Blue Eyes raconte l’histoire d’Elin Johansson engagée pour remplacer la directrice de cabinet du ministre de la Justice. Si ses collègues pensent qu’elle est en congé maladie, celle-ci semble en réalité avoir disparue. Elin décide de mener l’enquête. Au même moment, alors que la Suède se prépare à de nouvelles élections, les menaces à l’encontre d’Annika Nilson, candidate sur une liste d’extrême droite, s’intensifient. Un drame politique fort et humain, reflet des dérives idéologiques de notre époque.
De prime abord, le premier élément qui nous a alerté est la relative similitude du générique avec celui de House of Cards, est-ce un clin d’œil à cette série également politique ou est-ce une manœuvre involontaire de la part de l’équipe de production ? Durant la rencontre avec les créatrices et l’un des scénaristes de Blue Eyes, nous avons notamment appris que la série est en développement depuis 5 ans soit peu de temps avant la première diffusion de House of Cards, ce qui peut constituer un début de réponse.
Du point de vue de l’intrigue, la série est audacieuse et dérangeante. Blue Eyes fait état des tensions politiques qui ont secoué la Suède lorsqu’un parti d’extrême droite est arrivé au Parlement, ce qui n’est pas sans faire penser à la situation actuelle en France. Des partisans de ce mouvement ont été menacés, d’autres ont mis leurs menaces à exécution. De vives tensions politiques se font ressentir, des familles se déchirent pour cause d’opinions divergentes et des groupuscules fascistes violents prennent de plus en plus de poids dans ce paysage politique fracturé.
Le tour de force de cette série réside dans sa capacité à être la plus objective possible et à même générer de l’empathie envers des partisans extrémistes. Pour cela, l’équipe de scénaristes a multiplié les rencontres avec des néo-nazis afin de ne pas offrir un point de vue biaisé et unilatéral. Le développement de la série a ainsi pris plus de cinq ans pour offrir une intrigue réfléchie et impartiale, privilégiant l’humain aux opinions. En Suède, la série n’a pas laissé indifférent, ouvrant au débat et ne pouvant pas plaire à tout le monde, les créatrices ont avoué avoir enregistré un nombre record de plaintes à leur encontre suite à sa diffusion, de la part de partisans d’extrême droite mécontents de la diabolisation effectuée de certains personnages mais aussi de la part d’opposants qui ne trouvent justement pas la série assez dure. Cet effet était recherché car c’est une série qui bouscule, l’équipe de production souhaitait une série qui fasse peur afin de prendre conscience à tout un chacun que même les personnes les plus proches de nous peuvent faire des choses horribles.
Cette série suédoise mêle les ingrédients d’angoisse et de suspens avec brio laissant présager un avenir prometteur. La série n’a pas encore trouvé preneur côté diffusion en France mais ceci ne serait tarder notamment avec Arte qui aurait manifesté son intérêt. Reste à savoir comment la série va se profiler sur le long terme sans s’embourber dans des situations rébarbatives au risque de s’essouffler.