Terre promise puis stérile

Proposition assez surprenante de la chaîne française préférée des cinéphiles : découper le film portugais Le Domaine (A Herdade) en trois parties pour en faire une mini-série. Réalisée par Tiago Guedes, Le Domaine est une saga familiale qui suit la famille de Joao Fernandes, propriétaire d’une grande exploitation agricole à trois âges distincts de sa vie au gré des événements politiques qui ont bouleversé le Portugal à la fin du XXème siècle que sont la cohabitation avec le pouvoir dictatorial, la révolution des Œillets puis l’entrée de plain-pied du Portugal dans l’Europe néolibérale.

Le prélude est une première scène saisissante qui prouve la maîtrise de la dramaturgie et le sens du cadre de son réalisateur qui se prolongera sur les quasi trois heures de l’œuvre. Pourtant, si cet appel est presque irrésistible, la terre promise du premier épisode devient rapidement stérile. Malgré le personnage envoûtant de Joao Fernandes joué par l’excellent Albano Jerónimo qui crève l’écran, ce patron aux idées politiques progressistes qui capte l’intérêt par son charisme et sa complexité (mari infidèle et père tyrannique), cela ne suffit pas à donner de l’élan à un film/une série aussi longue qui tend à s’essouffler. Peu à peu, le rythme alangui mais pas déplaisant s’embourbe dans des intrigues trop prévisibles qui sont celles d’un secret de polichinelle. De plus, concernant l’aspect historique plus qu’intrigant, trop d’éléments sont éludés et il devient impossible de se rattacher à l’histoire de ce Portugal qui manque de clairvoyance et d’apports historiques.

Si le film partage le traitement de la fin d’un monde comme Visconti a pu le faire avec la Sicile, Le Guépard ne fait qu’une bouchée de ce Domaine qui était pourtant plein de promesses. Le vieillissement de Joao Fernandes ne laisse aucun doute sur les quelques défauts de cette série qui s’apprécierait davantage sur un grand écran.