Après avoir lu quelques critiques soulignant les longueurs et les répétitions plus ou moins attendues, plus ou moins vraisemblables de cette Casa de Papel, je m'interrogeais sur l'intentionnalité des scénaristes. Après tout, Netflix fait tourner à plein régime les "rotatives" de son algorithme.
La production aurait pu tenir compte des caractéristiques majeures du blockbuster sériel pour éviter de tels impairs. Dés lors, ces longueurs, ces répétitions plus ou moins attendues, plus ou moins vraisemblables sont-elles de savants choix ( El Professor, es-tu là ? ) ?
Aussi, sans certitude aucune, et sans doute parce que j'ai trouvé mon compte sur un certain nombre de ressorts narratifs, je l'admets, je m'aventure à quelques hypothèses explicatives de ces tensions.
Celles du récit, celles qui traversent les personnages, celles qui minent le spectateur.
Malgré "l'histoire parfaite" anticipée par le Professor, ce qui serait d'autant plus savoureuse pour un spectateur qui entend bien amortir son investissement temporel, les péripéties viennent à ronger les certitudes des uns et des autres. Y compris de l'éclat d'un braquage dont les auteurs devaient s'attirer la sympathie du grand public. Y compris peut-être l'intérêt des spectateurs.
Le temps c'est de l'argent. La chose est dite. Il va falloir tenir dans la tension avant d'aboutir au dénouement. Et c'est long. Un tel contexte, j'imagine, est propice à des situations qui semblent sans grande valeur. Et nous, spectateurs, d'avoir le choix de tenir la mesure. Allons-nous déserter La Casa de Papel après y avoir cru dans les 1ers épisodes ? Allons nous faire glisser la timeline de l'épisode mou du genou, histoire d'aller directement aux scènes critiques ? Tenir. Y croire. Tous y sommes tous confrontés.
On s'attendait à du génie, qui avaient d'ailleurs "bien marqueté" son coup. Lui-même pensait avoir tout éludé. Avoir soudé son équipe, "éduquée", choyée et nourrie au grain pendant de longs mois dans le charme d'une bastide espagnole. Mince alors. El Professor avait oublié que l'humain est un être complexe et instable. Qu'on a beau limiter ses biais, avec des plans et des règles, son naturel revient au galop. Ainsi, le temps jouait aussi contre lui, en même temps qu'il le servait.
Ces mises à l'épreuve des nerfs sont le creuset idéal pour révéler l'épaisseur des protagonistes comme l'écrivaient fort bien déjà un certain nombre de membres de SC. Mais aussi je crois des relations humaines. C'est ainsi que se produisent des renversements de posture plus ou moins plausibles, nourries de "curiosités". Des pastilles de banal, de maladresses, d'ennui voire de ridicule. On a tôt fait d'estimer la qualité inégale des épisodes. On a tôt fait de songer que les scénaristes s'appuient sur des valeurs sûres du récit : le bien et le mal, le maître et la servitude, etcetera, etcetera.
En bref, si le récit propose une construction " de papel " - en d'autres termes, qui ne "tient pas la route" - il offre au spectateur d'y puiser quelques réflexions. ( J'éviterai de m'exprimer sur la résonance politique ). Rien de nouveau à cela, c'est le propre du conte. La présence de la narratrice Tokyo, nous mettait la puce à l'oreille dés le départ.
Enfin, cette relative fragilité du récit, qui semble à son paroxysme avec un happy end presque détestable, peut avoir une certaine légitimité. Les braqueurs devaient s'évanouir dans la nature. Les plans détruits. Aucune trace ne devait subsister. C'est bien le cas. Savoir ce que deviendront les braqueurs est-il nécessaire, désirable même ? Faut-il que nous les suivions une fois sortis de La Casa de Papel ? Comme le grand public zappe d'événement en événement dans le flot du chaos mondial, le spectateur est invité à passer à autre chose. Tout en gardant à l'esprit cette petite faim sur laquelle les scénaristes l'ont délaissé. Histoire d'envisager une saison 3, ce qui semble être prévu.
Reste à savoir comment Netflix va entretenir l'appétit des fans de la série. Combien même ce serait un autre sujet, je me permets de penser que maintenir la tension pour garder l'attention participe aussi du job.