Bon, alors ? Qu'avons-nous là ? Netflix vient une nouvelle fois de briser le plafond de verre de mes espérances en termes de bassesse et de médiocrité. Ils sont vraiment très forts, on ne peut pas leur enlever cela. Bientôt, il ne me sera même plus possible d'avoir le plaisir narquois de parier sur le prochain pallier de leur chute dans cette odyssée cryptique. Jusqu'où sont-ils capables de creuser ? Personne ne le sait, Dieu lui-même l'ignore. Bref, que de digression.
La première chose qui saute aux yeux, littéralement, et ce avant même de lancer l'épisode pilote, c'est le fait que « L'autre côté » soit un obscur breuvage de tout et n'importe quoi broyé au mixeur et servi dans un shaker en plastique estampillé Netflix, prêt à être consommé entre le cours de zumba et la séance à la salle de sport. Que ce soit la bande-annonce ou bien même seulement la putain de miniature, on jurerait qu'absolument tout a été mis en œuvre pour aller ramasser le junkie au coin de la rue et lui donner de force sa dose de contenu grand public, formaté, convenu et réchauffé. On ne prend aucun risque, on tape la même came crasseuse que d'habitude, sauf que cette fois-là, c'est le dealos qui vient directement te l'injecter dans le bras, gratis.
Ils n'ont pas honte, ils nous ont ressorti l'uniforme de « La Servante écarlate » mais ici, il ne s'agit plus de femmes enlevées mais d'enfants, l'habit n'est plus rouge mais blanc. Le parallèle avec la série de Hulu est assez frappant, mais ne comptez pas trop sur cela pour espérer retrouver quelque qualité de cette dernière. Netflix essaye en vain de profiter du capital sympathie dont jouit l'œuvre de Bruce Miller, qui déjà, malgré des qualités indéniables, tentait de singer la réalisation froide et calibrée d'un Stanley Kubrick sans en atteindre ni la maîtrise ni la poésie. « L'autre côté » n'a aucun des arguments techniques de « La Servante écarlate » : ni le découpage, ni montage, ni le cadrage, ni le jeu d'acteur et encore moins la photographie.
Parlons un peu du scénario. Il est d'une banalité affligeante. Déjà vu et revu un bon millier de fois. Pseudo-dystopies et sociétés post-apocalyptiques en carton-pâte, on en bouffe à la pelle depuis quelques années. Un mur. Une société divisée entre deux classes sociales aux antipodes. Un système dictatorial qui prend le pouvoir. On repense encore à « La Servante écarlate », mais aussi à la série brésilienne « 3% », ou encore à la série « Colony », le grand échec de USA Network qui avait au moins le mérite de faire jouer Josh Holloway - tu me manques, Sawyer... sniff. Netflix ne semble pas l'avoir compris, mais l'exotisme d'un tournage en Espagne n'est plus suffisant pour nous resservir la même soupe froide et rance que d'ordinaire... cela a peut-être fonctionné pour le premier épisode de la première saison de « La Casa de Papel », mais c'est terminé depuis longtemps.
Le décor ainsi que le contexte nous sont balancés à la figure sans explication : Troisième Guerre mondiale. D'accord. Comment ? Pourquoi ? Quels pays sont concernés ? Que s'est-il passé ? Quels types d'armes sont utilisés ? Comment les nations vont s'organiser ? Grande ellipse, nous nous retrouvons en 2045, apparemment les ressources naturelles se font rare. Très bien. Comment ? Pourquoi ? L'Espagne et la France conservent depuis longtemps leur statut de « Grenier de l'Europe » et aujourd'hui ces deux seuls pays nourrissent le continent entier. Et contrairement à nous, les espagnols ont conservé un minimum de leurs usines de production, ils n'ont pas encore tout délocalisé. Par conséquent, en cas de problème, l'Espagne est probablement le pays européen qui manquera le moins de matières premières essentielles et surtout de nourriture. Dans le cas contraire, je veux bien que l'on m'explique alors comment cela pourrait arriver parce-que ce n'est pas la série qui le fera. Rien n'est expliqué. Je reprochais déjà à « La Servante écarlate » de ne pas avoir fait l'effort de décortiquer les faits pour que l'on comprenne concrètement comment on en était arrivé à ce point de non retour.
