Une adaptation à la hauteur
Le lecteur de la saga monumentale de George R.R. Martin pouvait être sceptique sur l'adaptation d'un univers aussi vaste, sa galerie de personnages riche et complexe et surtout son amoralisme. Je craignais une version outrageusement édulcorée du Trône de Fer, HBO semble pourtant avoir remporté son défi : nul doute que la participation de Martin au tournage a contribué au succès de la série. Les doutes du spectateur s'évaporent dès le générique. Utiliser la carte du monde par laquelle des rouages, symbole des intrigues politiques omniprésentes dans l'œuvre originale, partant de la capitale des Sept Couronnes pour s'étendre sur l'ensemble du continent de Westeros (et même au-delà) est un choix bien plus efficace qu'une présentation des personnages à la Amour Gloire et Beauté qui se serait révélée plus que vomitive...
Le scénario du livre est respecté, bien que condensé dans la mesure où l'intégralité du Trône de Fer n'aurait pas pu être retranscrit en tant que série. Les décors, riches et travaillés, contribuent à l'immersion immédiate du spectateur dans un univers sombre et réaliste, sans tomber dans le déjà vu. La plus grande réussite des décors, à mes yeux, demeurant un style architectural dissemblable pour chacune des grandes maisons, révélateur de leur propre culture. Si Port-Réal est brillant et tape à l'œil à l'image de son monarque débridé, Winterfell, plus sobre, est doté de couleurs plus froides, symbolisant à lui seul le tempérament de la famille Stark.
Le casting des personnages constituait sans nul doute le parti-pris le plus risqué dans le cadre de l'adaptation du Trône de Fer. Pourtant, une fois de plus le pari est réussi, les acteurs se révélant très crédibles dans le rôle de leurs personnages. Notons par exemple Sean Bean, à la hauteur du rôle d'Eddard Stark ou Peter Dinklage, jouant bien évidemment avec brio le cynique Tyrion Lannister. Une mention spéciale doit être accordée à Alfie Allen, dont le jeu d'acteur est plus qu'excellent en tant que Theon Greyjoy. Le choix de "vieillir" certains personnages semblait nécessaire : la nuit de noces entre Daenerys Targaryen, qui a dans le livre treize ans, et Khal Drogo, qui a la trentaine passée, bien que normale à l'époque, aurait pu choquer la bienséance du spectateur moderne. Toutefois cette décision fragilise la psychologie de certains personnages, notamment celle de Jon Snow. Âgé de 14 ans dans le livre, mais jeune adulte dans la série, certains de ses comportements, encore naïfs et enfantins, rendent moins bien sous les traits de Kit Harrington.
L'univers cru et sanglant du Trône de Fer est respecté par la série, tant du point de vue des intrigues que des exécutions, des assassinats, des tortures, des viols et autres scènes de sexe ou simplement de nudité, scènes dans des maisons de plaisir, etc. La série est donc un chef d'œuvre, tant appréciable par les lecteurs qu'à ceux qui découvriront l'univers par la série. Une alternative à la lecture de cette saga passionnante mais colossale est proposée à l'amateur de fantasy dont le simple espace qu'occupe le Trône de Fer sur une étagère pourrait faire hésiter. En espérant cependant que la série encouragera à découvrir les livres, et inversement...
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