quelque chose de cucul dans l'hyper-enthousiasme affiché par les personnages, ça ne doit pas déranger les enfants mais pour un adulte, ça ne paraît absolument pas naturel. Sacha est en extase chaque fois qu'il aperçoit un Magicarpe, et l'anime multiplie les scènes gênantes où les élèves répondent tous les uns après les autres. Par exemple si untel fait évoluer son Pokémon, ils vont tous le féliciter chacun leur tour, ça peut sembler anodin mais ça alourdit la scène. Notez que j'ai regardé l'anime en japonais, ça passe peut-être mieux avec des voix françaises plus adultes.
Sinon sans trop spoiler, il y aussi un délire façon "Power Rangers" lié aux ultra-chimères, la première fois j'ai trouvé ça drôle parce que je voyais ça comme une parodie, puis ça a été repris au premier degré dans plusieurs épisodes et c'est devenu simplement gênant...
Mon dernier reproche concerne l'aspect slice of life de Soleil & Lune. J'apprécie que les combats ne soient plus systématiques comme ils pouvaient l'être dans le passé, mais le rythme plus lent de cette saison ne fait qu'accentuer l'ennui ressenti devant les épisodes que l'on pourrait qualifier de "fillers", notamment ceux qui font la transition entre deux arcs. La série a toujours été inégale et ça se remarque plus que jamais. Qui plus est les intrigues sont un peu trop terre-à-terre par moment, les décors nous deviennent familiers et le frisson de l'aventure se fait rare.
Pokémon Soleil & Lune demeure cependant une bonne série tranche de vie. L'animation est excellente, les personnages sont attachants, l'humour bien dosé... On y trouve même une tonne de références à des animes plus ou moins connus, de Dragon Ball à Ping Pong, en passant par l'incontournable Ashita no Joe. C'est selon moi la meilleure série Pokémon, à l'exception des spin-offs, mais sa légèreté de ton et la place réduite qu'elle accorde aux combats ne plairont pas à tout le monde.