Tranche de vie chez les grenouilles fermiers.
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le 25 nov. 2022
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Petite question, si on vous dit « série d’animation Disney », à quoi pensez-vous ? Peut-être pas à grand-chose à part ce qui vous a bercé dans les années 90 à l’extrême limite, étant donné que les show animés Disney ont surtout un public cultivé sur le sol américain, bien plus qu’en France. Mais si vous faites parti de ceux qui sont aux abonnés présents, vous pensez très probablement à des titres de la décennie passée comme Souvenirs de Gravity Falls d’Alex Hirsch ou le reboot de La Bande à Picsou lancé par Matt Youngberg et Francisco Angones en 2017.
Deux titres absolument géniaux à tel point qu’ils ont fait de l’ombre à ce qui a pu se faire à côté parmi les autres productions animés Disney. Force est d’admettre qu’en comparaison, le niveau est loin d’être le même : on a eu une tentative de surfer sur la mode avec Star Butterfly lancé par Daron Nefcy et diffusé en 2015, qui a eu ses bons moments mais a finalement divisé grandement les fans à partir de sa saison 4 servant de conclusion. La suite de Raiponce en série avait son petit charme et le mérite de ne pas être là que pour surfer sur la popularité de la princesse et des personnages du film, mais ses choix graphiques lui posaient divers problèmes et basculait par moment plus vers l’enfantin que le bon enfant.
Et entre-temps il y a eu deux séries animées Disney qui ont eu bien du mal à parvenir jusqu’à chez nous, mais constituent des coups de cœurs personnels que je n’imaginais pas avoir si, là encore, un ami ne m’avait pas poussé à tenter l’expérience. La première est Luz à Osville/The Owl House de Dana Terrace qui a lancé sa dernière saison il y a peu (et dont je parlerais une autre fois), et la seconde, découverte cet été en compagnie d’un ami déjà plongé dedans : c’est Amphibia de Matt Braly, lancé en juin 2019 et fraîchement achevé cette année.
Quand j’ai commencé Amphibia, c’est-à-dire en direct via un VPN, je suis resté en mode découverte et appréhension pendant un petit moment sur la première saison. Le petit souci que j’ai avec les séries Disney depuis Gravity Falls, le plus souvent, c’est que les premiers épisodes passent souvent par des histoires maintes fois racontés qui se distingueront surtout par deux choses : la manière de la raconter, le cadre dans laquelle elle est raconté et ce que les scénaristes et showrunners y ajouteront en matière de personnalité à travers leurs personnages, leur ambiance (humour comme drame) et surtout par rapport au fil rouge.
C’est ce qui fait que j’ai mis un moment pour adhérer pleinement à Gravity Falls, un moment également pour être investi dans les aventures de Luz dans Luz à Osville, et il en est de même avec Amphibia. Quand on regarde les premiers segments pensés sur une durée d’un peu plus de 10 minutes, j’admet être sceptique car c’est un exercice très compliqué de choisir un bon format de durée pour raconter ce que l’on veut. A cela, Matt Braly focalise une grande partie de sa première moitié de saison 1 à faire des tranches de vies à but comique destiné à nous faire connaître Anne, Sprig, Polly, Hop Hop et les habitants du village de Wartwood avant de partir sur quelque chose de plus… disons tendue et de grande ampleur.
On tend plus vers le positif et une personnalité assez évidente à comprendre avec Anne et ses sérieux problèmes liés à son sens des responsabilités ainsi que son sens des valeurs sur les fondations d’une amitié (quand tu viens à penser que t’es pas un vrai pote si tu refuses de faire quelque chose qu’un prétendu ami t’as demandé même si c’est repréhensible par la loi ou que tu veux vraiment pas le faire, tu sais que ça sent la toxicité quelque part), une populace locale qu’on apprend à connaître au fil de segment tantôt inspiré et même très amusant et créatif (l’épisode danse ou Hop Pop confirme que son freestyle est aussi foiré que Miyuki Shirogane au chant dans Kaguya-Sama Love is War ; Leçon de conduite ou Anne comprend que conduire un escargot géant est aussi difficile que d’en élever comme le soulèverait Bob l’éponge), parfois ajoutant du lore là où on s’y attend pas même (l’épisode L’arbuste généalogique dévoilant l’envers du décor des ancêtres de la famille Plantaire en plus d’être très drôle).
