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Ça commence très gaiement, évidemment. On rit, on s’amuse, on danse tous les soirs, on baise tous les soirs, on découvre la vie et on goûte à l’indépendance. On est en 1981, on est à Londres...
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le 29 mars 2021
20 j'aime
It's A Sin nous embarque dans l'Angleterre des années 80, ravagées par le sida, l'homophobie et la politique de droite de Thatcher. Des jeunes arrivent à Londres, prêts à profiter des joies de la capitale et de leur homosexualité refoulée (non déployée) dans les petites villes d'où ils proviennent. Ils sont cinq, vont bientôt devenir colocs et partager leurs joies et leurs galères.
Ritchie, Ash, Colin, Roscoe and Jill. Acteur et actrice en devenir, manager adjoint d'un bar, employé bien comme il faut, professeur, ils ont des personnalités différentes mais partagent la même envie d'être ensemble et de s'amuser. Leur monde est retranscrit "bien comme il faut", sans être trop pop ou 'artificiel' comme chez Ryan Murphy (Pose, cousine américaine d'It's A Sin, dont voici ma critique : https://www.senscritique.com/serie/Pose/critique/239698212) ou dans Sex Education, à laquelle on pense via le personnage haut-en-couleur de Roscoe. On ne cherche pas le beau plan, la réalisation parfaite, la mise en image est fonctionnelle et efficace. Ici, on dépeint une fresque londonienne "réaliste", fraîche, légère avant que l'épidémie ne progresse et que les amis disparaissent. Le casting est à l'image de l'allure générale de la série, neuf et plein d'allant, rempli de têtes qui captent l'attention et de têtes on ne peut plus "normales", donnant un cachet "vie réelle".
Les 80's transparaissent par la musique, les costumes et les décors, mais ce n'est pas le point principal du show. Cette décennie se révèle par la manière dont on considérait ces hommes qu'on laissa mourir car homosexuels, comme atteints d'une double maladie, ces hommes couverts de mépris, de haine et du rejet. C'était une punition divine, entendait-on, ce qui devait arriver à des êtres qui ne suivaient pas le droit chemin.
On ne peut nier ce feeling bizarre quand on regarde la série de voir à quel point, toutes proportions gardées, elle évoque la situation épidémique du moment : on évite les "contagieux", qui meurent isolés dans une triste chambre d'hôpital grise, on porte un masque, toutes les conversations ne parlent que de cela, on dit tout et son contraire à propos du virus, on évoque toute sorte d'ingrédients permettant d'éviter d'être malade (boire de l'huile de batterie, etc.). On apprend quels étaient les effets secondaires du sida, comment le corps changeait, l'esprit oubliait, et comment ces jeunes crevaient l'un après l'autre. L'énergie a tenté de trouver un remède ou des vaccins, ou même à informer le public des conséquences d'une telle maladie n'était cependant pas là même qu'aujourd'hui. Les garçons blancs hétérosexuels n'étaient pas touchés, pourquoi s'inquiéter ?
It's A Sin déborde d'énergie et fonce à travers la décennie fantasmée, vivant à fond ces moments de folie, de sexe et de sperme (même si la série reste pudique), d'envie de l'autre et de corps en feu, de débordements. Colin (Callum Scott Howells), personnage mystérieux et taiseux, est d'abord le garçon avec les yeux de qui le spectateur découvre ce petit monde, avant que l'énergique Jill (Lydia West, d'un naturel bluffant) et son amour débordant n'intervienne pour panser les blessures et balayer les larmes. Roscoe (Omari Douglas) vit sa vie et dandine ses fesses dans les couloirs de ses différentes conquêtes pendant que Ritchie (Olly Alexander), qui découvre la réalité du métier d'acteur et les joies du sexe, adore parler de lui. Ash (Nathaniel Curtis) est grand et en impose, un rock mature et amoureux (de Ritchie).
Toujours aller de l'avant, même quand la maladie se rapproche, se transforme de rumeur en pesante vérité, tue des connaissances, des proches, des amis. Le ton se fait plus grave, l'émotion touche plus profondément, on ne peut plus faire l'autruche.
Avoir le sida, c'était une condamnation à mort. La famille est prévenue ou non, certains malades meurent seuls, dans leur chambre d'hôpital, comme des lépreux. Des proches apprennent au dernier moment ce qu'ils s'étaient toujours cachés, ce qui donne lieu au dernier épisode à un moment intense et un maelstrom de sentiments (le ressentiment, la jalousie, la haine) déversés dans un couloir, la caméra suivant ces personnages/actrices, comme scotchée par ce qu'il se passe. Ce sont les modèles d'une vie sans joie et sans plaisir qui ont tué ces hommes. C'est l'absence d'amour et de compassion créant des ravages dans la cellule familiale et par là-même, dans la société toute entière.
"It was so much fun", pas de regrets dans la voix, pour celui qui meurt, mais des souvenirs de ces étreintes, de ces orgasmes, de ces sourires, de ces regards. Pas de regrets, mais la certitude d'avoir vécu.
Créée
le 20 mars 2021
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