Malgré une fin controversée, "L'Attaque des Titans" d'Hajime Isayama offre des réflexions profondes sur la guerre, la paix, la liberté, la sécurité, le cercle de la haine, etc. Le point de départ du manga est un monde où l'humanité a presque disparu, massacrée par des créatures géantes anthropophages appelées Titans. Les derniers survivants se sont barricadés derrière trois murs gigantesques, et l'histoire raconte leur lutte pour la survie, le pouvoir et l'humanité.
Le récit commence par une opposition classique entre le bien et le mal (l'humanité contre les Titans), mais au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, cela devient plus subtil, à tel point que certains fans affirment qu'ils ne peuvent plus déterminer qui a tort. La question la plus importante a été posée par le commandant du Bataillon d'exploration, Erwin Smith, lors des premiers épisodes : "Selon vous, qui est l'ennemi ?" La réponse pourrait simplement être : "Le Léviathan".
Le Léviathan est un serpent de mer mentionné dans la théologie et la mythologie. Il est cité dans plusieurs livres de la Bible hébraïque, notamment les Psaumes, le Livre de Job, le Livre d'Isaïe, et le Livre d'Hénoch. Le Léviathan incarne souvent le chaos, menaçant de dévorer les damnés à la fin de leur vie.
Le nom a été utilisé par Thomas Hobbes dans son livre publié en 1651. Le titre "Leviathan" fait référence au monstre marin biblique mentionné plus haut, symbolisant l'État puissant qu'Hobbes juge nécessaire pour maintenir l'ordre et prévenir l'état de nature, qu'il décrit célèbrement comme "solitaire, pauvre, méchant, brutal et court".
Dans "Leviathan", Hobbes soutient qu'en l'absence d'ordre politique, la vie humaine serait remplie de peur et de danger constants en raison de l'égoïsme et de l'agressivité inhérents à la nature humaine. Pour échapper à cet état de nature, les individus consentent, explicitement ou tacitement, à renoncer à certaines de leurs libertés au profit d'une autorité souveraine (le Léviathan) en échange de la sécurité et de l'ordre. Ce souverain, qu'il s'agisse d'un monarque, d'une assemblée ou d'une autre forme, détient un pouvoir absolu pour garantir la paix sociale et empêcher le retour à l'état de nature.
Si les partisans du "contrat social" n'ont aucun problème à vivre sous la règle du monstre marin, on ne peut pas en dire autant de tout le monde, en particulier des personnes qui valorisent la liberté. La liberté est d'ailleurs un mot et un thème souvent utilisés et explorés dans "L'Attaque des Titans". Les protagonistes sont membres du "Bataillon d'exploration", les seuls parmi l'humanité à oser aller au-delà des murs et explorer le territoire des Titans malgré le danger d'être tués par eux. Pendant la première moitié de la série, ils sont souvent critiqués par les autres institutions gouvernementales, les autres corps de l'armée et même la population, parce qu'ils se mettent en danger. Leur symbole est composé de deux ailes qu'ils appellent "ailes de la liberté".
À l'intérieur des murs, le gouvernement royal et l'armée, en particulier la Brigade de la Police Militaire, imposent un ordre social strict et répriment toute dissidence ou tentative de remettre en question le statu quo. Cela est préféré par la population, tant qu'ils ont de la nourriture et des boissons.
Remettre en question le statu quo implique de cacher la vérité sur le monde au-delà des murs et la nature des Titans. Cette forme de contrôle est justifiée par les dirigeants comme nécessaire à la survie de l'humanité. Mais en réalité, il ne s'agit pas de la survie de l'humanité, mais plutôt de garder le "paradis du roi" en sécurité jusqu'à ce que les ennemis extérieurs massacrent tout le monde.
En fait, le roi des murs n'a pas seulement volé les souvenirs de ses sujets et les a confinés à l'intérieur des murs, mais il leur a même caché qu'ils allaient tous être massacrés, tôt ou tard, par le reste du monde (dont ils ignorent même l'existence) qui les hait encore pour les péchés de leurs ancêtres, et parce que le roi ne fera rien pour les protéger.
Le Bataillon d'exploration incarne la lutte pour la liberté contre les forces oppressives de leur monde. Leurs efforts pour explorer au-delà des murs, découvrir la vérité sur les Titans et finalement lutter pour le droit de l'humanité à vivre sans peur et sans la haine du monde. Le Titan assaillant d'Eren peut également être considéré comme un titan représentant l'esprit du Bataillon d'exploration. Il est défini par la chouette (Eren Kruger) comme un "titan toujours en avance vers l'avant, aspirant à la liberté", et par Grisha Jaeger comme un "titan qui s'oppose toujours à la volonté du roi". Il peut être la manifestation du désir de liberté de la fondatrice Ymir, le premier titan, qui, malgré un pouvoir destructeur, est restée loyale au roi Fritz, le premier Léviathan qui l'a opprimée et asservie.
Il est amusant de remarquer que la dynastie Fritz est toujours le problème d'une manière ou d'une autre. Le premier roi a utilisé le pouvoir des Titans pour conquérir des terres mais aussi pour construire des ponts et des routes, faisant prospérer Eldia (grâce au pillage et à l'esclavage), et le 145e roi voulait "expier" les péchés de ses ancêtres en sacrifiant son propre peuple tout en vivant dans son "paradis".
Le gouvernement Mahr représente également le Léviathan par son règne autoritaire sur les Eldiens, les utilisant à la fois comme boucs émissaires pour les maux de la société et comme armes de guerre grâce au programme des Titans. Ce système d'oppression est fondé sur la propagande, l'endoctrinement et un système de castes rigide qui déshumanise les Eldiens et les maintient sous le joug Mahr. Les Eldiens sur le continent sont discriminés et vivent dans des conditions difficiles dans leur zone d'internement, mais ne semblent pas être gênés tant que Mahr leur permet de respirer, manger et boire, comme leurs cousins des murs.
Eren Yeager, le dernier des héritiers du Titan assaillant, évolue dans une opposition radicale au Léviathan, car son désir de liberté le pousse à prendre des mesures extrêmes contre ceux qu'il perçoit comme des oppresseurs, tant à l'intérieur des murs qu'au-delà. Ses actions soulèvent des questions morales complexes sur la nature de la liberté, le coût de la lutte pour celle-ci, et si créer un autre Léviathan est justifié dans le but de la destruction des anciens. Mais là est un autre sujet.