Steins;Gate 0
7.4
Steins;Gate 0

Anime (mangas) Tokyo MX (2018)

Voilà une suite qui sait assassiner son prédécesseur avec brio et sans le moindre scrupule qui plus est. Pas d'un coup de couteau seulement, ce serait trop plaisant. Vingt-trois épisodes durant, Steins;Gate 0 s'acharnera à profaner l'œuvre originale sans jamais discontinuer. Nous autres, spectateurs innocents, aurons pris quatre-cents-soixante minutes de notre vie pour assister au massacre. Non, Steins;Gate 0 n'aura pas déçu ; il ne nous en aura tout simplement pas laissé le temps après que nous fussions encore outré et sous le choc d'avoir été les témoins d'une si inqualifiable forfaiture.
Ça aura mis sept ans à venir. En sept ans, à lire et relire le script qu'on s'apprête à déballer à l'écran, il y en avait pourtant, des occasions de noter le nombre significatifs d'arguments jouant en la défaveur de cet anime abject. On ne peut décemment pas prétendre aimer à la fois Steins;Gate et Steins;Gate 0.


J'entends bien que cette trame alternative aux aléas dramatiques a de quoi justifier - au moins partiellement - l'état d'esprit qu'est alors celui d'Okabe. Le tragique, j'y souscris, j'apprécie... un temps durant... quand il est correctement manié.
Il est effectivement douloureux de redécouvrir Okabe une fois ce dernier essoré de tout son pétillant, il est même pour le moins déphasant d'observer son sérieux avec lequel nous n'avions pas l'habitude de composer. Okabe sera devenu adulte en six mois de temps. Houiouin Kyouma est mort un triste jour d'été 2010. Le portrait brossé ici d'un ancien sale gosse rentré dans le droit chemin se veut d'abord déchirant. Okabe allait de l'avant pour foncer droit dans le précipice.
J'aurais supporté ses jérémiades peut-être un ou deux épisodes d'ici à que ce tragique de façade ne m'apparaisse pour ce qu'il était vraiment : une posture de prostré geignard qui inclinera dangereusement vers la figure d'un Sasuke de synthèse. Le mot qui fâche est lâché mais n'aurait su me rester entre les dents.


Et le reste de la faune n'est pas en reste. Nombre de personnages deviennent maintenant clownesques quand ils furent jadis si authentiques, il n'est plus question que de situations incongrues et exubérantes ; je contemple alors un anime tout ce qu'il y a de plus classique m'indiquant de ce fait que plus rien n'a de rapport avec Steins;Gate qui, lui, se voulait hors-normes. À l'image de son protagoniste principal, l'œuvre est docilement rentrée dans le rang. Plus de nouveauté, plus de fraîcheur, plus d'audace : on ne fait plus que se reposer sur le succès d'alors non sans le discréditer au passage.


La musique se veut à présent omniprésente pour accompagner le pathos qui n'avait pas cours à l'époque ; confirmation est faite qu'il n'y a plus à voir qu'un anime conventionnel, donc, décevant. L'originalité et la pesanteur d'une atmosphère auparavant travaillée ont laissé place à un format cartoonesque où tout peut être aisément rangé dans des cases ou des archétypes. À commencer par Maho, cette prodige improbable et irritante qui ne sera finalement qu'un des nombreux adjuvants venus pourrir l'œuvre sous regard passif et désapprobateur de spectateurs de toute manière impuissants.


Pas même la science n'est épargnée. N'espérez pas un nouveau D-Mail, conçu et pensé savamment pour aborder le voyage dans le temps par un angle d'approche inédit. Fini le côté science de garage, bienvenue dans le bordel technologique tout droit sorti de la Silicon Valley tuant le mythe et - incidemment - ce qui avait contribué au charme de la série originale. Représentez-vous plutôt maintenant une œuvre de science-fiction au rabais avec une Intelligence Artificielle au nom pompeux et à la teneur improbable qui s'incrustera dans l'intrigue au seul prétexte de réintroduire Kurisu en dépit de sa mort.
Ci-gît Steins;Gate, on agite aujourd'hui son cadavre en le gratifiant d'autant de profanations qu'il ne soit possible d'en commettre.


À en juger comment agissent - et s'avilissent - les personnages, leurs interactions qui, autrefois promptes à alimenter une synergie de groupe, ne sont plus que des mécanismes verbeux bons à justifier que chacun ait sa parole pour finalement ne rien dire. Nous n'avons affaire ici qu'à une sitcom «pop».
L'humour d'époque, frais, subtil et même innovant dans sa tonalité est bien évidemment mort lui aussi, enseveli sous un registre quasi vaudevillesque typique de l'animation japonaise contemporaine. Rien ne nous sera épargné, les auteurs ont semble-t-il déterminé qu'il nous fallait expier pour avoir un jour aimé Steins;Gate.


