Imaginez, un peu moins de 10 ans après avoir vu une série qui vous a tant marqué (dans votre adolescence en plus), vous découvrez qu’un « remake », ou plutôt une nouvelle adaptation de cette série, a été fait dans le plus grand des secrets ?

Ma première réaction ? Regarder l’affiche principale, les images, les bandes-annonces, les extraits, le casting… Et soudain, je me souviens du visionnage de cette oeuvre qui m’a tant marquée. Et mieux encore ? Parvenir à trouver la plateforme de diffusion et le lien afin de regarder l’intégrité de cette nouvelle production.

Alors, je vais quand même honnête : j’étais quelque peu au courant (depuis un bon moment) qu’une adaptation turque allait voir le jour. En effet, le projet a été annoncé en 2021 (dont le tournage a eu lieu cette même année), mais c’est seulement en janvier 2024 que la série est sortie.

J’ai donc eu le plaisir de visionner "Kurtuluş" Lisesi sur la plateforme turque GAIN.tv. Par chance, mon ordinateur est parvenu à traduire en français le texte du site… et les sous-titres des 13 épisodes ! Alors, connaissant l’histoire, je savais où le récit allait me mener, mais c’est toujours agréable d’avoir les sous-titres d’une langue qu’on ne comprend pas (surtout que, surprise ! Il y a des différences avec le manga et le drama !). Donc, tel un marathon, j’ai enchaîné les épisodes (tous sont sortis le même jour, de la manière que les séries Netflix). Donc gros bigwatch. Et à la fin, je me suis dit : mes dernières critiques datent de 2016, et si je recommençais en faisant une sur cette série turque, méconnu du public français, tout en faisant un « hommage » à ma critique de la version japonaise de 2013, afin de me rappeler de bons souvenirs ?

Alors qu’est-ce que je vais faire ? Eh bien je vais l’écrire cette critique, non seulement en tant qu’oeuvre qui se suffit à elle-même, mais aussi en tant qu’adaptation.

Donc alors, "Kurtuluş" Lisesi (« Délivrance du lycée » en français), qu’est-ce que c’est ? C’est une adaptation turque du manga Limit de la mangaka japonaise Keiko Suenobu (connu également pour Life, manga aussi adaptée en drama, et Vitamine, un manga indépendant en 1 tome), qui avait été adapté au japon en 2013 sous le nom de Rimitto. Pour la faire simple : des lycéens, en route pour un séjour en camping scolaire, voient leur vie basculer. Le bus les transportant subit un accident grave et seulement 5 filles survivent. Toutes très différentes les unes des autres, elles devront faire face aux dangers de la nature mais aussi à leurs démons intérieurs, tout en attendant les secours qui tardent à arriver.

Petit aparté : je n’y connais en rien aux productions turques dans le monde du cinéma ; je n’ai vu qu’un film de ce pays (à savoir Mustang, sortie en 2015, qui raconte l’histoire de 5 jeunes filles… quelle coïncidence !), alors je ne sais pas s’ils ont des façons traditionnelles de filmer ou de traiter une histoire et les personnages avec des techniques spécifiques.

Mais peu importe, car cela ne m’a pas empêché d’apprécier grandement le visionnage.


Histoire / Scénario

Au niveau du scénario, la série est, à l’instar du manga et du drama, scindé en deux : il y a deux situations principales qui se passent en même temps, une qui se centre sur les filles qui essayent de survivre, et une autre sur les personnages extérieurs tels que les parents et les professeurs qui essayent de gérer le problème. La série se permet même d’aller plus loin. Là où il y a avait 12 épisodes dans le drama, la série turque en bénéficie de 13. En effet, l’épisode 10 propose une péripétie assez inédite : dans une ambiance thriller, proche du film d’horreur, il met en scène une vraie chasse à l’homme (ou en l’occurrence une chasse aux femmes) dans une forêt sombre enveloppée de brouillard.


