Ailes grises
7.5
Ailes grises

Anime (mangas) Fuji TV (2002)

La beauté d'une œuvre laissée à l'interprétation

Depuis que j’ai terminé Haibane Renmei pour la seconde fois, je pense que mon plus grand regret est d’avoir été déçue la première fois. Maintenant qu’il se retrouve en haut de tous mes classements avec un 10/10 accompagné d’un cœur, le temps où il m’avait laissé un arrière-goût amer dans la bouche me parait lointain, et pourtant, de ce que je sais, beaucoup de personnes ne l’ayant vu qu’une seule fois ont été déçus. Et pour cause, je pense que s’il y a bien un anime qu’il ne faut pas voir sans rien en savoir avant, c’est bien celui-ci. Nous introduisant dans ses premiers épisodes un univers à la fois intéressant, original et mystérieux, il peut facilement laisser à penser que l’intrigue se déroulera en nous dévoilant peu à peu l’univers, nous présentant son origine, ses lois, ses rouages, etc, à la manière d’un Shinsekai Yori. Sauf que les objectifs d’Haibane sont très différents de ce à quoi on pourrait s’attendre. En réalité, même si la majorité des êtres humains sont assez intelligents pour ne pas cracher sur l’anime à cause de son soi-disant manque de développement (enfin, j’imagine), je pense malgré tout que ne pas avoir les bonnes attentes et ne pas être attentif aux bonnes choses dès les premiers épisodes, c’est déjà passer à côté d’une partie de ce qui fait selon moi d’Haibane Renmei un pareil chef-d’œuvre.


Il n’y a en effet pas besoin d’aller plus loin que les débuts du premier épisode pour comprendre qu’Haibane va apporter une très grande importance à ses personnages. Passé la scène du rêve en intro (à laquelle je reviendrai tout à l’heure), la découverte du cocon par Reki nous permet vite de faire sa connaissance. D’emblée, elle essaie de faire de son mieux pour gérer la situation en faisant au plus vite le nécessaire pour pouvoir être auprès du cocon sans que celui-ci ne soit submergé, tout en faisant attention à ce qui pourrait sembler de l’ordre du détail (elle revient éteindre sa cigarette tombée au sol) mais aussi en faisant des erreurs pensant bien faire (elle accroche une affiche interdisant strictement l’accès aux enfants, mais comme le souligne Kana, cela ne fait que les provoquer). Une fois Rakka ‘’née’’, plus loin dans l’épisode, elle démontre toute l’attention et l’affection qu’elle lui porte, en restant auprès d’elle même sans que ce soit nécessaire et allant jusqu’à se faire du mal pour rendre plus supportable la douleur de Rakka lorsque poussent ses ailes. La suite viendra nuancer ce tableau, Reki s’attachant de plus en plus à Rakka, mais laissant malgré elle transparaitre ses faiblesses, notamment au début de l’épisode 3. Et ce qui fait la force du développement des personnages, c’est avant tout sa subtilité. Il passera en effet avant tout par des détails comportementaux, des contrastes dans la manière de dire telle ou telle chose ou interpréter telle ou telle situation. On en est à un point où une petite hésitation avant de prononcer une phrase peut drastiquement changer son sens, et c’est clairement cela qui arrive à rendre les personnages aussi humains et proches du spectateur. Les quelques tirades et monologues que comporte malgré tout l’anime doivent alors être pris de la bonne manière, car chercher à saisir pourquoi le personnage est amené à le penser ou bien le prononcer est presque plus important que chercher à en saisir le sens. On est ainsi face à des personnages réellement vivants, qui essaient autant de se comprendre entre eux que le spectateur essaie de les comprendre.


Contraste étant révélateur de défauts, il me semble malheureusement que le manque d’attention au détail dans certains dialogues les rend moins crédibles que le reste. Le seul réel défaut que je pourrais trouver à Renmei, et qui me frustre toujours autant, y est également lié. Il vient d’un certain personnage dont je me garderai de spoiler l’identité. Celui-ci sera en effet par la suite très important dans l’évolution de la pensée et des relations des autres, mais le manque de relief qu’a eu le dit personnage sera le détail qui enlèvera de la partie suivante une certaine part de sa crédibilité. Et quand je vous dis que c’est frustrant, je veux dire que selon moi, si on avait pu plus s’attacher à ce personnage et mieux comprendre sa relation avec les autres, cette série aurait atteint un niveau très proche de la perfection. Mais ne dramatisons pas, car même s’il s’agit d’un défaut remarquable, les autres personnages restent aussi bons que je l’ai dit précédemment, nous offrant une histoire incroyablement humaine.


