Calls est une proposition novatrice créée par Clémence Setti et Timothée Hochet comptant trois saisons de 10 épisodes, et dont la première saison avait déjà fait sensation à sa sortie en 2017. Il s’agit d’une série en grande partie audio, puisque les épisodes d’une quinzaine de minutes chacun, ne fournissent à l’écran que le nom des personnages, agrémentés de quelques (très brèves) indications supplémentaires sur les lieux, la date,etc. Les épisodes racontent tous plus ou moins une histoire différente dans un contexte et avec des personnages nouveaux à chaque fois ; même si on remarque toutefois au fur et à mesure de la série un léger fil conducteur entre les intrigues. Angoisse, détresse, anxiété et épouvante sont les maîtres mots de la série qui nous happe continuellement l’esprit et contrôle sans cesse les battements de notre cœur. Dès le début de chaque épisode on est assez vite plongé dans l’histoire et on s’attache très facilement aux protagonistes en question.
Mais alors comment se fait-il qu’une série audio et sans image comme Calls nous fasse vivre ce genre d’expérience automatiquement prenante et angoissante, alors que son public est une génération qui a déjà connu ce qui se fait de pire, au cinéma comme à la télévision ? En effet, de l’exorciste jusqu’à Conjuring, en passant par les films gores tels que Saw ou autres, le public cinéphile en 2021 connaît déjà ce qui se fait de plus flippant en termes d’imageries horrifiques, et semble dès lors préparés pour encaisser des scénarios simplistes comme ceux proposés par Calls qui, sur le papier, n’apparaissent pas comme étant fondamentalement horrifiques. Mais la réalité des choses en est pourtant tout autre : Calls fait peur et angoisse au plus profond de nos âmes - allant parfois même jusqu’à mettre à l’amende les longs métrages horrifiques les plus poussés du moment - alors que la série ne comporte pas une seule image...
Naît donc avec cette œuvre un paradoxe et un débat : l’audio ferait-il plus peur que l’image ? Faudrait-il y voir dans ce cas plutôt la conséquence de la lassitude du public en 2021 des dernières productions horrifiques ? Ou bien faudrait-il davantage saluer la qualité du travail de Setti et Hochet pour l’expérience qu’ils offrent aux téléspectateurs sur Canal + ?
Autant d’interrogations et de pistes de réflexion auxquelles nous tenterons de débattre à travers l’analyse d’exemples concrets tirés de la série Calls.
Ce qui fait de Calls une super série angoissante c’est d’une part l’originalité de son concept. La série est principalement audio même si beaucoup d’indications sur l’histoire sont affichées a l’écran. Et ces indications sont tout aussi précieuses, elles jouent énormément dans la compréhension des épisodes : lorsqu’un personnage meurt ou s’endort par exemple, on verra son nom à l’écran disparaître petit à petit - un moyen bien plus clair et efficace que celui de simplement couper le son de son micro. Je dirais donc que la série est en réalité à 80 % Audio et 20 % visuelle.
Mais la série n’a pas à rougir de ces pourcentages, le concept reste complètement novateur et maîtrisé. La force de la série réside dans sa capacité à constamment se renouveler tout en conservant et en respectant le média choisi. L’audio implique le respect de codes et de critères de narration qui lui sont propres et nettement différents de ceux du cinéma ou des séries classiques. Toutefois les créateurs de la série maîtrisent ce média à un tel point qu’ils jouent avec ces codes en s’en servent pour raconter des histoires différentes. Setti et Hochet se sont appropriés le média audio et ça se ressent dans la variété des épisodes proposés. L’audio de pratiquement tous les épisodes est retranscrit depuis un dispositif d’enregistrement différent : ça peut être celui d’un dictaphone, d’une appel téléphonique à la police, d’un talkie-walkie ou encore celui de la boîte noire d’un Boing ! On sent vraiment que les scénaristes se sont creusé la tête pour fournir un travail qui soit le moins redondant possible. Et c’est plus que réussi.
D’autre part, au delà de l’attrait que l’on pourrait avoir pour la série par son aspect original et intriguant, Calls est vraiment prenante car elle joue constamment avec notre perception.
Chaque épisode fonctionne comme un puzzle : on reçoit petit à petit des informations diverses que notre cerveau va traiter et tenter des les mettre dans l’ordre pour qu’on puisse comprendre l’histoire. Il y a dans cette série un vrai aspect ludique et participatif pour le spectateur et c’est ça qui fait que Calls marche. Le téléspectateur, au fur et à mesure que l’épisode avance, se forme une image dans sa tête et se crée au final sa propre histoire. Chacun perçoit je pense les épisodes plus ou moins différemment . Je me rappelle avoir discuté d’un épisode avec mes amis, notamment à propos du physique d’un des personnage; chacun avait sa propre vision du personnage alors que tous avait entendu la même voix.
Par ailleurs, les créateurs se servent aussi de cet aspect participatif pour jouer avec notre perception. Il y a certains épisodes où un véritable retournement de situation s’opère, ce qui va complètement changer le film qu’on se faisait dans notre tête. En contredisant ce qui avait été dit précédemment par les personnages, les scénaristes redéfinissent drastiquement les enjeux de l’histoire, et modifient alors la perception qu’on avait des personnages et de l’intrigue. On est alors en tant que spectateur - et quelque part acteur - de l’épisode en question, d’autant plus happé et intégré à l’histoire lorsque ce genre de coup de théâtre s’opère. L’exemple le plus concret dans la série est je pense l’épisode du clown (ceux qui ont vu la série voient duquel je parle) qui est pour moi le meilleur et le plus flippant épisode de Calls. J’ai vraiment gardé, après le visionnage de cet épisode, les images de l’histoire dans ma tête pendant deux trois jours tellement j’étais plongé dans l’intrigue.
Bref, Calls est pour moi, plus qu’une série, une expérience. Une expérience qui gagne à être connue et saluée par son aspect original et entreprenant ; et qui fonctionne au pinacle de son génie lorsqu’elle joue avec notre perception. Il faut selon moi voir cette série de préférence avec des amis ou des proches, car vous vivrez l’expérience à plusieurs, et ce sera d’autant plus enrichissant pour vous et vos amis. Je vous conseille par ailleurs de prendre le temps de digérer les épisodes: ne les voyez pas tous à la suite comme une série normale, vous risqueriez de passer à côté de la qualité narrative et plastique de certains épisodes. Enfin, si mon argumentation ne vous a pas convaincu, j’abats ma dernière carte en vous listant quelques-uns des acteurs présents dans la série : Vincent Cassel, Mathieu Kassovitz, Ramzy Bedia, François civil, Camille Cottin, Jérôme Niel, Baptiste Lecaplain, Kyan khojandi, Alban Lenoir, Marina Foïs, Laure Calamy, et j’en passe et des meilleurs ...
Bon visionnage !