Nourrir la curiosité générale avec le malheur des autres.
Vu l’état actuel de notre société, je risque de passer pour un nihiliste. Les grandes valeurs de notre temps se situent sous le pantalon, les cancans, l'indiscrétion et dans la moquerie de bas étage, là où se situe le niveau 0 de la vie. Bref, c’est là qu’il faut se situer en ce moment pour exister. Pour exemple, un "buzz" a plus de poids qu'une quelconque vérité. La vieille commère indigente d'esprit qui se cache derrière son rideau pour tout voir a encore de l'avenir devant elle.
A mes yeux, la télévision en est la principale fautive car elle entretient cette bêtise ambiante cautionnée par cette masse passive. A l’heure actuelle, les rumeurs deviennent aussi virales qu'un virus de compétition et des gens plus intelligents que vous (ou du moins plus malin) en font commerce.
L'amour vaut de l’or.
Sous couvert de belles images, cette émission met en pâture plusieurs agriculteurs dont la vie professionnelle et campagnarde en rebutent plus d'une. Ils sont seuls et parfois désespérés. Et c'est là tout l'attrait de l'émission, l'amorce principale du jeu.
Ce qui compte avant tout pour le bénéfice de la chaine c'est que le spectacle qui est au cœur du Colisée soit bon. Quel qu’en soit la manière d’y arriver. Sinon pas d'audience et par conséquent un rabais du prix de la case publicité. Rien de surprenant, cela fonctionne ainsi depuis longtemps.
Alors la question qui se pose : où est le sérieux ? quel est le degré de sincérité de l’émission ? Va-t-il au-delà de l'aspect pécunier ? Qu’importe répondront certain(e)s téléspectateurs/téléspectatrices. Du pain et des jeux, c’est tout. Les fonds de commerce cela n’intéresse personne.
Alors nos valeureux chevaliers au cœur noble peuvent alors, en toute confiance, se laisser aller aux confidences les plus "sincères" afin de charmer d’hypothétiques préposées. Sauf qu’en parallèle c’est la curiosité malsaine de tout un pan de la société, qui se fait complice de la T.V., qu’ils nourrissent en se vendant. L’idéal serait même, s’ils le pouvaient, livrer au passage quelques détails scabreux (puceau à 45 ans passés, complexe d’Œdipe, etc.) afin d'attirer un peu plus de monde ! C’est le nerf de cette guerre. Leur intimité devenant le vecteur indirect de l’enrichissement d’un capital qu’ils ignorent.
L'indécence, tout comme le malheur, est une valeur haussière.
Pour M6, comme pour NRJ 12, TF1, etc., l’échelle des valeurs se mesure au degré de voyeurisme de la société. Plus il est élevé, plus il faut y mettre la dose. Télé-réalité ou « L’amour est dans le pré », tout se vaut d’un seul coup. L’amour, le sexe et même les blessures secrètes de chacun de nous valent de l’or.
Société de spectacle. Société de clowns. Mais les victimes sont humaines. Certes naïves, mais humaines.
Bien entendu, dans la ligne de mire de ceux qui tirent les ficelles ce sont les femmes qui sont les premières visées. Sont-elles plus sensibles à la lumière des écrans LCD ou préfèrent-elles se caler sur les derniers ragots qui y sont rapportés ? Bonne question. Et pour les attirer, il faut leur tendre tous ces bons appâts. Leur vendre ce qu’elles aiment. Et malheureusement, il y aura toujours des gens pour se prêter au jeu et des personnes pour regarder, "se détendre".
Tout comme pour l'accident sur l'autoroute il est important de ralentir et de jeter un œil à ce qui nous regarde pas.
Sur l’ensemble des agriculteurs qui ont participé à l’émission, quel est le pourcentage qui a réussi à tenir plus de deux ans en couple ?
Quelles téléspectatrices se soucient de leurs peines de cœur dans la "vraie vie" une fois l’émission passée ?
Qu'en pense cet agriculteur qui s'est fait aborder par des centaines de "fans" au Salon de l'agriculture sans qu'aucun d'eux ne lui ait acheté l'un de ses produits ?
Pathétique.
J’aurai aussi aimé développer mon premier paragraphe mais plutôt que de palabrer et user de propos éculés je vous conseille un film visionnaire pour son temps, réalisé par Sydney Lumet, et qui résume parfaitement la situation: "Network, main basse sur la T.V.".
Je ne saurais mieux dire.