Ben Larson travaille pour Spiga, une multinationale de l’alimentation. En apparence, c’est un cadre ambitieux et doué. Mais, derrière Ben Larson, il y a Aaron Sloane, ancien réfugié climatique qui a usurpé l’identité d’un membre de l’élite pour retrouver celle qui l’aime. On est en 2074, les corporations dominent un monde ravagé par les crises et le changement climatique, bienvenue dans Incorporated!
Incorporated m’a été vendue par certains de mes contacts/amis sur les réseaux sociaux comme “la série la plus cyberpunk du moment” – je paraphrase. C’était avant la sortie de Altered Carbon et, du coup, la comparaison ne tient peut-être plus, mais d’une certaine manière, c’est assez vrai.
Elle décrit un avenir où le changement climatique a provoqué une montée des eaux catastrophiques, où les cultures sont ravagées par des sécheresses endémiques. Le monde est divisé en “green zones”, petit paradis façon suburbania contrôlé par la dictature bienveillante des corporations, et des “red zones” surpeuplées et surpolluées, sous la coupe des gangs. Du classique; j’y reviendrai.
Le protagoniste est donc un réfugié climatique qui a fui l’engloutissement de Miami et qui a survécu aux camps, principalement en arnaquant tout le monde. Lorsque la fille qu’il aime, Elena, se résout à intégrer un bordel de luxe pour essayer de nourrir sa famille, il décide d’aller l’en sortir. Pour cela, il change d’identité et se fait engager chez Spiga, la corporation qui possède le bordel en question.
Le plus gros des dix épisodes de la série se concentre donc sur Ben/Aaron, sur le double jeu qu’il mène – d’autant qu’il développe, pour le contre-espionnage de Spiga, une machine capable de lire les souvenirs. Assez rapidement, la question se pose: est-il vraiment prêt à toutes les bassesses pour arriver à sauver Elena?
Au vu des dix épisodes, on en vient à regretter que Incorporated ait été annulée après cette unique saison. L’ambiance étouffante est bien rendue, entre les magouilles personnelles et professionnelles des divers protagonistes, sur fond de guerre sans merci entre corporations. Les personnages sont attachants et la conclusion de la saison ouvre des portes intéressantes.
Bien évidemment, le contexte sert à une critique sociale pas piquée des hannetons – et pas toujours très fine. La publicité – en mandarin – pour l’association humanitaire “Feed America” est assez typique.
Il y a également une scène très impressionnante où, en l’espace de quelques secondes, un personnage passe de “avec cette invention, nous pourrions sauver le monde” à l’ordre de détruire ladite invention pour éviter qu’elle ne tombe entre les mains de la corporation adverse. Sauver la corpo avant de sauver le monde.
Néanmoins, on voit assez rapidement que le paradis corporatiste n’en est un que pour ceux qui suivent les règles sans états d’âme – une population d’Homo œconomicus parfaits, en quelque sorte. Bon, je suis aussi en train de lire un livre sur un sujet connexe (L’Entraide, l’autre loi de la jungle; je vous en reparlerai) et avec cette vision du monde, on est quand même en plein dans les fantasmes libéraux.
C’est le principal reproche que je ferais à Incorporated: les clichés de la “red zone” sans foi ni loi sont moins crédibles que le monde des corpos – ultra-contrôlé, mais qui ne met pas de micros chez les suspects (ni autour de la machine à café, qui est tout de même le lieu numéro un de ragots dans une entreprise).
Malgré tout, Incorporated est une série de science-fiction intéressante, qui part sur des concepts rarement exploités et qui, somme toute, en tire une histoire bien foutue, avec une blinde d’idées pour les amateurs de cyberpunk. L’avantage de cette annulation précoce, c’est que ça ne fait que dix fois quarante-cinq minutes à regarder.
*Article précédemment publié sur https://alias.erdorin.org *