J'ai décidé de tout regarder et sachez qu'à ce stade, j'en suis à la saison 5. Cette critique va donc bouger d'ici quelques temps.
Selon moi, Dynasty ne mérite pas le 3.3 de note globale qui lui est attribué ici - mais on est en démocratie ; je me résigne. La série ne mérite pas 10 non plus, et pour beaucoup de raisons. D'abord parce qu'au fil du temps - et cinq saisons me suffisent largement pour réaliser l'ampleur des dégâts - le drame mesuré et légèrement ambitieux des débuts a laissé place à une explosion de rôles, d'intrigues, de personnages qui ne se valent pas autant les uns que les autres. Je pense à l'introduction d'Amanda en saison 5, très maladroite ; la jeune femme est à peine (et heureusement) mentionnée l'année précédente, mais arrive bêtement et ne sert pas à grand chose.
Aussi, et parce que souvent l'équipe de scénaristes a changé, il est difficile de trouver une cohérence dans la manière dont la société américaine de l'époque est dépeinte. Selon les épisodes, on sent les premières palpitations d'un féminisme encore traqué dans l'oeuf - selon d'autres, on se retrouve propulsé au XVIIe siècle, les corsets en moins. Pareil pour la question de l'homosexualité : des moments forts de la saison 1 mettent l'accent sur l'amour dans une relation gay - choix surprenant pour l'époque d'ailleurs - alors que plus tard, Steven, le personnage inverti de la famille, est hétérosexualisé comme si, finalement, ça gênait un peu les chaînes et les investisseurs.
Bref, la série fait des allers-retours. Ceci étant dit, elle a - de mon point de vue - des qualités exquises. Comme le fera son reboot une presque quarantaine d'années plus tard, elle ose tous les délires, les retournements de situation, les twists ; il y a de magnifiques cliffhanger dans Dynastie. Les meilleurs moments surviennent souvent en fin et en début de saison : les procès, les étapes charnières où tout peut basculer. Et tout ça est porté par des personnages sulfureux, caricaturaux à souhaits mais curieusement crédibles pour certains, à un niveau qui peut faire pâlir les productions d'aujourd'hui. De ces personnages (Alexis, Blake et Krystle surtout - mais il y en a d'autres) se dégage une grâce, une classe qui apporte une dimension quasi mythique à certaines scènes. Les "catfights" sont aussi ridicules que délicieux, quand ils viennent faire tomber le masque de ces richous bien rangés. Car c'est ça aussi, Dynastie : montrer la crasse sous le vernis, le vice sous les robes de satin. Tout d'ailleurs est flamboyant - ou presque - dans ce soap : on ne lésine pas sur la musique (le thème principal est repris de 1000 manières, mais il y a d'autres tracks), les décors, etc.
Il y a tous les codes du genre : les effets dramatiques poussifs, les zooms inutiles, les pauses claudicantes. Mais qu'importe, parce que c'est parfaitement assumé, ça se veut grandiloquent, théâtral, saugrenu. Et il y a de quoi se prendre au jeu - du moment qu'on accepte toute cette machinerie. D'ailleurs, même si certaines bifurcations scénaristiques sentent le bricolé (typiquement quand un acteur quitte la série) ou le maladroit (on se serait passés de certains nouveaux personnages), il faut quand même noter que les scénaristes n'hésitent pas à installer des intrigues, des problématiques, des enjeux sur plusieurs épisodes ou plusieurs saisons ; ce qui ne les rend que plus intenses. Là où le reboot propose du pop-corn, où tout est expédié, "Dynasty" première du nom peut très bien ressortir ses cartes de la saison 1 en saison 5, proposer des échos par rapport à l'évolution de ses personnages, etc. On sent qu'à l'époque, il y avait, au-delà de la séduction du public, l'idée de bien faire, de rendre hommage aux histores installées et aux personnages, etc.
En bref, si vous voulez regarder au moins un soap en entier (c'était mon idée), Dynasty n'est pas un mauvais choix. Il a aussi bien toutes les qualités sauvages que les tares risibles du genre. Et c'est cet équilibre qui en fait une oeuvre sinon magistrale, du moins intéressante.
En vrac, des éléments positifs et négatifs selon moi (spoilers ahead) :
Les + en vrac :
- Le personnage d'Alexis, incroyable dans ses moments phares
- La musique, soignée
- Toutes sortes d'idées loufoques (kidnapping de cheval, de bébés, incendies meurtriers, assassins déguisés pour faire porter le chapeau à d'autres, soeurs illégitimes, reconstruction de visage...)
- Parfois, des éclairs de génie dans les intrigues
Les - :
- Certains personnages insupportables et inutiles (Kirby, Amanda...)
- Des problématiques sociales traitées avec inconsistance et maladresse
- Des lenteurs inutiles, surtout en milieu de saison
- Des erreurs scénaristiques un peu grossières
Mise à jour
J'ai désormais terminé toute la série. Malheureusement, les qualités énoncées ci-dessus ne sont plus vraiment tangibles dans les saison 7 à 9. Ce ne sont pas des saisons totalement à jeter - j'ai adoré certaines intrigues, ou certains moments - mais les incohérences, les raccourcis, les bricolages se sont tellement accumulés que le côté "progressif" des premières saisons s'est fortement étiolé. Même si toute série doit composer avec des facteurs externes, "Dynasty" a vraiment morflé, entre les mauvais choix dans la direction du programme, le départ de plusieurs actrices/acteurs, les restrictions budgétaires, les changements hasardeux de scénaristes, etc.
Il suffit de chercher un peu sur Internet pour trouver la liste gigantesque de cohérence entre les saisons à mesure que la série s'allonge. Alors évidemment, c'est un soap, et certaines erreurs sont soit amusantes, soit volontaires, mais là c'est un peu trop. En dehors de ça, la série a toujours son petit charme, ses personnages ont des éclairs de génie jusqu'au bout et je ne regrette pas d'avoir fini les 9 saisons. Pour moi, l'oeuvre en elle-même est toute aussi intéressante que son contexte culturel, logistique, voire politique dans certains cas, donc là je suis servi.