Mais parfois ça ne fonctionne pas quand ça ne sont pas des égarements ou des indécisions dû au début de la série, comme celle ou Hop Hop et Sprig se défient pour avoir le contrôle de la gestion de la ferme et qui n’a pas grand-chose d’intéressant, ou Journée de pêche en famille dans lequel Sprig tente pratiquement d’éliminer la nouvelle amoureuse de Hop Pop pour passer du temps avec son oncle (je suis pas contre le politiquement incorrect, mais là ça passe pas). En principe quand ça vire aux petites querelles insignifiantes, ça tue le rythme et ça endort, alors qu’à l’inverse lorsqu’Anne tente de faire découvrir sa culture personnelle aux habitants de Wartwood ou à la famille Plantaire (des plats aux émissions télé en passant par les réseaux sociaux), on a souvent droit aux moments de comédie ou de développements les plus prometteurs (l’épisode Pizza qui est sympa aussi et ou, visiblement, la pizza à l’ananas est un tabou parmi les amateurs de Pizza).
Pendant une vingtaine de segment, le tout est composé de cela avec une identité visuelle propre et remarqué (dont les expressions faciales exagérées que ne renieraient pas les animés japonais) mais on attend le moment ou tout cela servira à quelque chose. Avec les show animés Disney j’en suis arrivé à deux choses quand à savoir à quel moment on adhère et on monte définitivement dans le train de la fan attitude : soit par une ouverture flamboyante qui laisse ses pistes à explorer pour la suite comme avec le téléfilm du reboot de La Bande à Picsou, soit on y va pas à pas et on attend le déclic qui nous fera dire « Ok, là je suis dedans, j’ai envie d’être aux côtés de ces gens et de voir ou tout ça va aller ».
Et selon moi, ce moment intervient lors de deux segments majeures pour la première saison : La tour des crapauds ou, pour la première fois, on voit réellement les habitants de Wartwood être mis dans une situation compliquée, avec un rapport extrêmement tendu entre des crapauds plus proche de racketteurs que de récolteur d’impôt et les grenouilles de Wartwood, Anne qui réussit enfin à gagner la pleine sympathie des habitants en soutenant secrètement les habitants extorqué et ira aux mains pour tenir tête au groupe de crapauds quand ceux-ci vont trop loin. Et la seconde, « Un maire pas clair » ou Prison Break dans son titre anglais, ou l’on suit enfin une des amies d’Anne, la casse-cou Sacha, sympathisant avec les mercenaires crapauds de la tour de garde et dont les intentions et la manière d’appréhender le monde d’Amphibia diffèrent beaucoup de celles d’Anne, ce qui ne promet pas forcément des retrouvailles aussi réjouissantes.
A partir de là, Matt Braly et son équipe trouveront leur voie de croisière et en s’appuyant sur des bases bien construites, et deux rôles humains à la psychologie plus qu’intéressante à élargir, Amphibia a gagné lentement mais sûrement en attention de ma part, et surtout en intérêt. Sans trop en dire, la conclusion de la première saison laisse pas mal d’opportunités qui seront exploités par la suite, en plus de conclure sur une note semi-amer bienvenu et d’aller au-delà de la simple série tranche de vie à but humoristique.
Mais Anne et Sacha n’auraient probablement pas la même saveur et le même sel en tant que personnages si il n’y avait pas une troisième aventurière pour compléter le trio, et qui est sans mal l’un des personnages préférés des fans d’Amphibia en plus d’apporter un grand plus à la deuxième saison : Marcy Wu, une geek d’origine asiatique à l’enthousiasme euphorisant mais aux faiblesses et imperfections tout aussi profonde que ses deux amies. Et qui a des expressions tellement adorables et hilarantes que ça en devient collector (est-ce que ça se voit à quel point je l’aime ?).
