Kurt Seyit et Şura par Usdina

Quand j'ai aperçu l'affiche de la série sur netflix en cette fin de novembre, je me suis dit : "Chic ! Voilà une bonne petite romance sur fond historique qui va occuper mon hiver." L'histoire avait l'air palpitante, le contexte passionnant, alors pourquoi se priver ?

Mais, si j'avais prêté plus attention à l'affiche justement, j'aurais fini par remarquer que ça sentait la savonette bon marché. Regardez les amoureux sur le cheval blanc, le regard ardent et la coiffure trop impeccable du héros, et l'air revanchard emprunté du méchant à moustache ! Tout était prophétique si j'avais su voir les signes !!!

De fait, Kurt Seyit ve Sura n'est en fait que l'enfant pauvre des feux de l'amour et d'un Arlequin. Ce n'est pas transcendant, le contexte historique n'est qu'une mince toile de fond, la bande son une infatigable répétition des mêmes morceaux mielleux et les personnages, surjoués, sont ballottés dans des intrigues tirées par les cheveux qui se nouent, se défont, s'enlisent dans un long récit uniquement constitué de coups de théâtre forcés.

Dans la série, tout n'est que secrets et non-dits , souvent absurdes ou non à propos, ce qui conduit irrémédiablement à créer des embrouilles de malade dont on ne voit pas l'issue à part une bonne discussion sincère autour d'un café, ce qui n'arrive -partiellement- par ailleurs que tous les quinze épisodes pour relancer le feuilleton. " Quoiiiii ??? Petrooo t'a fait ça ? olalaa du coup je comprends mieux, c'est vraiment un connard ! Bon, je vais continuer à être ami avec Petro quand même et à te cacher tout ce qu'il me dira ou fera pendant dix plombes car même si je ne devrais pas avoir confiance en lui, j'aime bien qu'il nous manipule tous hihihi".

Tout ceci engendre nécessairement du dépit, de la rage et de la frustration pour la spectatrice que je suis. Tout le long de la série, je crois que j'ai du dire une centaine de fois : Mais pourquoi sont-ils aussi cons c'est pas possible ? Car oui, malgré ce décadent scénario et ces acteurs d'opérette que je critique, j'ai suivi les 46 épisodes de la série, soit 46h de ma vie sans pouvoir m'en détacher.

Cette série tragico-nanardesque est terriblement addictive quoi que je puisse en dire. C'est un fait, j'ai aimé regarder cette série, le coeur a ses raisons que la raison ignore comme dit l'autre.
Les personnages sont attachants de naïveté et désuétude, on finirait presque par les aimer ! J'ai par exemple adoré l'espiègle Sabri de l'hôtel Chéref ou apprécié le caractère romantique de la loyale Güzide tout comme celui de la mère de Murvet qui n'est en réalité qu'une harpie au coeur tendre.

Kurt Seyit est un homme magnifique qu'on ne se lasse pas de regarder -même quand arrivé en Turquie il se met à porter une immonde moustache-. Quant à Sura, ne vous étonnez pas si elle agace au début, elle finira heureusement par se déniaiser au fil des épisodes. J'ai fini par avoir beaucoup de compassion pour elle.

La langue turque est très agréable à écouter tout comme il est intéressant d'en découvrir par bribes la culture et les intrigues, bien que faiblardes, finissent par donner ce rythme familier qui nous permet de suivre nos héros de pacotille avec un plaisir coupable.

De plus, j'ai fini par apprendre à la moitié des épisodes que cette série était tirée d'un roman et d'une histoire vraie. C'est en fait la petite fille de Kurt Seyit et de Murvet qui a décidé d'écrire l'histoire de son grand-père. Vous pouvez trouver leurs photos sur internet ainsi que certaines de leurs lettres, lesquelles sont lues par extraits dans la série. Cet aspect de la série est anecdotique, certes, mais cela apporte à mon sens un charme en plus puisqu'au final on comprend que l'intérêt du roman puis de la série n'était pas de dépeindre une période de l'Histoire mais de partager une histoire personnelle.

En somme, je me vois mal conseiller cette série car d'un point de vue raisonnable, c'est tout pourri. Néanmoins, si vous êtes du genre sentimental qui apprécie l'exotisme et les séries B, vous risquez d'adorer, alors foncez et bon voyage !