C'est une belle série audacieuse que propose Arte en ce début d'année. De grâce s'attaque aux effets pervers de la mondialisation et ses nombreux trafics que personne ne semble en mesure de contrôler. Une violence inarrêtable souffle sur toute la ville du Havre et sur l'ensemble de la famille Leprieur dont le patriarche joué par Olivier Gourmet connait un anniversaire rocambolesque.
Si la prémisse est intéressante, son traitement reste un peu en surface. Les épisodes passent vite, les actions se multiplient mais le propos en ressort un brin comprimé et confus : l'homme a créé une machine, un système, une organisation mondiale qui l'écrase en retour et personne ne peut rien face à cela. C'est aussi fataliste qu'onirique et chaque personnage traverse les épreuves à sa manière. Alors oui, on ne s'ennuie pas devant De grâce mais le trop plein d'événements rend l'ensemble brouillon et l'émotion se perd à mesure que la surenchère perdure. Donc oui, je regrette que la série ait cherché à trop en faire, une intrigue de moins et des personnages supprimés auraient permis d'approfondir davantage les principales artères de la série -à savoir le monde des dockers, dont le président du syndicat représente l'ambiguité qui était suffisamment passionnante à mon goût.
Cela dit, la série est portée par un joli casting qui joue justement et par une réalisation sombre et géométrique qui apporte de l'unité à De grâce. Nombre de plans sont magnifiques, sur le port, dans la cité, au coeur de la ville... L'ingéniosité est même poussée au sublime dans le dernier épisode avec une histoire à trois voix et deux plans. Bravo donc au réalisateur Vincent Mael Cardona qui a réussi à mettre en valeur la complexité d'une ville nouvelle, historique, bombardée, reconstruite, coincée entre la terre et la mer, engouffrée dans un monde sans pitié, déjà soulignée par une écriture généreuse. Alors bien qu'il ne soit pas parfait, ce drame familial s'impose comme une jolie surprise avec son esthétisme travaillé, ses conflits infinis et sa noirceur engagée.
Fun fact : les plans filmés sur les docks ont été tournés en Belgique à Anvers, l'équipe n'ayant pas eu le feu vert du Havre. Une info que m'a confiée Baptiste Fillon, scénariste et co-créateur de la série, dans mon podcast Sous-titres que je vous invite à écouter via ce lien.
Dans notre épisode, Baptiste parle de son parcours, son rapport à l'écriture en développant le travail fourni sur De Grâce, les difficultés rencontrées et le stress lié à la sortie imminente de la série.
Bon visionnage à tous et bonne écoute !