Une pepite !
Cette série est jouissive. Elle ne se prend pas au sérieux, tout en évitant l’écueil d'un humour aseptise a l'usage des masses (ce qui vaut pour 99,9 % des séries). Elles sont rares les séries a...
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le 5 avr. 2013
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Après sa trilogie européenne composé de Epidemic, Element of Crime et Europa de danois Lars Von Trier se tourne vers la télévision pour signer avec L’Hôpital et Ses Fantômes (Riget) l'une des séries les plus folles et les plus étranges des années 90 . Une série à la patine visuelle unique qui mélange les genres entre horreur et comédie et vient sans aucun soucis s'installer au panthéon des œuvres cultes de la télévision pas loin du Twin Peaks de David Lynch. Composée d'abord de deux petites saisons , L'Hôpital et ses Fantômes restera longtemps sans suite à cause du décès de quelques figures importantes de la série. Il faudra donc attendre près de 25 ans pour que Lars Von Trier nous offre enfin cette troisième saison tant attendu, l'occasion de retourner se plonger au cœur du royaume et de cet hôpital dans lequel le personnel médical semble bien plus malade que les patients eux même.
L'hôpital et ses Fantômes nous transporte au Rigshospitalet de Copenhague, un établissement médical construit sur un ancien marécage et un endroit riche en activités occultes. C'est ici qu'officie Stig Helmer un médecin hautain et suffisant venu fraîchement de Suède et qui déteste copieusement les danois, on croisera également tout un personnel étrange et plus ou moins compétant. L'hôpital est le théâtre d'événements surnaturels, d'apparitions et d'une lutte entre démons et esprits que tente d’apaiser une vieille patiente aux pouvoirs de medium, madame Druss.
Avant d'évoquer la troisième saison un retour sur les deux précédentes me semble être un bon préambule. L'hôpital et se Fantômes est une série qui se distingue déjà par son univers graphique unique en son genre avec cette image orangée si particulière. Une teinte sépia et ocre un peu sale avec beaucoup de grain comme si les images étaient restées plongées dans les eaux croupis d'un marécage ou dans un vieux flacon d'analyse d'urine. Lars Von Trier choisit également de filmer caméra à l'épaule dans une forme d'urgence abrupt presque documentaire ce qui ne l'empêche pas à l'occasion de soigner ses plans et ses angles de prise de vue comme dans le très beau préambule de chaque épisode. Impossible aussi de dissocier la série de la musique et des gimmicks sonores du compositeur de Joachim Olbek, des apparitions de Lars Von Trier lui même venant commenter avec une ironie pince sans rire les épisodes lors des génériques de fin ou des apartés dans les sous sols de l'hôpital avec deux employés trisomiques qui travaillent à la plonge et commentent les événements de manière poétique, décalé et étrange : "Un enfant pleure quand il est triste / Un adulte pleure quand il est désespéré / Mais qu'est ce que ça signifie quand c'est la maison entière qui pleure ?". L'hôpital et ses Fantômes se démarque aussi par son mélange des genres entre fantastique, horreur grotesque, comédie burlesque, tragédie et romance le tout emballé dans un format de drama hospitalier rempli jusqu'à la gueule de personnages décalés, odieux, ridicules et étranges mais finalement tous plutôt attachants dans leurs médiocritès. On notera en vrac une interne qui déteste la vue du sang et tente de s'y habituer en regardant des films d'horreur, un médecin qui se fait transplanter un foie malade, un infirmier porté sur la bibine, un chef de service totalement incompétent et collectionneur d'objets érotiques, un médecin qui regarde et parle à ses selles pour examiner sa bonne santé, un toubib transformer en zombie façon vaudou, un bébé gigantesque, un anesthésiste hypnotiseur, une tête coupée, une ambulance fantôme et des tas d'autres spécimen qui trouveraient facilement leurs places dans un hôpital psychiatrique et pas forcément du côté du personnel. Si dans la première saison l'aspect humoristique semble encore assez (re)tenue, dans la seconde Lars Von Trier semble souvent partir en vrille jusqu'à l'absurde à l'image de cette poursuite au ralenti afin de tromper les détecteurs de mouvement, un jeu d'ombre donnant l'illusion qu'un médecin a une monstrueuse érection ou lorsque pour faire face à un tigre (oui il y-a aussi un tigre) un infirmier trouve la force de se transformer en un animal pouvant lui faire face et qu'il choisit d'être un pingouin !. L'hôpital et Ses Fantômes regorge ainsi de moments drôles, absurdes et parfois bien méchants.