Une humanité qui, même si ce point leur est intrinsèquement lié, les personnages ne sont pas les seuls à véhiculer, mais qui passent également beaucoup par l’importance de la symbolique dans l’anime. C’est sans doute là le point le plus fascinant de l’œuvre. Ainsi que je le disais au début, Haibane Renmei ne nous propose pas un univers complet et développé bien qu’il en ait le potentiel, et pour cause, énormément d’éléments sont laissés à l’interprétation du spectateur. Et c’est à la fois là ce qui déçoit pas mal de monde et ce qui rend l’œuvre si exceptionnelle. En regardant Haibane, il est impératif de faire attention à tous les éléments porteurs de symboles, car ils constituent le cœur de l’œuvre. Aucun élément de l’univers ne sera clairement expliqué, mais suffisamment d’indices sont laissés pour le faire comprendre (l’apparence d’anges, les corbeaux ou encore les rêves sont autant d’éléments qui mettent le spectateur sur une piste sans pour autant le guider pour lui laisser une liberté de compréhension). C’est pourquoi je recommande à ceux qui ne l’ont pas encore vu d’y prêter une attention toute particulière, car oui, c’est là que je vais vous laisser.


Je vais maintenant essayer d’analyser plus en détail certains de ces symboles et tenter de vous présenter dans les grandes lignes mon interprétation personnelle. Mais cela implique d’entrer en zone spoilers, c’est pourquoi j’espère avoir donné envie de le voir à tous ceux pour qui ce n’est pas encore le cas, ainsi que de vous avoir donné quelques clés nécessaires d’après moi à la compréhension de l’œuvre. Mais même avec ça, je vous conseille de revoir l’anime quelques mois après votre premier visionnage, et pourquoi pas revenir lire la suite de cette chronique si jamais mon avis vous intéresse.
Bref, maintenant que l’on est entre gens civilisés, je vais pouvoir approfondir. D’une part, un des éléments les plus facilement interprétés est le fait que les haibanes sont dans une vie après leur mort, hypothèse étayée par le fait qu’ils sont représentés comme des anges (ou plutôt leur représentation chrétienne) de par leurs ailes et leur halo, qu’ils naissent à un âge aléatoire, etc. C’est là l’hypothèse la plus évidente, mais pas la seule plausible (on pourrait par exemple penser à une métaphore filée sur la religion). Mais c’est sur celle-ci que je vais me baser pour la suite, car elle amène selon moi une interprétation intéressante des autres éléments.


Un des éléments qui m’aura sans doute le plus fascinée dans la symbolique de Renmei, c’est les corbeaux. C’est un élément à la symbolique bien connue: Oiseau de mauvaise augure, symbole de la mort, charognard, bref, on ne lui attribue en général pas de connotation trop positive. Dans Haibane, il se dote cependant d’une dimension en plus: Il est capable de voler, et c’est donc le seul être à pouvoir faire l’aller-retour librement entre l’extérieur et l’intérieur des murs. Par conséquent, comme dit dans l’anime, ils sont connus pour transporter des ‘’choses perdues’’ à l’intérieur des murs. Si l’on part de l’hypothèse que les haibanes sont morts dans le monde de derrière les murs, on arrive à l’idée que ces oiseaux représentent un lien entre la vie et la mort, rappelant aux haibanes ce qu’ils ont vécu avant de mourir. Or ces derniers ont généralement une haine envers les corbeaux, essayant de les chasser même si ceux-ci persistent. Au-delà des explications fournies, on peut interpréter ça comme les haibanes voulant chasser toute trace de leur vie antérieure, ne voulant pas se rappeler ce qu’ils ont vécu avant d’être haibane. C’est cette interprétation qui m’a amenée à penser que les haibanes sont en réalité des humains morts avec des regrets, s’en voulant à eux-mêmes et morts prématurément. Cela n’étant pas forcément lié à des ‘’pêchés’’ qu’auraient commis les haibanes (ceux pour qui c’est le cas sont d’ailleurs différenciés des autres), comme pourrait le démontrer le personnage de Kuu, qui a pris son envol seulement après s’être accompli lui-même sans explicitement chercher de pardon. L’envol étaye d’ailleurs bien cette hypothèse: Les haibanes seraient autorisés à disparaitre une fois qu’ils n’ont plus de regrets, et se seront détachés des erreurs qu’ils ont commis quand ils étaient vivants (c’est ainsi que j’interprèterais la scène du rêve dans l’épisode 13: Reki humaine disparait une fois que Reki haibane accepte et répare sa dernière erreur en appelant Rakka à l’aide).


