L'enfer est pavé de bonnes intentions

"Heartstopper" c'est d'abord une bd d'une jeune auteure, Alice Osman, qui prend pour personnages principaux Nick & Charlie, 2 protagonistes issus de son premier roman écrit à l'âge de 17 ans. Le scénario suit la romance entre les deux garçons, très différents l'un de l'autre. La série Netflix en est une adaptation fidèle, presque littérale... et c'est bien là le problème.

"Heartstopper" n'est pas une mauvaise série en soi, elle est même pleine de bonnes intentions. Mais ne dit on pas que l'enfer est pavé de bonnes intentions? Et si je n'irais pas jusqu'à qualifier la série d'enfer, elle est mièvre, inoffensive et bourrée de clichés éculés de la rom com, du genre que même les hétéros ne veulent plus voir. L'ensemble souffre d'une écriture très faible, encore plus dans les dialogues, d'un jeu d'acteurs tout aussi moyen et sur ses 8 épisodes, elle a du mal à proposer autre chose qu'une romance trop classique, qui finit par ronronner sévère faute de vouloir bousculer un peu cette bluette adolescente.

Parce qu'écrire une bd et écrire une série, c'est deux exercices différents. Mais le problème est plus large que ça dans le fond : Alice Osman (qui est aussi au scénario de l'adaptation) oublie (ou ignore) les principes élémentaires d'écriture. "Heartstopper" manque d'antagonisme, d'obstacles, de ce qu'on appelle le "drama". Parce que le bonheur, c'est bien mais c'est chiant. Et la romance n'en est jamais plus belle que lorsque les personnages en chient.

Oh bien sûr la série essaie de temps à autre, de mettre ses personnages en difficultés, elle évoque des sujets d'actualité, elle y parle d'homophobie, des conséquences du coming out, de transidentité et elle réussit de temps à autre à trouver une certaine justesse. Mais elle le fait à chaque fois de façon trop didactique. Ce qui laisse toujours cette impression mitigée que même lorsqu'elle veut bien faire, l'écriture d'Alice Osman est à côté de la plaque.

Les personnages secondaires peinent à exister. Le changement de sexe de Elle aurait pu être une intrigue secondaire intéressante mais le sujet n'est jamais vraiment évoqué, tout simplement parce que l'auteur n'y connait rien au sujet et que l'élément est simplement là pour remplir un peu le vide. Sa relation avec Tao est sympa mais finit vite par être limitée et tourne en rond, à l'image de la série. Et Isaac est inexistant.

Quant aux amis de Nick, ils se contentent d'être des caricatures de sportifs homophobes sans jamais exister par eux mêmes.

On pourra quand même parler, du côté des points positifs, de la présence d'Olivia Coleman, seule vraie actrice de ce gâchis et du jeune débutant Joe Locke qui ne s'en sort pas trop mal, en tout cas mieux que son comparse Kit Connor, peu convainquant dans le rôle de Nick Nelson.

En fait Heartstopper donne l'impression de lire une fan fic écrite par une ado de 14 ans, ce qui somme toute n'est pas loin de la vérité (et encore, j'ai lu des fan fic bien mieux écrit que ça). Une romance adolescente et LGBT pas totalement honteuse mais qui parvient difficilement à convaincre si vous avez plus de 13 ans. Dans un genre similaire, Young Royals, dégainée par la plateforme l'été dernier, était largement au dessus dans tous les domaines. D'ailleurs, la série semble parfois en reprendre certaines scènes... pour les noyer dans la guimauve.

(Les animations pour dynamiser la mise en scène, très pauvres, semblent aussi plus ou moins emprunter à une autre série ado britannique, "My Mad Fat Diary", elle aussi beaucoup plus réussie dans un genre un peu différent et qui utilisait le procédé de façon bien plus intelligente).

Bref, malgré sa popularité fulgurante, Heartstopper est une énième prod Netflix fadasse et fainéante, qu'il aurait fallu confier à un(e) vrai(e) scénariste. Ça n'aura pas de mal à plaire aux abonnés, habitués à la médiocrité de la plateforme, mais les autres attendront sagement la saison 2 des aventures de Willem et Simon en Suède pour satisfaire leur envie de romance, sans pour autant faire exploser leur taux de glucose.