Si dans la première saison l'aspect dramatique tourne essentiellement au tour de Mona , une petite fille dont on a grillé le cerveau à la suite d'une erreur médical ; dans la seconde c'est le personnage de petit frère le bébé aux proportions gigantesques qui nous permettra de vivre quelques moments assez bouleversants. Interprété par un formidable Udo Kier cet enfant avec une tête d'adulte et un corps avec des membres si grands qu'ils doivent être retenus par des sangles pour ne pas se briser sous leur propre poids est un personnage aussi grotesque, effrayant et repoussant que fascinant et bouleversant. Toute les séquences dans lesquelles il joue à s’imaginer avec sa mère Judith (Birgitte Raaberg) la vie qu'il n'aura jamais sont des instants riches en émotions tout comme lorsque ce gosse dans ce corps monstrueux demande à se retrouver suspendu au mur pour simplement apercevoir par la fenêtre un monde qu'il ne pourra jamais intégrer. Quant à son triste destin final il est aussi émouvant que douloureux à vivre et à subir pour les spectateurs. En deux petites saisons et huit épisodes, Lars Von Trier avait réussi à installer tout un univers à la fois graphique et thématique dans une série capable de nous faire rire, frissonner et pleurer en même temps.
25 ans après le réalisateur danois revient donc au royaume afin de poursuivre l'histoire de L'Hôpital et ses Fantômes à travers une troisième saison assez inespérée. Malheureusement de nombreux acteurs incarnant des personnages de premier plan sont donc décédés depuis comme Ernst-Hugo Järegard dans le rôle du professeur Elmer , Kristan Rolfes dans celui de madame Druss ou Jess Oking dans celui du brancardier Bulder. Trois personnages emblématiques que Lars Von Trier choisit de remplacer de manière un peu déconcertante par des personnages différents mais similaires, presque des clones de leurs modèles disparus. Nous allons donc faire la connaissance de Helmer Jr interprété par Mikael Persbrandt , Karen une vielle dame somnambule et médium interprétée par Bodil Jorgensen et Balder un brancardier rondouillard tellement similaire au personnage précédent qu'on le surnomme carrément comme lui. On retrouve aussi avec beaucoup de plaisir de nombreux personnage des deux saisons précédentes même si c'est parfois dans des rôles très secondaires comme Jorgen et Mogge qui semblent un peu hanter les couloirs de l'hôpital tels des spectres mais aussi Judith toujours aussi touchante dans l'amour inconditionnel pour son monstrueux fiston et même la petite Mona qui a bien grandit depuis les deux premières saison. La série introduit aussi de nouveaux personnages bien cintrés comme ce médecin capable de s'arracher un œil pour regarder dans les coins, cet avocat qui reçoit dans les toilettes de l'hôpital ou encore cette infirmière chaude de la cuisse qui fait du rentre dedans aux médecins avant de courir se plaindre pour harcèlement. Car toujours aussi iconoclaste et provocateur Lars Von Trier s'amuse aussi de l'air du temps et se moque avec malice et férocité des dérives post #Metoo, des histoires de quotas et de minorités et même de lui même dans une approche méta montrant Karen terminer la seconde saison de L'Hôpital et Ses Fantômes à la télévision en disant que cette fin c'est n'importe quoi ou en faisant venir des touristes qui viennent visiter l'hôpital comme si c’était un lieu de pèlerinage pour geeks au grand dam du directeur qui maudit Lars Von Trier. Si l'humour noir est toujours aussi omniprésent il fait toutefois moins souvent mouche que dans les deux précédentes séries et dans l'ensemble cette troisième saison entre redites et continuité peine à trouver sa pleine dimension. Il reste encore de magnifiques idées comme le personnage de petit frère (Udo Kier) risquant de se noyer dans le lac de ses propres larmes ou quelques trouvailles visuelles marquantes comme lorsque l'hôpital s'affranchit un instant des règles de l'apesanteur mais globalement cette troisième saison marque moins durablement les esprits.
Pourtant l'apocalyptique ultime épisode qui semble sceller à jamais le sort du royaume dans un point de non retour durant lequel les forces du mal se déchaînent sur terre avec le réalisateur lui même en maître de cérémonie offre une très belle conclusion à cette série définitivement à part et unique en son genre. Vous avez dit culte ?? Pour une fois le mot n'est pas galvaudé.
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Créée
le 17 sept. 2023
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