Je garde un souvenir ébloui et confus de ce chef d'œuvre touffu lu dans ma jeunesse; C'est donc avec une avide curiosité que je me lance dans le visionnage de cette adaptation;
Les deux premiers épisodes bénéficient d'une image superbe, de reconstitutions soignées et d'une atmosphère prenante. Les acteurs sont authentiques et charnels le mélange de scènes concrètes et cruelles tels le combat de coq et de surréalisme : l'apparition récurrente d'un mort..se laisse facilement admettre dans la luxuriance des couleurs et de l'exotisme . Toutefois, La lenteur de l'action ne captive pas en permanence. On verra ce que donne la suite...
Les épisodes continuent à me charmer. Toujours des images poétiques et qui transmettent le surnaturel avec évidence et simplicité. L'arrivée du vieux mage gitan sur sa barque dans la brume alors qu'il est censé revenir de chez les Morts est de toute beauté. L'épisode de la peste du sommeil qui voit toute la population perdre le sommeil puis la mémoire est intense jusqu'à cette image de tout le village est endormi et ronflant avant de revenir à la vie...Les histoires d'amours contrariées sont nimbées d'une force retenue quasi animale .Les jeunes filles aux longues chevelures et aux robes pastel se révèlent des louves aux crocs acérés. Peu à peu la folie, la démence sous toutes ses formes apparait et lorsque le principal protagoniste José Arcadio perd la raison en criant "l'homme n'est pas né pour être éternel mais pour pourrir " c'est d'une grande émotion. L'image de ce colosse ficelé à un arbre et y passant désormais sa vie vous prend aux tripes. La dimension métaphysique s'invite dans la fable du quotidien avec force. En arrivant à la Révolution, la Saga prend son ampleur historique et politique avec vigueur :les engagements les traitrises, les trahisons, la violence, les convictions exaltées sont au rendez-vous. Le réalisateur soigne ses images avec des références évidentes de tableaux de Maitres, une exécution de conservateurs renvoie au célèbre tableau de Goya. On pourra décrier ce souci d'esthétisme, personnellement je l'apprécie : il donne en images ce qui ne peut être rendu du style de Garcia Marquez.
L'Episode révolutionnaire offre de grands moments d'action et de mouvements de foules. La folie de pouvoir qui emporte certains personnages est proprement terrifiante. Depuis la première image on sait que Aureliano Buendia fera face à un peloton d'exécution . Mais lorsque ce moment arrive, il nous réserve encore des surprises. Cette fresque folle riche de personnages fort, étonnants qui répondent à des motivations parfois inexplicables, mélange avec audace les choses de la vie simple, la force ténébreuse d'une sexualité exacerbée, la passion, la violence et l'onirisme le plus poétique. La séquence des obsèques du patriarche dans les rues du village recouvertes de fleurs jaunes tombées en pluie durant la nuit est tout simplement superbe.
Au milieu de toutes ces vicissitudes , morts violentes et autres désastres, la figure d'Ursula, jeune puis vieille , femme solide, courageuse que rien n'effraie et qui tient tête à tous est magnifiquement portée par les deux comédiennes qui l'incarnent.
D'aucuns diront que c'est scolaire, que cela ne montre que les faits et non l'essence du roman...Mais c'est le propre du passage de l'écrit à l'image. Je trouve que cette adaptation (que seul le format série pouvait permettre avec ses 8 heures) est non seulement réussie mais a le grand mérite de rendre une œuvre difficile , accessible à tous. C'est donc un pari largement gagné.