La saison 2 nous emmène dans la ville de Tritonia/Newtopia par rapport à la quête poursuivie par Anne avec la boîte à musique pour rentrer dans son monde. Et c’est l’occasion de constater que Disney a beaucoup travaillé l’équilibrage entre les scènes tranches de vie et les segments ou épisode double plus audacieux et grave que la moyenne. Les repères ayant été trouvé depuis la saison 1, le fil rouge désormais bel et bien présent avec des éléments dramatiques qui constituent une très bonne balance émotionnelle (le destin tragique des parents de Sprig et Polly, la véritable raison pour laquelle Anne et ses amies ont atterris à Amphibia), et surtout… ben je me suis surpris à pleurer à l’épisode 17 de cette seconde saison quand il a été question d’évoquer les rapports familiaux d’Anne et Sprig avec une approche intimiste et premier degré étonnamment bouleversante.
Pendant tout cet épisode, Anne et Sprig participent à une compétition afin qu’Anne puisse gagner un objet souvenir à rapporter à sa mère resté dans le monde des humains. Mais en comprenant l’importance que le prix (une théière originale minutieusement sculptée) pour sa rivale qui n’est autre que la fille de la sculpteuse, Anne lui offrira la sculpture et en recevra une autre plus modeste comme futur cadeau pour sa mère. Jusque là rien de particulier… jusqu’au soir ou on a le droit à une confession entre Sprig et Anne ou chacun parle de leur manque affectif : l'une parce qu'elle regrette même les travers de sa mère qu'elle n'est même pas sûre de revoir un jour, et Sprig qui regrette de ne jamais avoir connu sa propre mère et se demande même si c'est normal qu'elle lui manque alors qu'il ne sait rien d'elle.
Cela me permet de rebondir sur l’une des plus grandes qualités qui se révèlent avec cette seconde saison : Amphibia dévoile lentement mais sûrement les traumatismes et les failles psychologiques profondes de ses personnages. Il réussit à justifier tout l’attente qu’ont suscité ces scènes de vies, et réussit à confronter ces personnages à eux-mêmes à travers la menace surgissant de petit à petit au fil de cette seconde saison, et à partir de la troisième et dernière saison… et je vous rappelle qu’on parle d’une histoire d’adolescentes humaines coincées dans un monde de grenouille, de tritons et de crapauds bipèdes.
Sprig et Anne sont déjà de très bon exemple, mais Marcy Wuu la geek du trio remporte à mes yeux la palme d’or à ce jeu là surtout face au twist du dernier épisode de la saison 2. Là encore, on a découvert lentement mais sûrement une passionnée douée d’intelligence et de réflexion, mais capable de se laisser trop facilement prendre au jeu en plus de négliger ce que pense ses amies et comment celles-ci se sentent impliquer. Plus grave encore, sa manie à croire agir pour le mieux pour tous sans prendre en compte les pensées de ses proches au point de faire plus de mal qu’elle n’espérait faire du bien.
Drame personnel, mal du pays, menace dormante, voie vers la maturité pour Anne et ses amis, confrontation nécessaire pour avancer même si cela implique de faire face à ses proches, lore qui prend une dimension inattendue après 2 saisons : à partir de ce moment là et d’ultimes retournements de situation de fin de deuxième saison, Amphibia a totalement trouvé sa voie et continue d’explorer avec inspiration et conviction la lutte de ses personnages, ce qu’a pu engendrer leurs travers en tant que personne et ce qu’ils doivent réparer pour avancer.
Evidemment, on se doute que certains événements relèvent plus du coup de sang et d’intensité sur le moment, et il subsiste quelques légers égarement (pas bien méchant). Mais la troisième saison complète à merveille ce que l’on est en droit d’appeler la « mythologie Amphibia » : si déjà même un antagoniste surprise (dont je tairai le nom pour l’instant) réussie à être empathique et intéressant dans les raisons qui le poussent à agir aussi mal, difficile de ne pas éprouver davantage de sympathie pour Anne et les Plantaires quand on découvre le quotidien dans le monde humain ainsi que la culture thaïe de l’adolescente ou elle baigne. Même si les nouveaux rôles humains n’égalisent pas pour autant ceux du monde d’Amphibia, ce que leur fonction apporte d’épisode en épisode et rempli comme il faut en sachant également renforcer les enjeux d’Anne à cette troisième saison (prise de conscience de soi, faire ses preuves auprès de ses parents, prendre du recul sur les événements pour mieux réfléchir à la situation, etc…), sans pour autant mettre de côté ce qui se passe à Amphibia (et Sacha aussi, purée mais il y a également beaucoup à dire sur elle… mais ça prendrait trop de temps et là encore, il y a des choses à découvrir par soi-même).
