La beauté du vide horrifique (saison 1)

Un lycéen explose littéralement sans raison, mettant à jour une menace surnaturelle qui plane sur ses autres camarades...

Si vous aviez rêvé de voir la qualité de réalisation des meilleures séries scandinaves au service d'une pure intrigue horrifique, "Cryptid" risque de vous en mettre plein les yeux ! En plus d'offrir une composition perfectionniste des plans, un sens du cadrage qui force le respect ou une photographie magnifique, cette création de Sylvain Runberg (auteur de la BD tirée de la saga "Millennium") et Daniel di Grado s'éloigne de l'habituelle froideur clinique des polars nordiques, fer de lance de leurs productions télévisuelles, pour cette fois s'inscrire dans une palette esthétique colorée, évidemment inspirée par l'univers de son scénariste franco-belge. Et c'est un régal ! "Cryptid" ressemble à un best-of visuel de tout ce que peut et a pu offrir le cinéma d'horreur à ce niveau sans renier son identité suédoise.
Ainsi, au cœur de la rigueur architecturale moderne d'une petite ville et de ses paysages forestiers, peuvent surgir tout aussi bien des séquences d'inspiration giallesque que des relents lovecraftiens, s'inscrivant eux-mêmes au sein d'une espèce d'esprit 80's intemporel par certains stéréotypes utilisés. Bien sûr, ces références esthétiques sont parfois gratuites ou même aberrantes (qui a eu l'idée d'installer autant de néons colorés dans un lycée ?) mais elle donne à la série tout son cachet visuel attractif, tiraillé entre les influences de son pays d'origine et les hommages extérieurs. Dotée également d'une narration qui épouse elle aussi les canons nordiques par son rythme lancinant et ses personnages lycéens que l'on prend le temps d'installer, "Cryptid" avait quasiment tout pour devenir la petite surprise horrifique européenne inattendue de 2020 !

Pour cela, il ne lui manquait qu'une chose : une bonne histoire à la hauteur de ses ambitions artistiques... Et, sur ce plan, autant dire que celle de "Cryptid" va hélas tenir de la douche glacée suédoise.
Partant d'un postulat très similaire au film "Spontaneous" mais traité ici de manière plus dramatique, "Cryptid" va maintenir très longtemps le brouillard sur la nature du danger qui guette ses jeunes héros. Dans un sens, tant mieux, car, comme on l'a dit, la série prend le temps de nous exposer et de nous à attacher à ses protagonistes mais, au fur et à mesure de l'apparition de certains indices et autres phénomènes étranges, on comprend assez vite que "Cryptid" préfère surtout faire durer le mystère afin de masquer la pauvreté de ce qu'il recouvre.
En soi, la menace au cœur des événements était plutôt intéressante sur le papier mais celle-ci est accompagné d'un attirail surnaturel terriblement usé. Visions, culte louche, spectres crachant des hectolitres de mélasse et même un passage -sorti de nulle part- en mode "Fréquence Interdite" vont parsemer une intrigue qui choque particulièrement par l'indigence de sa finalité ou de ses velléités métaphoriques sur la jeunesse. La série aura même beau essayer de faire monter la sauce à partir de la mi-saison, elle se crashera dans l'indifférence provoquée par son dernier épisode faisant le choix de l'anti-spectaculaire (on verra quand même... un peu) mais qui n'a absolument rien à proposer derrière, sinon un épilogue désespérant de facilité pour relancer la machine en vue d'une deuxième saison.

Heureusement pour elle, l'originalité de son format court (10×20 min) rend "Cryptid" loin d'être déplaisante à découvrir mais, une chose est sûre, on retiendra la série avant tout pour ses qualités plastiques.