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Sitôt les premiers épisodes, l’idée est claire : Walter White est un homme près à tout pour subvenir aux besoins de sa famille et plus particulièrement de ses enfants. En “bon père” peu lui importent les moyens du moment que le résultat est là. Comme dirait Gus : “A man provides”. Sacré Gus.
Il se lance alors dans la préparation de metamphétamines pour mettre le plus d'argent de possible de côté pour sa descendance. Mais l’aspect financier ne fait pas tout. Walt essaie aussi tant bien que mal de laisser une empreinte positive dans l’esprit de ses enfants : Walt Junior, Holly et bien sûr Jesse.
Breaking Bad offre énormément de matière en terme d’interprétations des relations père-fils et évidemment celle entre Walt et Jesse, par sa complexité, en fait aussi partie. Au début, le jeune Pinkman a tout du gamin qui joue dans la cour des grands et qui se veut plus gros qu’il ne l’est. Son comportement le trahit très souvent : il joue au bâton pendant qu’une fournée se termine, les jeux vidéos (ok, ce n’est pas QUE pour les gosses) et cette scène incroyable où il dîne entre Walt et Skyler. L’enfant au milieu des parents divorcé, faisant tout pour remonter l’ambiance glaciale au dessus de 0°. Walt exerce dès les premiers épisodes une forte influence sur lui, en tant que partenaire puis de plus en plus en tant que père de substitution. Et pendant ce temps, Walter Junior change son nom pour Flynn, s’extirpant ainsi de la présence de son père et fait le présage de l’éclatement de la famille White.
La violence des événements que Walt et Jesse affrontent les lient à un niveau tellement profond qu’ils dépassent la relation “simple” entre Walt Jr. et son père (qui l’espace d’un instant confond son prénom avec celui de Jesse... mais après tout : quel parent n’a jamais inversé le nom de ses enfants ?). Et comme Hank le démontre à Jesse : une grande majorité des actions de "Mr. White" montrent qu'il tient à lui (la cure de désintox', le sauvetage dans la maison des camés...). Le résultat après plus de 4 saisons est malheureusement sans appel : Walt a échoué dans son rôle de père : il est rejeté par ses deux fils malgré tous ses efforts. Aucun ne voulant ni de son argent, ni de sa présence.
La relation entre White et Pinkman tout au long de la série passe par de nombreux états, pas forcément inconciliables. Le père et le fils, le maître et l’élève, le manipulateur et le manipulé, les amis. J’ai voulu croire jusqu’au bout que Walt ne souhaiterait à aucun moment la mort de Jesse. Même quand TOUT allait mal (90% du temps donc). A aucun moment !
Pourtant je ne m’y trompe pas : Walt était bien déterminé à le tuer lui aussi en entrant chez Franck, jusqu’à cet instant où Jesse entre dans la pièce défiguré, à bout, juste un ombre de ce qu'il a été. C’est là que le dernier recoin d’humanité de Walt apparait, ou peut être son instinct ou encore le souvenir d’une promesse faite à son “partenaire”. Il sauve ce qui pour lui représente le dernier membre de sa famille. Il regarde ensuite d’un oeil étrangement bienveillant Jesse étrangler l’ataraxique Todd “Matt Damon” Alquist, qui, malgré son respect bizarre pour les deux cuisiniers, était son parfait antagoniste : clean, sans émotions, sans morale.
Le refus final de Jesse lui permet enfin de se libérer de l’emprise d’Heisenberg et de gagner sa liberté et de voler de ses propres ailes. (Dieu merci).
Vince Gilligan a évoqué dans une interview au Guardian une scène non-tournée du finale de la saison 5. “Elle commence lorsque Walt raccroche le téléphone, après qu’il se soit fait passer pour un reporter du NY Times et obtenu l’adresse de Gretchen et Elliot. Walt se rend compte qu’un gosse le regarde à travers les vitres de la station essence. Il sait : “oh, c’est Heisenberg”. Alors Walt s’approche de lui, le regard menaçant. Ce gamin est un des ses anciens élève comme Jesse Pinkman et c’est pour ça qu’il l’a reconnu. Il le paie et dit “Tu ne veux pas que je revienne, tu ferais mieux de ne pas appeller la police”. en partant il demande alors “Hey ! Quel genre de prof’ j’étais ? Tu te souviens au moins de quelque chose de mes cours de chimie ?”
La réponse vient à la toute fin, lorsque Walt déambule une dernière fois entre les cuves de ce labo, son labo, conçu avec Jesse. L’endroit où il se sentait “vivant”. On ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est un sentiment de fierté qui passe dans ses yeux à mesure qu’il (re)découvre les instruments de son salut et de sa déchéance. La fierté d’avoir fait passer quelque chose. Alors oui, Walt, quelqu’un aura retenu quelque chose de tes cours.