Perdus dans les préjugés

Courte série de seulement 10 épisodes, "Over the garden wall" est ma petite découverte coup de cœur de ce début d'année.

Le scénario est simplissime et déroutant : on suit deux frères, perdus dans une forêt, qui errent à la recherche du chemin pour rentrer chez eux. Le spectateur n'en sait pas plus, et se retrouve aussi égaré que les garçons, au milieu d'un paysage d'arbres morts, aux longues mains qui s'accrochent aux pans de leurs manteaux, dans une époque indéfinissable et un éternel hiver.

Entre l'aîné, froussard aux rares moments de bravoures involontaires et qui se laisse facilement aller au désespoir, et le cadet, gamin insouciant, rigolard et attirant la sympathie dès qu'il apparaît dans un groupe, la collaboration est parfois difficile. A chaque épisode c'est une nouvelle rencontre, digne d'un conte de Grimm ou d'Andersen : bûcherons inquiétants, sorcières menaçantes, animaux anthropomorphisés, jeunes filles ensorcelées, villages dont on ne sort plus... et surtout cette "Bête" sans forme qui rôde dans les bois et qu'on pourrait croiser à tout moment... tous les classiques sont là.

Et justement la série atteint des sommets car elle sait jongler avec ces classiques. Elle confronte le spectateur à des éléments récurrents de la culture commune, des poncifs sympathiques qui évoquent les contes que nos parents nous lisaient le soir et qui nous faisaient nous cacher sous les couvertures... pour mieux les retourner ! Toutes nos attentes sont brisées, les retournements de situations, entraînés par l'innocence ou le courage des deux frères, sont d'une subtilité déroutante et efficace.

Si l'animation souffre par certains moments de faiblesses, l'atmosphère rattrape tout : une atmosphère pesante, parfois carrément angoissante, qui joue de nos peurs les plus primaires, ces peurs d'enfant égaré dans les bois. On ne peut que s'identifier à ces deux petits héros (chacun étant finalement la face exacerbée d'une même personnalité : entre pessimiste et insouciance), et craindre le pire pour eux. Heureusement la série désamorce avec une intelligence rare ces angoisses et ces terreurs par une légèreté bienvenue. Car dans ce petit monde, entre notre quotidien et les imaginations d'enfant, les grenouilles portent des chapeaux haut-de-forme pour danser sur le pont des navires à aube, dans la lumière orange du soleil qui se couche...

Je ne saurai trop recommander cette série à tous ceux qui aiment se faire peur, à tous ceux qui adorent les contes, à tous ceux qui apprécient d'être détrompés dans leurs attentes, et surtout à ceux qui affectionnent les ambiances.