Le Jeu de la dame
7.6
Le Jeu de la dame

Série Netflix (2020)

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"The one thing we know about Elizabeth Harmon is that she loves to win." - And the hell she did!

Une mini-série absolument superbe ! Depuis les mois que je l’attendais, après les premières images de cet été (bon, même si j’avais compris que c’était un film), elle me faisait de l’œil et les critiques depuis sa sortie n’ont fait que renforcer cette impression. Et je n’ai pas été déçu le moins du monde. Au contraire, j’ai été captivé par cette histoire palpitante d’Elizabeth dans le monde des échecs, même si je n’ai pas compris la moitié des parties. Le succès de cette série repose, à mon sens, sur trois aspects principaux.


Tout d’abord, nous avons bien sûr le personnage d’Elizabeth. Un personnage riche complexe, avec plusieurs facettes, des forces et des faiblesses. L’écriture du personnage est merveilleuse, fluide, pertinente. Car non seulement on aborde le côté d’un personnage féminin dans un monde presque exclusivement masculin, un personnage qui surpasse de loin ses adversaires dans un monde plus fermé. Mais au-delà de ce schéma classique traité admirablement, le personnage même d’Elizabeth va au-delà de ça. En un sens, elle symbolise l’émancipation de la femme car elle se retrouve vite livrée à elle-même et elle s’affirmera d’elle-même. Même si elle séduit, fascine, elle crée sa propre place d’elle-même. Elle est déterminée, parfois bornée, introvertie mais n’hésite pas à s’affirmer. Loin d’être parfaite, elle est géniale et forte tout en étant arrogante et fragile. C’est une personnage à laquelle il est à la fois facile de s’identifier et de s’attacher. Que ce soit pendant la montée de sa gloire, ses épreuves, ses descentes aux enfers ou la consécration lors du dernier épisode.


Cette dualité dans le personnage d’Elizabeth la rend à la fois crédible et captivante. Et cela l’oppose avec les autres personnages centraux de la série, pour beaucoup unidimensionnels en première apparence, avant de révéler leurs facettes : Monsieur Shaibel, le concierge un peu bourru qui lui donne sa chance et deviendra, par la suite, le seul réel père qu’Elizabeth n’aura jamais eu et qui sera fier de sa fille ; Harry Beltik, premier véritable adversaire et défi, qui semblera imbu de lui-même avant de succomber au charme d’Elizabeth, d’en avoir le cœur brisé mais qui sera toujours là dans les moments difficiles ; Townes, le premier béguin d’Elizabeth, qui lui brisera involontairement le cœur mais se révèlera son allié le plus important ; Benny Watts, un peu narcissiste, mais qui sera lui aussi fasciné par Elizabeth et saura mettre de côté son ego pour lui venir en aide ; et puis, bien sûr, Borgov, qui représente presque l’archétype du maître d’échec soviétique génial, impitoyable, pragmatique, presque terrifiant, mais qui saura faire preuve d’un honneur impérial. Ah, j’aurais pu parler du père adoptif, mais c’est vrai que lui restera un connard du début à la fin. Cette dynamique entre Elizabeth et les autres personnages est le deuxième point fort de la série.


Le dernier, c’est son aspect historique. Sur bien des aspects, Le Jeu de la dame est l’une des meilleures séries historiques, et l’une de celle qui aura le mieux réussi à capter cette ambiance propre aux années 50-60 des États-Unis. Et si encore une fois, le parcours d’Elizabeth peut trouver des échos avec son milieu sexiste, la sexualité, la médication, c’est bien dans la vision d’ensemble qu’on trouvera les détails. Que ce soit les petits détails ici et là, des points qui nous paraissent anodins aujourd’hui mais qui à l’époque étaient fondamentaux. Cette lutte tacite, silencieuse, entre les deux blocs qui, même si elle n’est presque jamais exprimée, reste toujours sous-jacente dès que Borgov entre en jeu. Que ce soit la place des femmes dans la société américaine, avec bien sûr le personnage d’Elizabeth, mais aussi ceux de Cleo, qui exprime elle aussi un certaine aspect de l’émancipation de la femme et de la sexualité, Margaret, qui plonge dans l’archétype caricatural du rôle attendu des femmes à cette époque, Jolenne, l’amie de toujours d’Elizabeth, qui exprime tellement de questions sociales (inégalité des sexes mais aussi, et surtout, ségrégation) et avec une classe inégalable, et puis bien sûr Alma, la mère adoptive, qui joue elle aussi d’allégorie de la femme au foyer banlieusarde américaine des années 60, mais symbolise surtout ces innombrables âmes écrasées, détruites, balayées par les codex sociaux. Cette série nous offre un aperçu détaillée et percutant d’une réalité sociale.


On peut bien sûr citer d’autre point fort, à savoir le rythme des épisodes, le suspens et la tension maintenue tout au long des parties ; ou bien des faiblesses ici et là, dont quelques longueurs et répétitions. Mais dans l’ensemble, cette série est très solide ! À l’image de son casting : tous sont impériaux. J’ai beaucoup aimé Bill Camp et Marielle Heller, même si on ne les voit pas forcément beaucoup, ils ont un réel impact. De même que Moses Ingram et Jacob Fortune-Llyod, tous deux dégagent un certain charisme qui crève l’écran. Plus discrets mais plus présent, j’ai plutôt bien apprécié Thomas Brodie-Sangster et Harry Melling, tout comme Marcin Dorocinski dans le rôle de Borgov. Mais oui, ne tournons pas autour du pot : Anya Taylor-Joy est magistrale ! Je n’avais pas trop accroché à ce que j’avais pu voir d’elle avant, mais elle ici avoir trouvé un rôle très bien écrit qui lui convient comme un gant et elle y excelle.


Sur l’aspect technique, la série se montre à la hauteur sur presque tous les points. La musique est vraiment chouette, que ce soit la bande son ou la bande originale, avec des thèmes qui s’ancrent plutôt bien dans l’atmosphère global d’un drame historique, et des chansons qui s’inscrivent bien dans l’époque mais aussi l’état émotionnel d’Elizabeth. La réalisation est superbe : on retrouve de tout, il y a des très bonnes idées sur certains plans et scènes, et l’ensemble (avec le montage) permet de rendre le tout captivant. La photographie et les décors s’accordent à merveille pour recréer cette ambiance propre à l’époque du film.


Autre détail notable : les costumes. Ils sont fabuleux, surtout ceux portés par Elizabeth, car on comprend que ça devient un aspect à part entière du personnage, mais ils renvoient aussi à sa personnalité ou l’atmosphère générale (quand elle est habillée en reine blanche dans la scène finale, par exemple ; mais dans l’ensemble, on retrouvera beaucoup de liens avec les échecs). Seul petit défaut, les effets spéciaux, et notamment les incrustations sur fond vert, qui piquent très souvent les yeux et à plusieurs reprises.


Bref, j’attendais cette série depuis un moment, elle était alléchante et proposait quelque chose qui était typiquement ce que j’aime. Et je n’ai pas été déçu, à aucun moment. Même mieux, mes attentes ont été surpassées. Le Jeu de la dame est une série qui est, sans conteste, l’une des meilleures dans son domaine et qui mérite largement de s’y attarder. Je recommande très, très fortement !

vive_le_ciné

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