Avoir Les Flics Occultes

Petit bond en arrière vers la télévision de papa et même de grand papa, puisque La Brigade des Maléfices est une série qui date de l'époque de l'ORTF et qui fête cette année son demi-siècle d'existence. Un vieux machin d'un autre temps imaginé par Claude Guillemot et Claude-Jean Phillipe le futur créateur de l'émission culte Le Cinéma de Minuit, mais qui fait paradoxalement preuve de bien plus d'audace et de modernité qu'une immense partie de la production télévisuelle actuelle (hors Canal +).

La Brigade des Maléfices nous permet de suivre les enquête d'un policier un peu particulier qui squatte les greniers de la brigade judiciaire et à qui l'on fait appel lorsque la rationalité et la logique ne suffisent plus à résoudre une enquête. Aidé de son fidèle assistant Albert, Guillaume-Martin Paumier, expert en sciences occultes et Sherlock Holmes de l'irrationnel et de l'invisible entre alors en piste pour aider les trop cartésiens inspecteur Muselier et l'inspecteur principal à comprendre l'impossible.

La Brigade des Maléfices est une bien trop courte série qui ne compte qu'une seule et unique saison de six petits épisodes. Aux frontières du réel , la série nous plonge donc dans des univers fantastiques plutôt bon enfant qui appartiennent bien plus au domaine de la féérie, de la poésie et du merveilleux qu'à des univers plus sombres et horrifiques. Il sera pourtant question au fil des épisodes de vampires, de fées, de fantômes, d'extra terrestre et même du diable en personne interprété tout en cabotinage par le génial Pierre Brasseur. Outre son univers fantastique et magique, la série marque aussi les esprits par son humour pince sans rire et les thématiques qu'elle aborde souvent avec une étonnante clairvoyance comme l'invasion des écrans dans les ménages, le féminisme et le nouvelle urbanisme avec les premières grandes barres HLM. L'interprétation est assez délicieuse avec Léo Campion dans le rôle de l'excentrique et perspicace Paumier, Marc Lamole dans celui de son serviteur et chauffeur de side-car Albert, le formidable Jacques François en inspecteur général et Jean Claude Balard dans celui de l'incrédule et complice inspecteur Muselier. Aux quatre personnages récurrents viennent se greffer de jolis participations comme celles de Annie Duperey, Claude Brasseur , Philippe Clay, Pierre Vernier et donc Pierre Brasseur dans le rôle de Diablegris.

Des six épisodes je retiendrai plus particulièrement La Septième Chaîne dans lequel le diabolique Diablegris (Pierre Brasseur) tente de pervertir les amoureux avec une fiction télévisuelle passant à l(heure des repas et semant la discorde dans les couples au point de pousser la jalousie jusqu'au meurtre. Une sympathique dénonciation du pouvoir du petit écran qui s'invite à la table des citoyens pour pervertir leurs pensées les plus intimes. L'épisode Voir Vénus et Mourir est assez drôle en mettant en scène une charmante vénusienne venue sur terre pour protester contre un escroc qui menace la tranquillité de sa planète en proposant des voyages vers Vénus. 50 ans avant le concept même de tourisme spatial, l'épisode nous offre un réjouissant numéro de Philippe Clay en escroc plein de bagout face à une magnifique Annie Duperey en Vénus des temps modernes. Dans l'épisode La Créature on retrouve le diabolique Diablegris qui cette fois fois ci pousse les hommes au suicide en leur proposant une femme gonflable experte en taches ménagères et cuisine mais complétement dénué du moindre sentiment ce qui rend les hommes complétement fous. Une vision à priori pas des plus modernes et progressiste de la femme mais qui met tout de même en avant cette jolie idée que les hommes deviendraient fous si les femmes ne pouvaient être aimées et aimer elles aussi en retour. Le premier épisode intitulé Les Disparus de Rambouillet baigne dans une très belle ambiance à la fois bucolique et inquiétante autour de fées qui vivent dans une mare et font disparaître les hommes par ennui. Quant à Le Fantôme du HLM, le dernier épisode de la série il nous plonge dans une cité HLM toute neuve construite sur de vieilles demeures et hanté par Anatole un vieux marquis du XVIIIème siècle qui s'amuse à foutre le boxon entre les voisins. L'épisode s'amuse de ces nouvelles habitations bien trop bruyantes dans lesquelles la promiscuité pousse très vite les personnes à ne plus se supporter. Un épisode qui comporte de belles idées comme ce cortège funéraire glissant entre ses immenses HLM et une critique virulente des promoteurs prêt à tout pour expulser les derniers habitants de maisons pavillonnaires en rasant l'histoire de leur quartier. Seul l'épisode Les Dents d'Alexis ne m'aura pas vraiment convaincu malgré son histoire amusante de vampire qui tombe amoureux de sa dentiste tout en embauchant faute de pouvoir mordre des petits truands pour lui dérober sa dose de sang.

La Brigade des Maléfices reste une chouette petite série qui allie avec bonheur le merveilleux l'humour, la poésie et le fantastique tout en pointant du doigt les maux de son époque. On pourra tout juste regretter que l'aspect investigation et enquête ne soit pas beaucoup plus présent nos enquêteurs accompagnant plus souvent le récit en guide et spectateur qu'en véritables acteurs. Pour le reste c'est un petit bonheur de se replonger dans cette époque des papiers peints qui piquent les yeux, des meubles en formica et d'une télévision qui faisait preuve d'audace et créativité.

Au détour d'un épisode on entend une télévision annoncer que demain sera diffusé le 47ème épisode de La Brigade des Maléfices ; sans en demander autant j'aurai bien aimé deux ou trois saison de plus ne serait ce que pour structurer et faire monter au fil des saisons l'affrontement entre Paumier et son ennemi Diablegris.