Quand ma fille a commencé à regarder Scooby-Doo, Mystères Associés, j’ai vu à l’écran une créature infâme aux mille tentacules poisseuses et inextricables, aux yeux globuleux qui percent l’âme : le monstre de la nostalgie. Celui-là même qui pousse à faire des fautes de goût inexplicables et inexcusables, dont le dernier est pour moi Les Chevaliers du Zodiaque : La Légende du Sanctuaire.
Mais au bout de quelques épisodes, j’ai fini par découvrir qui était réellement ce monstre. En lui ôtant son masque, qui ai-je découvert ?
Moi !
Pas moi, personnellement, mais plutôt un double familier. Une personne qui a grandi avec Scooby-Doo, via ses multiples diffusions ou déclinaisons. Un copain d’enfance dont on a honte aujourd’hui mais dont on chérie le souvenir.
Les créateurs de Scooby-Doo, Mystères Associés sont ce double, sauf qu’eux n’ont pas renié cet ami d’enfance. Ils en acceptent toutes les facettes, les plus sympathiques comme les plus honteuses. Et ils ont raison, car cette série est excellente, à condition de regarder les épisodes dans l’ordre.
- Une structure moderne
Le changement se fait tout d’abord sur la forme. Mystères associés reprend le mécanisme d'une série moderne, à savoir une trame principale qui court sur toute la saison et un mystère par épisode. Cette structure permet aux enfants de regarder les épisodes séparément, voire dans le désordre (d’autant que les chaînes télés ne s’embarrassent pas avec la continuité), mais aussi de développer en profondeur une intrigue.
Je noterai d’ailleurs que certains épisodes sont construits comme de véritables films d’épouvante. La preuve avec ma fille qui s’approchait imperceptiblement des bras protecteurs au fur et à mesure de l’épisode.
- Une unité de lieu
L’autre innovation est l’adoption d’une unité de lieu, à savoir la ville de Crystal Coves. Ceci permet aux créateurs de développer des espaces familiers et surtout des personnages secondaires. Ces derniers reviennent d’un épisode à l’autre, de manières plus ou moins marquées. Parmi eux, j’ai particulièrement apprécié l’évolution de Marcy « Eau de boudin » («Hot Dog Water » en VO), qui constitue presque le sixième membre de Mystères associés.
Cette continuité apporte véritablement une épaisseur, notamment avec l’apparition des parents des membres de Mystères associés (sauf Scooby-Doo).
- Des personnages approfondis
Et là, nous touchons le fond de la série. Car ces personnages secondaires permettent d’approfondir considérablement les personnages de Sammy, Fred, Véra et Daphné. Leur amitié, le début de leurs émois amoureux, leur psychologie… La série s’appuie sur leurs interactions et leurs antagonismes afin de résoudre les mystères. Les personnages deviennent au final plus importants que le mystère lui-même, souvent grand-guignolesque, pour ne pas dire absurde.
Leurs caractères sont ainsi modernisées et offrent des perspectives intéressantes, avec notamment Véra en véritable geek ou encore Fred en obsédé des pièges.
- La genèse de Scooby-Doo
Car il s’agit bien là de définir les origines de l’équipe autour de Scooby-Doo. Il en constitue même la genèse. Avec le dénouement final, les scénaristes se permettent même de se raccrocher aux anciennes séries et de leur donner une cohérence. Le départ de fin, accompagné de rires enregistrés, vient même offrir le pont entre les deux périodes.
Cette tentative de cohésion se retrouve d’ailleurs avec toutes les équipes qui ont précédé Mystères associés. Scooby-Doo et compagnie sont au final l’aboutissement d’une tradition. D’ailleurs, cette manière de faire n’est pas sans me rappeler La ligue des gentlemen extraordinaires.
- Au service des geeks
Une référence qui ne pourrait être volontaire, tant Mystères associés est remplie de références extérieures au monde de Scooby-Doo. De quoi plaire aux geeks, dont la série se moque tout le temps (cf l’épisode La Horde Sauvage). Clin d’œil au public ou autocritique des auteurs ?
Il serait difficile de toutes les énumérer. Celle de Twilight m’a bien fait rire, de même que la parodie de Lovecraft ou la référence à Hellraiser. Un coup de cœur pour Vincent Van Ghoul, véritable incarnation de Vincent Price, et ses films dignes des productions Hammer.
A noter aussi le Tisseur de rêve, mélange de Sandman et de Bowie dans Labyrinthe.
- L’autoréférence
Outre tous ces clins d’oeil, la principale référence de Mystères associés reste… Scooby-Doo. De sorte que cette série de deux saisons apporte une véritable réflexion sur Scooby-Doo.
Je pense là notamment à l’équipe de Mystères associés 1, composée de Monsieur E., Cassidy/Angel Dynamite, Brade Chiles et Judy Reeves, leur perroquet Périclès et leur van, la Enigma Machine. La présence d’Angel Dynamite, jeune surdouée afro-américaine transformée en caricature funky, rappelle à quel point les personnages de Scooby-Doo sont Wasp. Ce personnage m’a marqué, car il met en exergue le manque de diversité de la série d’origine. Aujourd’hui, une telle absence serait choquante et la diversité est peut-être obligatoire dans une série créée en 2000. Mais je le sentiment que les créateurs de Mystères associés en profitent pour pointer là une des faiblesses de la série d’origine.
Toutefois, je ne m’explique pas pourquoi le seul personnage à mourir soit finalement la seule afro-américaine de l’histoire.
De la même manière, l’existence de Scrabi-Doo est évoquée comme l’histoire honteuse de cet univers.
Dans La finale des amateurs de mystère, Mystères associés met en scène les autres personnages d’Hanna-Barbera : Speed Buggy, Jabberjaw, Captain Caveman et Le Fantôme Funky. Un épisode qui oscille entre la nostalgie et le ridicule. Un épisode où la question de la place de l’animal est posé : simple mascotte ou personnage à part entière ? Il est d’ailleurs intéressant de constater que Scooby-Doo se voit ensuite affubler d’une histoire d’amour, lui offrant ainsi une intrigue secondaire à part entière et lui conférant ainsi des objectifs et des motivations propres.
Le comble de la mise en abyme vient lorsqu’un producteur propose à l’équipe de Mystères Associés de faire une émission sur eux et que tout le monde trouve ça ridicule.
- Deux saisons, trop court ?
Certes, ce sont autant de réflexions qui sont passés au-dessus de la tête de ma fille (devrais-je revoir son éducation ?), mais qui n’échappent sûrement pas à quiconque a grandi avec Scooby-Doo.
Deux saisons, est-ce trop court ? Oui, car nous avons pris grand plaisir à regarder en famille cette série et qu’on aurait aimé prolongé le moment. Mais non, car sur deux saisons, Mystères associés apporte une intrigue « cohérente » (à relativiser bien sûr, cela reste Scooby-Doo) et surtout une fin logique.