Ou comment un bon sujet peut être maltraité

Adam vit une vie heureuse et sans problèmes, aux côtés de sa femme et de ses fils… jusqu’au jour où une inconnue débarque et lui révèle un secret troublant sur Corinne, sa femme. Cette dernière, peu après avoir reconnu ce secret, disparaît. Que se passe-t-il, bon sang de bonsoir ?

Pardon pour l’exclamation de pacotille mais c’est l’impression que j’ai, chaque fois que je dois présenter un synopsis… qui frôle le ridicule. Je n’ai jamais lu Harlan Coben, mais j’ai vu deux ou trois des adaptations sérielles/cinématographiques de son œuvre. Ne le dis à Personne, je crois, Safe et L’Accident avec Bruno Solo. Le premier, adaptation française, est excellent ! Allez le voir si ce n’est déjà fait. Safe a le même problème qu’Intimidation, aussi je le laisse de côté, nous en parlerons plus tard. Quant à L’Accident, autre production française, il a un problème lié à l’adaptation : le bouquin se situe dans une petite ville de la côté est des Etats-Unis, la série en France. Une petite ville aux Etats-Unis veut dire 30 000 âmes. Il est alors crédible que tout le monde ne se connaisse pas et que personne ne remarque une boutique en faillite qui vend des « vêtements de luxe » ou une famille qui vit au-dessus de leurs moyens, alors que la femme est au foyer et le mari est un simple policier. En France, on parlerait plutôt de mille personnes maximum. C'est alors un comble que personne n’est remarqué un trafic de contrefaçon plus tôt, ou que PERSONNE n’ait été la cible de rumeurs troublantes, à cause de son train-de-vie, surtout si la ville est en faillite.
Mais revenons à Intimidation, ou la preuve qu’un bon sujet ne veut pas dire un bon livre/film (bon, d’accord, c’est une série). Car, si on commence très fort avec l’annonce troublante que fait cette inconnue (en gros, Corinne aurait simulé une grossesse tardive qui se serait transformée en fausse couche, pour relancer son mariage), et qu’on enchaîne avec la découverte d’un alpaga décapité et d’un gamin retrouvé nu dans les bois, la série va bientôt se perdre dans un gloubi-boulga de mystères inconsistants et dont la résolution frôle la consternation, quand ce n’est pas le désintérêt ou le ridicule. Et ce, malgré un réseau de maîtres chanteurs, un flic pourri, un père aux noirs secrets et une histoire de détournement de fonds, en prime !
C’est bien simple, le problème vient directement de Coben. Ce dernier, bien que très bon pour faire des mystères, élargit généralement son intrigue de plusieurs sous-intrigues tellement alambiquées… que la conclusion semble souvent précipitée et inintéressante. C’est le cas de Safe où on oscillait entre la disparition d’une adolescente en crise après la mort de sa mère et l’assassinat de son petit ami au cours d’une fête, dont le cadavre va être soigneusement caché pendant plusieurs jours par une famille par crainte que la police les accuse du meurtre. A cela s’ajoute un incendie survenu des années plus tôt et un dangereux criminel qui opère dans l’ombre. Et bien, tout cela, en plus d’être d’un prévisible dans ses recoupements, mène à une conclusion décevante. Pire, je crois que toute l’intrigue concernant le cadavre caché m’avait sérieusement tapée sur les nerfs, tant je le trouvais invraisemblable.
Pourquoi ai-je alors regardé Intimidation ? Parce que la bande annonce donnait envie et que j’ai découvert tardivement que c’était de Coben. J’ai aussi eu le maigre espoir de me réconcilier avec ses mystères mais le visionnage est devenu une torture au fur et à mesure. Pour vous dire, l’intrigue se complexifie tellement qu’on oublie le problème principal, à savoir, la disparition de Corinne, juste après avoir avoué avoir simulé une grossesse et qu’il y a so much more you don’t know (dixit la série, hein). Finalement, on se focalise tellement sur l’inconnue (plus intéressante puisque quasiment tous les mystères ont un lien avec elle) que les quinze dernières minutes de la série sont gâchées avec une révélation abracadabrante-qui-n’en-est-pas-vraiment-une et une conclusion abracadabrante-qui-n’en-est-pas-vraiment-une-non-plus. Du coup, on n’en a rien à faire qu’elle soit morte (parce que, oui, c’était à moitié clair mais il semblerait qu’elle n’avait pas simplement fugué) et rien à faire de tous les autres secrets dont un qui était quand même important puisqu’il expliquait les motivations de son assassin. Pire ! Adam devait être fortement suspecté d’avoir tué sa femme, sauf que ça a été tellement mal amené que ça en devient grotesque !
A cela s’ajoute que, là où les regroupements, dans Safe, étaient tellement visibles que ça en devenait ridicule (je crois que j’ai deviné la conclusion trois épisodes avant la fin), dans Intimidation, c’est le contraire. Les regroupements sont mal amenés et je suis sortie avec trois interrogations principales concernant l’inconnue (à ne pas lire si vous ne voulez pas être spoilé) :

Oh, et vraiment, que Coben arrête de faire des intrigues autour des jeunes dans ses livres. Il est visiblement trop « dépassé » par les nouvelles générations. Dans Safe, les comportements des adolescents m’énervaient déjà (notamment parce que j’avais le même âge qu’eux), tant ils étaient stupides et absolument pas réalistes. Par exemple, une nana découvrait après une fête bien arrosée un cadavre dans sa piscine et sa première réaction était de le cacher dans le congélo, alors que RIEN n’indiquait un meurtre (d’ailleurs pourquoi le cacher dans le congélateur, même si c’était un meurtre ? La gamine avait pour seule responsabilité d’être l’organisatrice d’une fête où un peu de drogue avait circulé sans qu’elle soit capable de gérer ça). Dans Intimidation, c’est pire ! Donc, Harlan Coben comprend peut-être que les jeunes fonctionnent aujourd’hui à base de jeux vidéo, de sexe, de fêtes à la limite de l’orgie, où beaucoup d’alcool et parfois de la drogue circulent, mais il ne comprend pourquoi ça fonctionne comme ça et tous ses adolescents deviennent des espèces de cons immatures et inconsistants !
Dernière remarque et avis aux apprentis écrivains : si vous écrivez des romans policiers, ne faites jamais du coupable le premier ou deuxième gars que votre protagoniste croise/à qui il se confie. C’est énervant car ça devient un ressort scénaristique tellement populaire que je devine la fin très rapidement. Evidemment que c’est probablement le premier gars qui te propose son aide qui fait un coupable idéal ! C’est le premier à orienter ton enquête ! Dans la réalité, le dernier gars qui a croisé la victime ou celui qui essaye toujours de participer est TOUJOURS le premier suspect !
Donc si vous voulez créer de l’originalité, développer les sous-intrigues, etc. ne concluez pas votre livre par « en fait, y’avait pas besoin d’aller aussi loin parce que c’était le copain/voisin/allié du protagoniste qui avait fait le coup ».

PS : le titre original est The Stranger ! Niveau traduction pourrie, vous croyez qu’on se fout de notre tête à quel point ? Surtout que, du coup, ça a beaucoup moins de rapport que « l’Etranger/ère ».
Re-PS : je crois que j’ai aussi vu Une Chance de Trop avec Alexandra Lamy. C’était bien, mais sans plus.