Sans compter que Matt Braly et son équipe savent se montrer très généreux une fois la machine bien huilée et lancée à fond : en plus des trouvailles comiques de l’inspiration typique des expressions faciales exagérés en animation japonaise, ils se permettent parfois des épisodes clins d’œil surprenant (un sur Massacre à la tronçonneuse… je ne déconne même pas) quand ils ne justifient pas leur idée de monde parallèle pour saluer les copains (l’Oncle Stan et Mousse façon grenouille : je savais pas qu’on avait besoin de voir ça avant de mourir) ou qu’ils ne font pas les habituels épisode référencé comme celui en mode « film noir » ou Hop Pop recherche le vendeur de la sauce piquante en se prenant parfois le chignon avec sa voix intérieure (pendant qu’Anne s’amuse à faire peur à des gosses… j’approuve totalement ce comportement ^_^).
Enfin, et histoire de chipoter quand même un peu parce que ça ne serait pas drôle, l’un des rares points ou je suis plus perplexe, c’est pour la VF de la série : confié pour le coup à nos voisins belges, ceux-ci sont capables du meilleur comme avec Souvenirs de Gravity Falls comme du plus inégal (Tokyo Revengers pour le peu que j’ai entendu, Luz à Osville…), et ici la balance se situe à peu près au milieu mais avec des performances parfois plus discutables. Il faut un temps d’adaptation pour Julia Khaye sur Anne, le choix de voix correspond mais son timbre de voix et son énergie ne suivent pas toujours le caractère de l’adolescente, comme si elle se trouvait coincé sur une espèce d’entre-deux qui la pénalise souvent. Les habitués comme le très bon Maxime Donnay (Senku dans Dr.Stone ou Pell le Faucon dans One Piece) pour Spring, Nancy Philippot sur Poly ou encore Patrick Waleffe s’en tirent globalement mieux tant sur le choix de voix qu’en matière de peps pour la fratrie Plantaire.
Parmi ceux qui s’en tire aussi bien qu’en VO à mon goût, Cathy Boquet sur Marcy est de ceux-là et a une énergie très communicative et passionnée qui correspond à la geek en puissance. Michel Hinderyckx, alias l’Oncle Stan dans Gravity Falls et Mister 5 dans One Piece, ne déçoit aucunement et a toujours la niak quand il s’agit de jouer la version grenouille de l’Oncle Stan. Par contre Elisabeth Guinand sur Sacha, je ne suis pas convaincu, le problème est le même qu’avec Khaye mais avec un blocage dans la voix qui se ressent plus malheureusement. Bref, du bon en principe (j’arrive par contre pas à trouver qui double Andreas dans la VF) mais il y avait moyen de donner un meilleur rendu.
Mais ça n’entache pas le plaisir de la découverte, et je remercie chaleureusement l’amie qui me l’a conseillé : Amphibia, c’est le genre de série animée ou il ne faut pas se fier à l’emballage aussi curieux que bizarre. Dés qu’on l’ouvre et qu’on découvre petit à petit ce qu’il y a derrière, avec un peu de recul et d’ouverture comme pour toute série animée Disney de qualité comme Luz à Osville, on comprend vite qu’il y a beaucoup à offrir. Du voyage, du cœur, de l’âme, et surtout de l’amour pour une bande de batracien et un trio d’adolescent avec qui j’ai tantôt rit, eu peur pour eux et même pleuré, preuve supplémentaire s’il en est que l’animation n’est pas un médium limité aux enfants. Sur le grand comme le petit écran, il a eu, a et aura encore beaucoup à offrir pour peu que le public reste ouvert. Et pour ma part, j’en redemande.
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Créée
le 25 nov. 2022
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