Pire encore, le manque d'originalité s'allie maintenant au plagiat alors que le concept de la mémoire d'un défunt chargée sur portable est issue de l'épisode «Be Right Back» de la série Black Mirror. L'idée n'est sans doute pas exclusive à la série et, l'ayant moi-même déjà envisagée, je consens alors à laisser le bénéfice du doute aux auteurs.


Remplaçons l'apparence et le nom des personnages - leurs personnalités ayant déjà été altérées, qu'est-ce qui permettrait alors à ce stade de nous dire que nous avons à faire à une œuvre en lien avec Steins;Gate ?


On ne retrouve vraiment plus rien de la série d'origine en dehors de ses personnages. Et encore, ceux-là n'ont plus la même aura ni la crédibilité qui les rendait autrefois attachants et quelque part vivants. Ils sont tous la restitution approximative de leur psyché sous une forme d'intelligence artificielle programmée par des scénaristes fainéants. Très artificielle l'intelligence. Des créatures insipides et factices faisant office de pâles copies de ce qu'elles étaient autrefois. En dehors de Okabe et Maho, le reste des personnages paraît d'ailleurs encombrer, être de trop, on ne sait trop quel rôle leur attribuer pour cette nouvelle série et le peu qu'ils seront amenés à accomplir relève du dispensable.
Les sentiments ont tous l'air faux et forcés pour simuler la bonne entente derrière des rires fades et des sourires mièvres. Même les personnages sont obligés de faire semblant d'être heureux, apparemment conscients de la débâcle à laquelle ils s'adonnent sous l'impulsion d'auteurs ayant tout oublié de l'œuvre originale.


N'espérez évidemment aucune surprise, tout est cousu de fil blanc, un fil avec lequel les concepteurs de Steins;Gate 0 chercheront à nous étrangler. L'américain est clairement l'antagoniste, ça se voit à des kilomètres depuis son air mielleux et démesurément débonnaire.
Bien entendu, nous cheminerons du sensationnalisme abscons au cataclysmique tape-à-l'œil avec la troisième guerre mondiale en action. Signe des temps - de la fin des temps - le volume mammaire de la plupart des demoiselles a eu droit à son expansion. On s'adonne maintenant carrément au racoleur. Ça n'a décidément plus de Steins;Gate que le nom. Nous sommes si loin de ce que c'était.


Il aura fallu se forcer à visionner chaque épisode tant ces derniers sont vides de contenus quand ils ne s'affairent pas à humilier tout ce que nous avions jadis adoré. Et comme toute œuvre qui n'a pas grand chose à dire, cette dernière s'imagine qu'elle pourra initier quelque chose en le disant bruyamment. Alors on créé de la tension sans raison, ex nihilo, à la seule fin de paraître vivant. Autant de tentatives désespérées et désespérantes se multiplient alors afin de tenter de faire croire que Steins;Gate 0 a un quelconque propos. Mais qui a des yeux pour voir ne saurait être dupe ; Steins;Gate 0 est la suite purement commerciale de Steins;Gate, celle venue rentabiliser une gloire passée en l'avilissant considérablement.


Désespéré, c'est le mot juste. Quand il est question d'essayer de nous faire verser la moindre larme sur la disparition d'un programme informatique qui n'a d'Intelligence Artificielle que le nom, c'est que l'on est aux abois et que l'on ne cherche même pas à le dissimuler. Chaque réaction d'Amadeus jusqu'au moindre sentiment apparent n'est que l'interprétation d'une ligne de code, pas une réelle émotion. Inutile de le préciser, mais ça merde. Et en beauté. Même avec les violons, l'émotion ne prend pas. Ça empire même alors que les animateurs s'évertuent désespérément à forcer le pathos. Y'a comme une réaction de rejet de la part de l'organisme, on ne peut pas souscrire positivement à quelque chose d'aussi con. C'est biologique, on ne peut tout simplement pas lutter contre.


Je crois que sur la fin, et même au milieu voire depuis le début, les auteurs de Steins;Gate 0 avaient parfaitement assumé leur déchéance et ne cherchaient même plus à dissimuler le laisser-aller. «On vous emmerde» paraissait tapissé au fond de chaque plan, il n'y avait, dans leur ouvrage, ni passion, ni travail, ni talent ni quoi que ce soit d'autre si ce n'est de la disgrâce. Le pire étant que cette absence de volonté artistique n'était pas un échec de leur part mais apparemment la finalité même de leur projet.


Et dire que ça se paye en plus le culot de finir sur une ouverture vers une autre intrigue. Si celle-ci venait à être portée sur les écrans, je puis assurer qu'on ne m'y reprendrait plus. Steins;Gate 0 est pareil à un Terminator sans robot ni qui que ce soit de la famille Conor avec, en trame sonore, de la J-Pop abrutissante ; un concentré de trahisons et de manques de respect vomis à la gueule des amateurs de l'œuvre originale. Cet anime, plus que le précédent, m'aura en tout cas donné envie de bricoler une machine à remonter dans le temps, juste de quoi revenir en arrière ce qu'il faut pour que personne ne ponde jamais cette suite infâme.

Josselin-B
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le 15 juin 2020

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Josselin Bigaut

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