Peu d’œuvres télévisuelles vous happent dans leur monde dès les premiers instants. John from Cincinnati en fait partie, en à peine une demi-heure de temps, la sérénité qui s’en dégage vous submerge de manière instantanée, comme pour vous rassurer. Ce voyage que vous venez d’initier, et que vous pressentez déjà comme une aventure trop courte, sera pareil à une bulle de tranquillité, une grosse dose de plénitude rythmée par le bruit des vagues et le jeu inspiré d’une ribambelle de têtes connues placées dans des rôles à contre emploi.
Au risque de se mettre à dos tous les esprits cartésiens qui tenteront leur show, David Milch et Kem Nunn optent pour le mystère, posant, tout au long des 10 épisodes, un certains nombres de questions qui ne trouveront jamais réponses. Qui est ce personnage qui se fait appeler John ? Ses pouvoirs sont-il réels ou le fruit de l’imagination des âmes errantes qu’il fait se rencontrer ? Pourquoi Mitch Yost, ex-surfeur célèbre, asocial et têtu, se met-il soudainement à léviter, véritable moine tibétain qui aurait atteint l’illumination tout en ayant séché son apprentissage ? Il faudra se lever bien tôt pour se risquer à imaginer une hypothèse satisfaisante qui solutionnerait le tout.
Et finalement, est-ce le plus important ? Ou l’intérêt est-il ailleurs, dans cette harmonie chaotique qui naît de la rencontre de personnalités improbables par exemple. John from Cincinnati est une expérience singulière proposée par HBO, comme avait pu l’être Carnivale. Deux séries qui ont connu le même destin, à savoir une annulation précoce. Si dans le cas de la seconde, l’annulation semblait une hérésie tant il restait à faire, difficile de savoir si dans le cas présent, elle n’a pas plutôt été une bénédiction, les derniers épisodes étant un peu moins réussis que les premiers. Est-ce la précipitation du final qui en est la cause, ou le manque d’idées pour renouveler l’univers si prometteur qui était posé dès le premier épisode, toujours est-il qu’on finit le voyage un peu circonspect, content qu’il ne dure pas un peu plus, sans pour autant l’avoir trouvé manqué, bien au contraire.
Comme si tout avait été dit et tenté. Alors on se remémore chaque épisode, leurs idées farfelues comme les passages un peu moins réussis, et on en retient le meilleur : une galerie de personnages vraiment touchants ainsi que le mystérieux John, porté par un illustre inconnu qui lui donne une belle dimension. Quant aux autres comédiens qui l’entourent, c’est un défilé d’anciennes bobines qu’on retrouve pendant quelques heures avec le sourire, de l’ancien beau gosse qui faisait craquer les cœurs dans Berverly Hills devenu croqueur de talents, à l’indomptable Al Bundy, sans ses deux enfants, mais toujours aussi délicieusement fêlé.