Au cours d’un récent tri de mes possessions en matière de jouet, je suis retombée sur mes figurines des Motards de l’Espace (à savoir, Vinnie (bleu), Vinnie (rouge) et Modo). De fait, j’ai eu l’envie saugrenue de redécouvrir la série animée à travers mes yeux d’adulte.
Il faut savoir qu’avant de me mettre en chasse de quelques épisodes, j’avais à l’esprit que Vinnie était le chef de la bande sérieux et un peu torturé (une espèce de Leonardo, mais avec plus de poils et moins de carapace), que Throttle était l’intello du groupe un peu timide, et que Modo était une grosse brute au caractère de cochon (Rafaello sans les tridents en somme).
Au visionnage des premières vingt minutes, j’en suis arrivée à la conclusion que j’en avais un sur les trois, et qu’on nous passait vraiment de la daube à notre époque.
Vinnie n’a rien d’un chef de groupe et il est encore moins sérieux. Vinnie est un motard prétentieux jusqu’à la moelle, dragueur et particulièrement lourdingue (étant petite, j’ai dû m’apitoyer sur son visage atrocement mutilé, c’est la seule explication plausible). C’est plutôt à Throttle que revient le rôle de mener ce trio d’olibrius, mais il n’a rien d’un timide. Quant à Modo, c’est effectivement une grosse brute… l’espace de deux épisodes.
En effet, après cela, le doublage français part totalement en queue de cerise et bon nombre de personnages perdent leur voix première pour en acquérir des qui collent plus ou moins au caractère ou à l’apparence de chacun. Modo, justement, qui avait une grosse voix seyant à ses gros muscles et son œil borgne, se retrouve ensuite avec une voix fluette d’adolescent limite zozotant par moment. Charlie – qui doit avoir une vingtaine d’années, peut-être 30 – se retrouve avec une voix de grand-mère. Vinnie a une voix aiguë qui rend son rire aigrelet et crispant. Et le grand méchant, Lawrence Limpburger, a une voix quasi identique à celle de son acolyte dégoulinant de graisse.
Et s’il n’y avait que ça, ça pourrait encore passer, mais ça ne s’arrête malheureusement pas là. Vinnie n’est en réalité appelé comme ça que l’espace de quatre ou cinq épisodes, il est ensuite définitivement nommé Vincent (en fait, dès que le logo est censuré). Pourquoi ce changement quand Throttle, Modo et Limpburger ne font pas plus français ? De même, Charlie est régulièrement appelée Charlène, mais ce n’est pas systématique. Le tout couronné par ce Napoléon Choucroute du plus bel effet, renommé plus tard Napoléon Brie (de Meaux, sûrement).
Et à côté de ça, il y a des dialogues qui n’ont absolument ni queue ni tête, qui conduisent parfois à des incohérences d’un épisode sur l’autre (dans le 1er, par exemple, Vinnie réclame de la moutarde extra-forte pour son hot-dog ; quelques épisodes plus loin, il affirme détester ça. Autre exemple – récurrent celui-ci –, les souris détestent et aiment tour à tour le fromage, sans que cela n’ait aucun sens logique).
De manière générale, d’ailleurs, le scénario ne tient pas la route une seconde et les passages improbables se succèdent à tour de bras (et par improbable, je ne parle pas du fait que les motos aient leur volonté propre et soient capables de rouler à la verticale sur les murs d’immeuble… mais plutôt de ce trio de héros qui se libère de sa cage apparemment robuste sans que l’on ne sache trop comment). Le script est si peu épais que, lors des épisodes où ils retournent sur Mars, le passé de Modo et Throttle est très vaguement évoqué (quelques secondes d’image), pas celui de Vinnie, et les retrouvailles sont au final assez expédiées (c’est pas comme si les gars avaient disparu de leur planète d’origine durant des mois).
Pour vous donner une idée également de la bassesse du niveau de la série, sachez que chaque épisode se compose comme suit :
- 5 minutes de vantardise à la sauce Vinnie et de réflexions machistes
de la part du trio
- 5 minutes de blabla entre méchants
- 10 minutes de baston
- 2 minutes de générique.
Voilà.
Rajoutez à cela une animation oscillant du bon au franchement moyen – certains épisodes étant rafistolés avec des séquences d’autres épisodes –, et vous avez le cocktail gagnant.
Néanmoins, passés les premiers épisodes – et si vous avez suffisamment de patience pour laisser sa chance à la série… ou rien de mieux à voir –, on finit par découvrir quelques pépites, voire des épisodes vraiment très drôles et très sympathiques (mention spéciale au trio final « Retour sur Mars » qui révèle le passé des héros et notamment la façon dont ils ont récupéré leurs balafres).
Donc, les motards de l’espace, qu’est-ce que c’est ?
Un dessin animé qui a été pondu simplement pour faire vendre des jouets (d’où le désintérêt à embaucher un scénariste et un dialoguiste compétents). Et un trio de grosses brutes assez basses de plafond, qui hurlent « à fond les manettes » à tout bout de champ, qui chantent comme des fers à friser et qui se comportent comme des goujats avec Charlie (qui, au passage, a accepté en quelques secondes l’idée que des souris géantes avec des antennes aient débarqué de Mars sur des motos).
Cependant, à mesure que l’on avance dans le visionnage des épisodes (dans le plus grand désordre en ce qui me concerne), on peut observer que la série révèle un second niveau de lecture très appréciable pour les adultes (je pense notamment à ce guide du nucléaire par Montgomery Burns…). Second niveau qui aide à faire passer la pilule de la chute de l’inénarrable Vinnie de son piédestal (tout du moins, du piédestal sur lequel je l’avais mis étant petite).
Et oui, il y a bien un personnage qui s’appelle Napoléon Choucroute, vous n’avez pas rêvé.