Ainsi cela m’amène à un des symboles clé: Les rêves. D’après moi, ils représentent tous les derniers moments de la vie de chaque personnage ainsi que les regrets qui les ont amenés à devenir haibane. C’est assez explicite et évident dans le cas de Reki, mais c’est beaucoup plus symbolique et subtil dans les autres. Dans son rêve, Rakka tombe. Un corbeau essaye tant bien que mal de la rattraper, mais Rakka, bien qu’elle dise apprécier le geste, le repousse en disant que c’est inutile, et qu’elle continuera de toute façon de tomber. Sa chute sera d’ailleurs au début assez douce, Rakka l’acceptant les yeux fermés, mais une fois le corbeau parti, elle prend une tournure plus dramatique. Symboliquement, sa chute signifierait donc sa descente de plus en plus profondément dans son malaise et sa solitude au cours de sa vie, descente à laquelle Rakka se résigne. Le corbeau serait alors, comme dit dans l’anime, quelqu’un qui a essayé tant bien que mal de la sauver, mais que Rakka a préféré rejeter, se disant que même si l’aide comptait, elle serait inutile. Ce n’est que sur la fin qu’elle se rend compte de l’ampleur de sa chute, quand il est déjà trop tard, ce qui a mené à sa mort, probablement par suicide.


Cela rejoint ce que je disais au début, à savoir que la compréhension des personnages passe par des détails apparemment anodins. Par exemple, lorsque Nemu évoque dans le premier épisode son rêve où elle dormait, il passe pour une anecdote. Cependant, en partant du principe que les rêves symbolisent ce pourquoi les haibanes sont devenus haibane, on peut comprendre ce sommeil comme un état d’inconscience, qui pourrait justement être une inconscience aux problèmes des autres, venant de quelqu’un préférant fermer les yeux plutôt que de faire attention aux problèmes des autres en risquant de se blesser. J’extrapole peut-être beaucoup en disant ça mais notez que si l’on prend en compte le développement du personnage par la suite, ça colle plutôt bien.
Mais bref, je suis loin de vouloir vous donner une interprétation définitive de l’anime (de toute manière, le principe-même, c’est qu’il n’y en ait pas de possible), je ne me focalise que sur certains éléments en n’en prenant pas d’autres en compte. Et si je vous dis ça, c’est surtout pour vous montrer l’importance qu’a selon moi la symbolique dans Haibane Renmei. Je tiens également à préciser que j’écris cette chronique le lendemain de la fin de mon second visionnage, et n’ai donc pas fait plus de recherches que ça, mon interprétation est donc loin d’être infaillible. Je vous ramène donc à la zone commentaire si vous voulez réagir, je serais très intéressée de connaitre vos interprétations (précisez s’il y a des spoilers quand même, pour ceux qui ne l’auraient pas vu). Je vous quitterais donc en vous invitant également à aller voir mon blog Yokohamabluesky.wordpress.com (sur lequel cette chronique figurera d’ailleurs peut-être) si jamais les écrits d’une digibro du pauvre vous intéressent.


Passez donc une bonne journée/soirée/nuit, j’espère que cette review n’aura pas été trop chiante, et surtout, (re) regardez Haibane Renmei.

Luna_
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le 12 juin 2016

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Luna_

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