La mini série de six épisode pour une seule saison provoque un suspens immédiat, pas d'autre choix. Tourné dans un pays de l'Est, la mise en scène semble soviétique des années 80, ce qui est fort sympathique d'un véritable retour en arrière du temps du mur de Berlin. L'histoire est parfaitement respectée, la mise en scène grandiose, sobre, on oscille entre du Tarkovsky et cette mièvre propagande des films soviétiques d'une époque révolue qui n'était pas si mauvaise ; la paix sociale, le silence, l'ennui de vivre, la corruption abrutie et lourdote. "Chernobyl" est la confrontation violente avec un monde meilleur dont cette catastrophe est le fruit de l'orgueil du seul responsable initial, Anatoly Dyatlov (Paul Ritter), le vice-ingénieur en chef de la centrale nucléaire de Tchernobyl la nuit de la catastrophe, le 26 avril 1986. Il imposa l'arrêt de toutes les alertes de sécurité dans l'expérimentation de cette centrale dans des tests contre une attaque américaine des centrales nucléaires soviétiques. Il avait perdu son fils par des des rayonnements mortels, et il avait une revanche psychotique à prendre sur ce nucléaire.
Tout commence par les confidences de Valery Legassov (Jared Harris) qui se pend (en 1988) juste après. Il est le rapporteur de la Commission gouvernementale chargée de la gestion de la catastrophe. Le retour vers le drame de l'accident de Tchernobyl commence dans ce premier épisode sobre. Dans le second épisode arrive Boris Shcherbina (Stellan Skarsgárd), vice-président du Conseil des ministres et chargé de vite régler ce qu'il croit n'être qu'un banal accident. En apprenant qu'il a déjà été exposé aux radiations et n'a plus que "5 ans à vivre avant de développer un cancer" par Legassov, il s'effondre et l'humain apparaît derrière l'orgueil de la Nomenklatura soviétique. Le désespoir du 3e épisode cache en réalité toute la souffrance que nous ne faisons que voir. Le tournant du passage dans notre souffrance de spectateur arrive avec le quatrième épisode. Anatoly Dyatlov est reconnu responsable enfin, pour l'histoire il est mort en décembre 1995, dernier miraculé de l'équipe en place. Il refusa toujours de reconnaître ses erreurs. Cela ne déséquilibre pas le récit de la série puisque l'enquête ne commença que bien plus tard. Les acteurs portent leurs souffrance contenues en nous, et la mini série est parfaitement équilibrée, à nous maintenant de vivre ce qui va suivre...
Le drame humain intéresse le réalisateur américain, et il aboutit à l'angoisse de devoir exister dans cet après Tchernobyl, maintenant en mai 2019, certes du devoir du souvenir, mais que le monde et toute vie humaine à jamais sera frappée par les conséquences insurmontables des radiations dont certaines durerons des millions d'années. À Tchernobyl, on a ouvert "l'endroit le plus dangereux de la planète pour toujours". L'effondrement en fin de vie du système soviétique n'est qu'une parenthèse, les radiations sont pour toujours. Un chef d'œuvre terrifiant, réel, incontournable, qu'on devrait montrer dans les écoles pour prendre conscience qu'on a déjà rendu un coin de terre mortel pour toute forme de vie. L'humain a fait un pas en enfer, il l'a apporté sur terre définitivement. Terrifiant.