La série en tant que telle

La réalisation est propre, assez léchée, avec des effets fish-eye par moments. Le rythme des épisodes est bon, les péripéties s’enchaînent naturellement et avec facilité. Concernant l’aspect graphique, notamment la fameuse scène de « l’après accident » du bus, les morts et les blessures sont montrées, selon moi, de manière plutôt graphique et excessive. Sans tomber non plus dans le gore, la série ne se prive néanmoins pas de montrer les corps ensanglantés éparpillés autour du bus. Sans oublier les blessures sur les corps, les cous ensanglantés… Pas mal.

Comme défauts ? Je dirais parfois un sur-jeu venant de certains acteurs (notamment quand ils doivent crier pour exprimer la peur ou la surprise face à une découverte effroyable), une bande-son assez oubliable et quelques scènes un peu maladroites où les discussions entre les personnages trainent trop ou manquent de réalisme.


La série en tant qu’adaptation

Même si la série se borne à chaque début d’épisode de nous faire rentrer dans la tête que c’est une adaptation du manga de Keiko Suenobu, on comprend rapidement, au fil des épisodes, qu’elle se rapproche davantage du drama : même structure narrative, même fin d’épisode, mêmes idées nouvelles (notamment celle où chaque épisode s’ouvre sur l’un des personnages principaux, faisant un monologue sur le monde et sur son point de vue de la vie).

Les scènes sont identiques :

Nehir/Konno dans la piscine, Defne/Usui sur les rails où un train s’apprête à la percuter… On peut également citer les intrigues similaires non présentes dans le manga : la compagnie de bus, le professeur qui culpabilise pour n’avoir pas bien fait son travail… Ouais, les scénaristes ont regardé le drama, pour sûr.

Il y a toujours un côté assez mélodramatique, avec des ralentis et des gros plans sur des visages tristes et désespérés, sans compter la musique qui va avec. Voilà, on a un côté très mélo.


Néanmoins, il y a pas mal de changements intéressants :

Au lieu que ce soit un feu qui détruit les provisions, c’est un animal sauvage qui les mange. Au lieu d’une alarme anti-agression, Defne porte un sifflet autour du cou.

Dans le monde extérieur, on suit une avocate et non une journaliste : cette avocate, du nom de Deniz, contrairement à la journaliste (qui dans le manga/drama est la grande soeur du personnage principal Konno, mais absente dans l’adaptation russe), joue un rôle plus approfondi : elle est là pour dénoncer le mauvais travail de l’entreprise des bus et va au contact des familles des victimes pour les soutenir ; le scénario nous fait demander si elle fait cela par ambition (afin d’avoir une promotion), ou bien si elle souhaite vraiment aider. Dans le drama, le professeur principal participait aux recherches de sauvetage ; ici, c’est le père de l’héroïne qui se porte volontaire. On peut aussi citer l’ajout de l’événement des baies empoisonnées, l’investigation de la police qui dure plus longtemps (notamment à cause des conditions météorologiques qui ralentissent les recherches) et le fait qu’elle trouve le bus et peut ainsi connaître avec exactitude le nombre de survivants. Les parents des survivantes sont également plus investis et concernés.

Personnages

Tiens, parlons-en enfin, des 5 survivantes : Mizuki, dans le manga, devient ici Nehir. Celle-ci est optimiste, sans être totalement crédule ou à fleur de peau, ni trop donneuse de leçon toutes les 10 minutes. Beste (Ichinose Haru dans le manga), meilleure amie de Nehir, est moins rancunière que dans le drama. Les personnages de Yaren/Kamila et Defne/Usui sont grosso modos les mêmes, donc rien à dire (à part que Defne est moins timide, moins renfermé et plus réactive que Usui). Les 5 filles sont moins hostiles entre elles, moins moralisatrices, avec des réactions plus spontanées. Les personnages ont beaucoup plus de répondant, se disant ce qu’ils pensent sans honte et se balançant des claques dans la figure lorsque c’est nécessaire. Comme le ferait une personne dans la vraie vie quoi.

On peut également citer ceci :

La backstory du 6ème survivant (gardé secret jusqu’aux épisodes 3-5) : Selim (Hinata dans le manga), dont on ne connaissait rien de son passé dans l’œuvre originale, bénéficie de plusieurs flashbacks sur sa vie pour comprendre son comportement et la relation avec son père.

