Sex and the Moody

– Coucou !

– Hey salut princesse ! Excuse, j’m’allume une clope parce que ça me donne l’air cool, arf, foutues mentholées… Alors comment va la joie ?

– Ça va. Je me disais que t’avais l’air bien seul au bar, à reluquer les serveuses.

– Et ouais en effet, j’me sens seul. La femme que j’aime m’a jeté.

– Oh la conne ! Pourquoi ?

– Oh parce que je couche avec toutes les femmes que je croise, y compris les lycéennes élevées par une nounou d’enfer.

– Oh t’es un mec, t’as des besoins ! Elle devrait le comprendre.

– Et ouais, c’est ce que je lui ai dit. Mais elle comprend pas. En plus ma fille aussi me fait la gueule.

– Oh pourquoi ?

– Parce que je couche avec toutes les filles que je croise et que j’ai couché avec sa belle-sœur, la lycéenne qui a à peine un an de plus qu’elle.

– Ah laisse-la, c’est l’âge ingrat.

– Je m’inquiète pour elle. Y a un p’tit con de son bahut qui lui tourne autour.

– Ah oui, méfie-toi c’est tous des obsédés à cet âge.

– T’as raison. En plus ce gosse peut pas me blairer depuis que j’ai couché avec sa daronne.

– Ils sont devenus intolérants les jeunes hein ? En plus, ils causent bizarre.

– M’en parle pas. Attends j’me rallume ma clope pour avoir l’air trop cool. Et sinon toi, comment ça va la vie ?

– Moi ? Bof. Je viens d’avoir un môme et je m’ennuie. Alors je traine dans les bars la nuit et je laisse mon mec s’occuper du marmot.

– Ah oui, je connais ça. Les gosses c’est chiant quand c’est petit. C’est ma femme qui s’en occupait pendant que j’allais m’assécher la gorge au whisky. Heureusement, sinon j’aurai pas pu sortir mon livre à la con : « Dieu nous hait tous ».

– Ah c’est toi qui l’a écrit ? Je suis impressionnée.

– Tu l’as lu ?

– Non, j’aime pas trop lire, ça me fait réfléchir. Mais j’ai vu le film. Qu’est-ce que c’était bien !

– Arf, me parle pas de ce navet. Ils ont tout édulcoré. Tellement nul que j’ai foutu mon poing dans la gueule du réalisateur.

– T’as foutu ton poing dans la gueule de David Fincher ?

– Ouais, parce que je suis trop cool.

– Et il t’en as voulu ?

– Il m’a explosé les roubignoles à coup de poing.

– Ah le salaud, c’est mesquin ça.

– Comme tout ce qui se fait chez Miss Hollywood.

– Qu’est ce qui t’a déplu dans le film ?

– Ils ont tout édulcoré, j’t’ai dit. Mon livre était beaucoup plus trash et racoleur tu vois. T’as déjà lu Chuck Palahniuk, le grand naturaliste de ce début de siècle ? Le roman Snuff où il décrit pendant 216 pages une tournante de 600 mecs sur une star du X diffusée à la télé façon Running Man ? Ben mon livre, c’était encore plus trash que ça.

– Oh moi tu sais, le seul que j’arrive à lire c’est Stephen King. T’as lu son dernier pavé de 800 pages ? Il parait qu’il a écrit ça en deux mois.

– Ben voyons, et moi qui arrive à peine à aligner trois phrases sur mon laptop. Ce vieux binoclard écrit toujours des kilomètres de mots sans même les relire. J’te dit pas l’armée de correcteurs derrière. Même George Martin pige pas comment il fait.

– T’écris un truc en ce moment ?

– Ouaip ! Un script pour un actioner débile. Le Flic de Santa Monica, ça s’appelle. Avec une star du rap à l'égo délicat qui se prend pour Axel Foley.

– Tu pourrais trouver mieux comme taf. T’as un agent ?

– Bien sûr ! Mon poto Runkle ! Personne peut l’encadrer, même pas son reflet dans le miroir. Il arrête pas d’aligner les conneries, à ce stade c’est Jacques Villeret dans Le Diner de cons. Il s’est fait filmer en train de se peigner la girafe en plein boulot. Donc ils l’ont lourdé. D’éditeur, il est passé de producteur et acteur de pornos à concessionnaire auto. La dernière fois, il s’est esquinté une couille quand il a voulu se raser sa toison type années disco. Et même une fois, il s’est laissé humilier par une star en se faisant gifler le visage à coup de pénis. Mais bon, c’est mon pote et…

– C’est qui ça, Jacques Villeret ?

– Euh, excuse… Je voulais dire Steve Carell. Le type qui jouait le naze dans Diner for schmucks.

– Ah ouais, qu’est-ce qu’il était marrant ce film !

– Je vois qu’en plus d’avoir un beau boule, t’as bon goût.

– Hihi, j’aime les grandes comédies. Et alors tu disais, ton pote, il a des ennuis ?

– Ouais. Mais toujours moins que moi. En ce moment, ils me font un procès pour détournement de mineur à cause de la belle-fille de mon ex avec qui j’ai couché par accident. Veulent faire de moi le nouveau Polanski qui paraît.

– Ah merde, tu vas aller en taule ?

– Mais non, t’inquiète. J’ai beau faire toutes les conneries imaginables, je m’en tire toujours. En plus, j’connais bien la proc. Enfin, juste depuis hier soir mais j’la connais bien, tu vois. Elle me trouve trop cool.

– C’est vrai que t’as l’air super cool hein ! T’as toujours l’air super cool ! Comment tu fais pour pas t’inquiéter et être super cool ?

– Ben ça ma chérie, c’est un état d’esprit. Il te suffit d’ignorer les emmerdes et le chagrin que tu causes aux gens qui sont importants dans ta vie, de te conduire comme un grand connard égoïste, narcissique et immature, de ne jamais nettoyer ta Porsche, de porter une belle chemise et des ray-ban, de mettre un peu de whisky dans ton café et de t’allumer régulièrement une clope (toussote), surtout quand un jeune que t’as jamais vu vient te raconter qu’il est ton fils. Parce que tu vois, ça fait toujours cool une clope au bec, même dans les moments de détresse.

– T’as raison, ça fait sexy aussi. On dirait un grand gamin attardé aux airs de Fox Mulder.

– Le type des X-Files, t’as tout compris princesse. Dis-donc, t’as prévu quoi là ?

– Je sais pas. Tu veux qu’on aille chez toi ? Ou juste un petit tour aux gogues suffira ?

– Aux gogues ? Tu me prends pour Bukowski ou quoi ? La soirée ne fait que commencer. On va chez moi.

– Super ! Dis, ça t’embête si on passe récupérer une copine au passage ?

– Ça dépend. Elle est coquine ta copine ?

– Bien sûr ! Tu vas voir, dès qu’elle va te voir elle va craquer.

– Je vous fais toutes craquer. On dirait que ma vie est écrite comme une satire bien grasse d’Hollywood, bourrée de situations scabreuses, par un scénariste de films de boules. Je dis deux mots, je fais mon smile de rebelle, mon air nonchalant, j’m’allume une clope et c’est du tout cuit.

– Hihihi ! C’est ça la vie en Californie !

– Tu l’as dit ma chérie ! Allez, on y va. Ah… Attends une seconde, j’m’allume une clope parce que j’suis trop cool.

– Et sexy !

– Si tu le dis. Allez, en piste !