Entendant dépoussiérer un genre aussi vieux que le cinéma lui-même et qui n'a eu de cesse de renaître, Godless arrive sur Netflix avec la bonne idée de proposer un western orienté vers les femmes, trop souvent réduites aux rôles de victimes, de putains, ou à l'inverse, de garçons manqués. Il faut bien l'avouer, rares sont les Claudia Cardinale d'Il était une fois dans l'Ouest.
Soit une ville du Far West tout ce qu'il y a de plus typique, peuplée quasi exclusivement de femmes depuis qu'un accident de mine a tué tous les hommes, maris, frères et fils, qui y travaillaient. Le point de départ est intriguant, d'autant que la volonté affichée de signer un western féministe peut amener à questionner la nature réelle de cet accident. Et si les femmes, après avoir tant souffert dans un monde où l'homme fait loi, avaient voulu se débarrasser de leurs mâles ? Et si la folie de cette époque impitoyable avait gagné celles qui, autrefois, incarnaient la raison et la fragilité ? Mais non, que l'on se rassure, les veuves éplorées ne sont bien que des veuves éplorées.
Et c'est là que Godless me dérange. Car outre ses nombreuses qualités (magnifique photographie, interprétation très bonne dans l'ensemble, personnages attachants), la série ne propose jamais de réelle alternative aux poncifs du genre. Les femmes ont toujours besoin des hommes. La seule à s'en démarquer est une lesbienne aux allures de Calamity Jane, vivant en concubinage avec l'ancienne maquerelle devenue maitresse d'école (seul autre personnage féminin réellement indépendant).
Le plus désolant restant le personnage de Michelle Dockery, veuve élevant seule son fils avec sa belle-mère indienne, qui va héberger le véritable héros de la série, un ancien truand au coeur d'or. Comment croire une seule seconde à un renouvellement quelconque lorsque le personnage féminin principal passe son temps à contempler ce bel homme en s'extasiant de tous ses faits et gestes (monsieur dompte les chevaux et apprend au fils à devenir un homme, un vrai), en hésitant à trahir la fidélité promise à feu son époux, le tout avec un regard figé dont l'absence d'expression n'est pas sans rappeler le jeu de Kristen Stewart dans Twilight ?
Ainsi, les dames armées et prêtes à en découdre que l'on voit sur les affiches et dans la bande-annonce, faisant espérer une révolution aussi bien intra qu'extra-diégétique, ne semblent être qu'un féminisme d'apparat. Car si, au cours de la bataille finale, les femmes prennent bien les armes et se défendent tant bien que mal face au terrible gang de Frank Griffin (excellent Jeff Daniels), ce sont bien les hommes qui sont icônisés : le héros en quête de rédemption, le méchant manchot en quête de vengeance biblique, le shérif déchu en quête de reconnaissance, et même le journaliste lâche en quête d'un bon scoop. Et lorsque la série s'achève sur les obsèques du seul homme tombé lors de la bataille (alors que des dizaines de femmes y ont péri), suivies de la cavalcade du héros ami des chevaux dans le soleil couchant, façon lonesome cowboy, vêtu d'un poncho comme Clint Eastwood chez Sergio Leone, on se demande comment ce western, plutôt réussi au demeurant, a pu penser laisser une trace dans l'histoire de la représentation de la femme au cinéma.
Il y a 50 ans, Sergio Leone, encore lui, montrait que les hommes appartenaient au passé, et que l'avenir était destiné aux femmes. Godless, malgré ses belles intentions, se contente de répéter vaguement le même discours, sans avoir le courage d'en prendre la relève.