Aujourd'hui, les séries documentaires refont surface à la télévision.
Jamais, dans l'histoire de la télévision française, se sont accumulées autant d'émissions relatives à des événements historiques. Arrêtons nous sur cette série documentaire. Cette série s'est donné comme ambition de "raconter la véritable histoire de la Seconde Guerre Mondiale, pour que les générations se souviennent de l'Apocalypse". Soit.
Pour cela, ses auteurs, Daniel Costelle et Isabelle Clarke, se sont appuyés sur près de deux ans de recherches, qui leur ont permis de collecter 650 heures d'archives filmées, dont la moitié sont inédites. Mais surtout, les images ont été colorisées, le son d'époque a été remasterisé et la narration confiée à Mathieu Kassovitz. Clarke et Costelle confient avoir volontairement choisi de "faire d'Apocalypse une oeuvre cinématographique", pour "aborder l'Histoire d'une façon nouvelle" et ainsi "transmettre aux jeunes générations la mémoire de cette folie meurtrière généralisée". Impressionnés parle dispositif, les médias ont, dans l'ensemble, encensé le projet. Sans plus d'explications, le fond historique atout naturellement été crédité de la rigueur et de la nouveauté reconnues à la forme.
Pourtant, à y regarder de plus près, le traitement de l'histoire dans Apocalypse n'a non seulement rien de nouveau, mais il véhicule même un discours franchement réactionnaire. "Douce France" des années 30 regretté, Vichy y est présenté de manière indulgente, sa responsabilité dans la déportation des juifs de France éclipsée, partis de gauche accusés d'avoir permis l'arrivée au pouvoir des nazis, chambre à gaz et bombardements des villes allemandes juxtaposées : telle est la manière d'aborder " l'Histoire de façon nouvelle" dans Apocalypse.
En 1961,dans Les "Cahiers du Cinéma", Jacques Rivette signe un papier qu'il intitule "De l'Abjection". Il y dresse une critique acerbe contre un certain cinéma qui souhaite raconter la Seconde Guerre Mondiale et spécifiquement les camps de concentration et d'extermination. Il évoque en particulier le film de Pontecorvo, "Kapo" (1960) et son fameux travelling qui esthétise la mort du personnage de Riva, qui se suicide en se jetant contre les barbelés électrifiés du camp. Rivette évoque dans son article ce qui pour l'ensemble de la critique deviendra une évidence, une règle, quasiment un dogme : esthétiser les atrocités de la guerre, spectaculariser l'atroce est dangereux. Rivette parle même d'immoralité.
En effet, il apparaît bien impossible pour le cinéma ou même pour toute autre forme artistique de rendre réellement compte de l'indicible, des massacres barbares, de la violence absolue, de ces instants ignobles de l'Histoire.
Ainsi, tous les auteurs ou réalisateurs cherchant à traiter ce genre de sujet se doivent de prendre d'infinies précautions pour ne pas faire de leur oeuvre, une oeuvre de banalisation, une oeuvre qui finalement rendrait les choses moins choquantes, plus acceptables. Le public ne doit pas s'accoutumer à l'atroce.