Jeux d’acteurs

Mais que seraient de bons personnages sans de bons acteurs ? La série est avant tout portée par 5 superbes et talentueuses actrices turques, dont deux très connues sur Instagram, à savoir les deux actrices principales. Chacune a réussi à s’approprier son personnage. Les cinq actrices en question sont remarquables, il y a une vraie alchimie qui s’installe progressivement entre elles. Je serais même tenté de dire qu’elles ont une meilleure alchimie que les 5 dans le drama japonais. Aucune ne semble en retrait et elles jouent toutes un rôle primordial dans le récit.

L’actrice qui a captivé mon attention est Aslıhan Kapanşahin, celle qui interprète le personnage de Asiye (Morishige Arisa dans l’oeuvre originale) : son jeu est d’une justesse folle, contrebalançant à la perfection la folie s’échappant de son esprit et la vulnérabilité lors de ses moments de solitude. Le personnage de Morishige (« Moriko ») est mon préféré du manga/drama, l’actrice Rio Yamashita avait fait un travail impeccable, ressemblant trait pour trait au personnage du manga tout en possédant son caractère et sa personnalité (on aurait dit que le personnage était sorti du manga pour prendre forme humaine). Aslıhan Kapanşahin est plus petite, un peu plus frêle, et dégage une vulnérabilité bienvenue. D’ailleurs, comparaison intéressante : Asiye est la lycéenne victime de brimades qui souhaite se venger de ses tortionnaires, à l’instar de Carrie White, personnage culte et légendaire du premier roman de Stephen King, "Carrie". Tout le monde connait la version de Brian de Palma, mais peu connaissent celle de 2002, un téléfilm modeste mais de qualité et, vous ne me croyez sûrement pas, mais l’actrice de Carrie dans ce film, interprété par Angela Bettis, ressemble énormément à Aslihan Kapansahin (même expression de visage, même attitude, même regard, la jeune fille qui serre très fort ses cahiers contre sa poitrine…).

Concernant le personnage principal masculin joué par Erdem Sanli, c’est le Benoît Magimel turc (si si je vous juge, allez voir sur Google image, la ressemblance est frappante).

Mais plus que ça, la série a réussi à m’émouvoir grâce aux diverses performances :

Par exemple, cette scène absolument déchirante où la mère de Defne/Usui apprend la mort de sa fille et inspecte son corps dans l'épisode 11, ou celle de la mère de Asiye/Moriko qui se jette dans les bras de sa fille livide, lui promettant qu’elle ne la quittera plus jamais (dans l'épisode 12).

Les derniers épisodes et la fin

Je me permets, avant de conclure cette critique, d’évoquer la fin de la série. Il y a un vrai pay off de toutes les intrigues :

Le responsable de l’entreprise des bus est arrêté et sera jugé par l’avocate, le directeur de l’école décide de démissionner ainsi que le professeur principal, les parents de Asiye divorcent, Selim reçoit le soutien de son père avant d’être convoqué au tribunal, les filles se réunissent, devenant amies et véritablement proches.

La fin est moins bâclée et plus satisfaisante que celle du drama (c’était vraiment le seul point négatif que j’avais cité dans ma critique à l’époque).


Conclusion

"Kurtuluş" Lisesi est une réussite, une bonne adaptation et une bonne série en soi. Il n’est pas nécessairement primordial de lire le manga ou de visionner le drama avant. Mais il est vrai que "Kurtulus" Lisesis est moins accessible que les deux autres œuvres. Il n’empêche que j’ai pu la voir et l’apprécier ; cela m’a rappelé des bons souvenirs de mon adolescente, où j’avais découvert le drama qui m’avait grandement marqué.

Bref, une bonne bouffée de nostalgie et un bon visionnage. Que demander de plus ?

8/10 avec coup de cœur.

SysyDegrendel
8
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Créée

le 25 mai 2024

Critique lue 16 fois

Sysy Stram

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