On a également cette histoire de virus. Il n'est pas nécessaire de connecter plus de trois neurones pour comprendre la velléité vaine et misérable, de la part de la plateforme de vidéos à la demande américaine, de surfer sur la vague de l'actualité : un virus, les attentats terroristes, des gouvernements paniqués qui prennent des mesures liberticides pour tenter de contrôler quelque chose qu'ils ne comprennent pas, des familles apeurées qui promettent de rester ensemble en sanglotant devant le journal télévisé... blablabla... Piètre tentative. C'est trop gros et trop irrationnel pour être pris au sérieux. Et ce jusqu'au nom de l'agent pathogène : noravirus. Putain, sans blague ! Ils ont osé. À deux lettres et un phonème près, on y est : coronavirus, quoi... J'en perds mon latin. Le problème étant que la sauce ne veut pas prendre malgré insistance. Une telle bouillie cinématographique de tout et n'importe quoi parmi ce qui a fonctionné commercialement ou non ces 6 dernières années ne peut rien apporter au spectateur.
En début de série, on a cette affreuse séquence où, face à un danger mortel imminent, un père donne un collier à chacune de ses deux filles avec une pierre bleue, et l'autre rouge, objet divin, saint Graal qui, nous le savons que trop bien, les accompagnera dans leur vie jusqu'au saint jour où, cet objet, ô divine prophétie, permettra de leur sauver la vie ou bien de transformer la situation tel un miracle, dans un sublime Deus ex machina. Quand ce n'est pas un objet, il s'agit alors d'un secret ou autre farce de ce genre. On pense facilement à « L'Attaque des Titans » avec Eren qui, dès les premières minutes seulement, se voit confier par son père le terrifiant secret de son laboratoire secret où se trouvent des travaux de recherches secrets dans lesquels se trouvent la réponse au secret des Titans. Information qui stimulera la tension au début du pilote, suscitant une bonne accroche du spectateur, et qui disparaîtra durant - au moins - trois saisons tout en flottant vaporeusement en arrière-plan, jusqu'au jour où il refera surface et s'abattra comme l'Épée de Damoclès.
Dans le même combo, on a également le coup de la piqûre d'antivirus dans la nuque des gamines avant que le père se fasse embarquer par l'armée et que la famille soit séparée. Famille qui, comme par hasard, semble savoir beaucoup de choses sur les évènements qui vont se produire. Cette fois-ci on pense notamment au très médiocre « The Rain » avec Rasmus et son père. Même principe.
Parce-que c'est ça, « L'autre côté ». Une grande feuille de brouillon sur laquelle on a tenté de faire coexister tout un tas d'idées et de concepts déjà éculés empruntés ici et là. Malheureusement, jamais la série ne dépasse ce simple procédé, et elle se complait à copier/coller des choses prises dans des œuvres qui les exploitent bien mieux. La démarche est indubitablement malhonnête et tellement basse. Je ne vois aucun intérêt pour le spectateur de consacrer du temps à cette série, ni même aucune raison de s'y intéresser au vu de la communication faite dessus. « L'autre côté » n'a rien à offrir et ne propose rien. L'argument ultime et péremptoire du divertissement ne fonctionne pas ici. Qu'y a t-il de divertissant à revoir tout ce qu'on a déjà vu dans des séries depuis quelques années, mais cette fois-ci, en beaucoup moins bien, et en Espagne ?
Pour donner le coup de grâce, on peut ajouter que la série n'a rien de visuellement esthétique ou de techniquement remarquable. Le jeu des comédiens est, au mieux d'une banalité extrême, au pire d'un amateurisme consternant. Les dialogues sont oubliés aussitôt entendus. C'est un échec total. Tant est si bien que même le site indépendant Netflix News a préféré choisir de citer des commentaires de grands cinéphiles certifiés PEGI13 par Netflix, Disney+ et YouTube plutôt que l'avis de critiques professionnels ou de la presse traditionnelle pour tenter de vendre cette daube à la criée. Non, ça, ils n'ont pas osé.